Vous savez comme parfois, lorsque l’on croise un-e sacré-e imbécile, ou que quelqu’un nous envoie bouler, cela nous rend nous-même de mauvaise humeur ? Comme si les mauvaises ondes se propageaient d’un individu à l’autre… Figurez-vous que l’effet inverse existe aussi : la gentillesse, la bienveillance et la bonté pourraient bien être contagieuses – c’est la science qui le dit !
Les scientifiques nomment ce phénomène « l’élévation morale » : lorsque nous voyons quelqu’un faire un acte altruiste ou gentil, nous pourrions devenir un peu meilleur-e-s, plus altruistes, plus bienveillant-e-s.
Dans le film Pay It Forward, un enfant décide d’aider trois personnes, qui en aideront trois chacune à leur tour, etc., créant un effet boule de neige basé sur la générosité.
La gentillesse est contagieuse
En 2010, les chercheurs-es Simone Schnall, Jean Roper et Daniel M.T. Fessler ont étudié ce mécanisme « d’élévation morale » en diffusant à des volontaires des clips vidéos. L’un d’entre eux était « neutre » (extrait d’un documentaire sur la nature) et l’autre était censé induire l’élévation morale (images de musiciens remerciant leur chef d’orchestre).
Après ces images, les volontaires doivent décrire par écrit ce qu’ils viennent de voir. À la fin de l’expérience, ils rencontrent les chercheurs-es afin de recevoir leur paiement. A ce moment-là, les psychologues leur demandent s’ils accepteraient de participer à une autre étude – et c’est là que se trouve tout l’enjeu. Pour les chercheurs, les sujets qui ont regardé la vidéo des musiciens devraient avoir été touchés par l’élévation morale… et donc auraient plus tendance à « aider » les chercheurs-es et à accepter d’être volontaire pour une autre recherche.
Devinez quoi ? Bingo, c’est le cas – les personnes qui avaient vu les musiciens remercier leur chef d’orchestre ont plus tendance à accepter de participer à une seconde expérience que les personnes qui avaient vu le documentaire animalier !
Schnall, Roper et Fessler ont poursuivi leurs expériences sur le sujet et, encore une fois, ont demandé à des volontaires de regarder des vidéos (l’une des deux précédentes, ou l’extrait d’une comédie). Ensuite, les chercheurs-es font croire aux volontaires que la suite de l’expérience est annulée, et leur demande s’ils acceptent de répondre à un questionnaire pour une autre étude, en expliquant que le questionnaire en question est ennuyeux.
Rebelote : les participants qui ont vu la vidéo d’élévation morale ont passé beaucoup plus de temps que les autres à répondre au questionnaire relou !
Le virus de la gentillesse et notre cerveau
Plus récemment, une recherche publiée dans le journal Biological Psychiatry et menée par les psychologues Piper, Saslow et Saturn ont observé ce qu’il se passe dans nos cerveaux et dans nos corps lors de cette propagation de la gentillesse.
Les chercheurs-es ont observé l’activité cérébrale d’une centaine d’étudiant-e-s regardant des vidéos mettant en scène soit des actes de gentillesse, soit des situations comiques.
Lorsque les volontaires observent les vidéos d’actes bienveillants, les chercheurs-es constatent une activité dans les systèmes nerveux sympathiques et parasympathiques. Pour simplifier, le rôle, la fonction du système nerveux « sympathique » est de « préparer » notre corps à l’action – quand ce système est activé, on peut observer une augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la transpiration… Autrement dit, c’est le système qui balance des alertes à notre corps pour nous faire comprendre qu’il y a peut-être un danger, un truc à faire, et qu’il va falloir se bouger.
À l’inverse, le système nerveux « parasympathique » déclenche des réactions opposées : il peut être responsable du ralentissement de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle… Il ralentit généralement les fonctions de l’organisme et peut « apaiser » notre corps. Du coup, il est plutôt rare que les deux systèmes s’activent en même temps.
C’est pourtant ce qu’il se passe lorsque les participant-e-s à l’expérience regardent la vidéo « d’élévation morale » (alors qu’aucun des systèmes n’est activé lorsqu’ils regardent la vidéo amusante).
Les scientifiques proposent une interprétation de ce phénomène : pour eux, lorsque l’on regarde un acte bienveillant, on voit aussi la personne qui reçoit cet acte, et qui en a « besoin » (qui, sans celui-ci, peut être vulnérable ou en souffrance) : c’est ce qui pourrait créer un stress (et activer le système nerveux sympathique). Lorsque l’acte bienveillant apparaît, c’est au tour du système nerveux parasympathique d’être activé !
En fin de compte, il suffirait de quelques minutes d’exposition à la gentillesse d’autrui pour que notre système nerveux s’active et que nous devenions à notre tour plus sympa… Vous imaginez, si nous décidions tou-te-s de faire un truc bienveillant aujourd’hui, toute la gentillesse que l’on pourrait propager ?
Pour aller plus loin…
- L’étude de Piper, Saslow et Saturn
- Un article du Huffington Post
- Un extrait du 4ème numéro de la Revue électronique de Psychologie Sociale
- Un article du Melbourne Moral Psychology Lab
- Un article de Jill Smith pour Greater Good
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