19 avril 2016 à 13h04
Flo0
Bon, je suis rassurée de voir qu'il n'existe pas que des papa-discount qui tiennent pas la route. =) Avec les années, c'est toujours une surprise quand j'entends des copains parler de leur père qui est toujours un père. Une bonne surprise, s'entend. Mais la plupart du temps, c'est plutôt l'inverse. Peut-être que moi-même ayant des problèmes avec le mien, je me retrouve avec un cercle d'amis qui partagent les mêmes soucis, j'en sais rien. =)
Moi j'ai deux-trois phrases marquantes avec lesquelles je pense que je serai enterrée tellement j'aurais du mal à les oublier...
Ce qui est drôle, c'est qu'avant cet espèce de changement à 180° qui fait que j'ai eu l'impression de perdre mon père, j'étais hyper complice avec lui. Bon, il a jamais été très démonstratif, mais je pense que je lui ressemble assez pour que dans mon enfance on partage quelque chose.
Et puis quand j'ai eu 15 ans, il s'est passé plein de trucs, mes parents se sont séparés assez abruptement, j'étais en colère et je suis partie vivre avec ma mère à la rentrée scolaire. Le deal était que je retourne chez mon père (dans la maison dans laquelle j'avais grandi) un weekend sur deux. Sauf qu'entre temps, tout s'est plus ou moins barré en cacahuète (vous avez déjà rêvé être sur une espèce de plateforme qui se délite en miettes petit à petit jusqu'à ce qu'il ne reste que du vide sous vos pieds ? Ben mon sentiment sur ma vie à ce moment-là, c'était un peu ça...), je suis littéralement tombée malade d'angoisse à l'idée de retourner au lycée (je commençais ma première), donc j'ai fait une semaine, le médecin m'a arrêtée et ma mère m'a inscrite dans un nouveau lycée plus près. Pendant ce temps mon père faisait l'autruche, au courant de rien, ne prenant aucune responsabilité, mais je suis quand même allée chez lui ce week-end-là. Je ne me souviens que de vide et de silence, je ne suis même pas sûre qu'on ait échangé trois mots. Et puis ma mère est venue me chercher, ils se sont disputés pendant que j'étais dans la salle de bain en train de me scarifier, ma mère lui a dit que je n'allais pas bien et il a répondu "n'importe quoi". Ce qui est drôle, c'est que j'ai eu droit au même "n'importe quoi" six mois plus tôt quand je lui ai balancé à la gueule que son fils de 17 ans était alcoolique et qu'il s'en rendait même pas compte.
Depuis c'est une expression qui me met les nerfs.
Je ne suis jamais retournée vivre chez lui.
La deuxième phrase marquante, ça a été quelques mois plus tard, quand sa mère est décédée, et que je l'ai revu pour la première fois. Il avait écrit un texte qu'il ne se sentait pas de lire (compréhensible à mes yeux, j'étais en colère mais pas dépourvue d'empathie) donc il nous a demandé à mon frère (très proche de notre grand-mère) et moi de nous partager le texte. Le jour de l'enterrement, je crois que j'ai eu droit à un bonjour (il aurait pu me serrer la main, niveau distance c'était pareil) et puis j'ai lu le texte au-dessus de la tombe de ma grand-mère la voix tremblante, essayant de m'empêcher de pleurer avant la fin de ce foutu texte, et il était à côté de moi et il me répétait "tu lis trop vite" entre ses dents. J'étais trop triste pour faire un scandale, mais au moment où j'ai enfin fini ma lecture, je suis partie, j'ai quitté le cimetière et j'ai retrouvé ma mère qui était là en soutien.
Après ça je ne l'ai pas vu pendant encore un an, alors qu'il habitait à cinq minutes de chez moi. Je n'avais plus envie de faire aucun effort.
Avec le temps, j'ai grandi et j'ai mis la colère de côté, parce qu'il y a qu'à moi que ça faisait mal. Je l'ai revu de temps en temps, avec l'impression de retrouver une vieille connaissance de la famille plutôt que mon père. Il n'a plus eu vraiment de rôle dans ma vie. Et puis quinze jours avant mon vingt et unième anniversaire, il m'a appelé, et il m'a dit "tu vas être grande sœur". C'est drôle, parce qu'au moment où il m'a annoncé ça, je me suis dit "c'est pas possible". Pas parce qu'il ne pouvait pas faire ça, plutôt parce qu'avec les années, j'avais fait mon deuil. Pour moi, je n'avais plus de père. Et là, en fait, je me suis pris la réalité en pleine tête, qu'il était toujours vivant mais qu'il était plus là. Du coup je lui ai répondu les félicitations d'usage et il a bredouillé "je sais pas si y a matière à félicitations". J'ai pensé "bon courage gamin".
Mais je serai jamais grande sœur. Ces enfants (oui, parce qu'il a remis ça une deuxième fois), ce ne sont pas les enfants de mon père, je n'ai plus de père.
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Moi j'ai deux-trois phrases marquantes avec lesquelles je pense que je serai enterrée tellement j'aurais du mal à les oublier...
Ce qui est drôle, c'est qu'avant cet espèce de changement à 180° qui fait que j'ai eu l'impression de perdre mon père, j'étais hyper complice avec lui. Bon, il a jamais été très démonstratif, mais je pense que je lui ressemble assez pour que dans mon enfance on partage quelque chose.
Et puis quand j'ai eu 15 ans, il s'est passé plein de trucs, mes parents se sont séparés assez abruptement, j'étais en colère et je suis partie vivre avec ma mère à la rentrée scolaire. Le deal était que je retourne chez mon père (dans la maison dans laquelle j'avais grandi) un weekend sur deux. Sauf qu'entre temps, tout s'est plus ou moins barré en cacahuète (vous avez déjà rêvé être sur une espèce de plateforme qui se délite en miettes petit à petit jusqu'à ce qu'il ne reste que du vide sous vos pieds ? Ben mon sentiment sur ma vie à ce moment-là, c'était un peu ça...), je suis littéralement tombée malade d'angoisse à l'idée de retourner au lycée (je commençais ma première), donc j'ai fait une semaine, le médecin m'a arrêtée et ma mère m'a inscrite dans un nouveau lycée plus près. Pendant ce temps mon père faisait l'autruche, au courant de rien, ne prenant aucune responsabilité, mais je suis quand même allée chez lui ce week-end-là. Je ne me souviens que de vide et de silence, je ne suis même pas sûre qu'on ait échangé trois mots. Et puis ma mère est venue me chercher, ils se sont disputés pendant que j'étais dans la salle de bain en train de me scarifier, ma mère lui a dit que je n'allais pas bien et il a répondu "n'importe quoi". Ce qui est drôle, c'est que j'ai eu droit au même "n'importe quoi" six mois plus tôt quand je lui ai balancé à la gueule que son fils de 17 ans était alcoolique et qu'il s'en rendait même pas compte.
Depuis c'est une expression qui me met les nerfs.
Je ne suis jamais retournée vivre chez lui.
La deuxième phrase marquante, ça a été quelques mois plus tard, quand sa mère est décédée, et que je l'ai revu pour la première fois. Il avait écrit un texte qu'il ne se sentait pas de lire (compréhensible à mes yeux, j'étais en colère mais pas dépourvue d'empathie) donc il nous a demandé à mon frère (très proche de notre grand-mère) et moi de nous partager le texte. Le jour de l'enterrement, je crois que j'ai eu droit à un bonjour (il aurait pu me serrer la main, niveau distance c'était pareil) et puis j'ai lu le texte au-dessus de la tombe de ma grand-mère la voix tremblante, essayant de m'empêcher de pleurer avant la fin de ce foutu texte, et il était à côté de moi et il me répétait "tu lis trop vite" entre ses dents. J'étais trop triste pour faire un scandale, mais au moment où j'ai enfin fini ma lecture, je suis partie, j'ai quitté le cimetière et j'ai retrouvé ma mère qui était là en soutien.
Après ça je ne l'ai pas vu pendant encore un an, alors qu'il habitait à cinq minutes de chez moi. Je n'avais plus envie de faire aucun effort.
Avec le temps, j'ai grandi et j'ai mis la colère de côté, parce qu'il y a qu'à moi que ça faisait mal. Je l'ai revu de temps en temps, avec l'impression de retrouver une vieille connaissance de la famille plutôt que mon père. Il n'a plus eu vraiment de rôle dans ma vie. Et puis quinze jours avant mon vingt et unième anniversaire, il m'a appelé, et il m'a dit "tu vas être grande sœur". C'est drôle, parce qu'au moment où il m'a annoncé ça, je me suis dit "c'est pas possible". Pas parce qu'il ne pouvait pas faire ça, plutôt parce qu'avec les années, j'avais fait mon deuil. Pour moi, je n'avais plus de père. Et là, en fait, je me suis pris la réalité en pleine tête, qu'il était toujours vivant mais qu'il était plus là. Du coup je lui ai répondu les félicitations d'usage et il a bredouillé "je sais pas si y a matière à félicitations". J'ai pensé "bon courage gamin".
Mais je serai jamais grande sœur. Ces enfants (oui, parce qu'il a remis ça une deuxième fois), ce ne sont pas les enfants de mon père, je n'ai plus de père.