Cet article spoile un élément important d’And Just Like That… épisodes 1 et 2.
À sa sortie, en 1998, Sex and the City a remué New York et le monde avec elle.
Il faut dire qu’à l’époque, quatre héroïnes célibataires qui envoyaient valser les hommes d’un revers de cheville — chaussée d’une paire de Manolo Blahnik — et parlaient de cul sans prendre de pincettes, c’était non seulement assez émoustillant mais aussi et surtout novateur !
Si vous faites l’expérience de revoir les six saisons (épargnez-vous les films) aujourd’hui, vous vous rendrez toutefois compte que la fiction a bien vieilli et que le féminisme d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui.
Ainsi, remettre sur le tapis une série désormais considérée comme très blanche, parfois problématique et glamourisant une histoire d’amour archi-toxique était-elle une bonne idée ?
And Just Like That… et ses héroïnes au rapport compliqué avec leur époque
Carrie (Sarah Jessica Parker), Charlotte (Kristin Davis) et Miranda (Cynthia Nixon) ne sont plus les trentenaires en crop top qu’elles ont été.
Ce qui est un problème pour Charlotte — selon laquelle Miranda devrait continuer à se teindre en rousse au lieu de laisser son poivre et sel naturel — mais pas pour la principale concernée, ni pour Carrie.
Si ces dernières acceptent les légers changements que le temps impose à leur physique, ce n’est pas en cela que leur âge les préoccupe.
Non, le problème, c’est qu’elles se sentent un peu déconnectées du monde qui les entoure tout en essayant d’en comprendre les codes.
Carrie, ancienne autrice à succès qui a marqué les colonnes du New York Star, a désormais pour passion de prendre des looks d’inconnus en photos avant de les mettre sur Instagram, un peu à la manière de The Sartorialist, et s’essaye au podcast. Apparemment, la maitrise des réseaux sociaux n’a aucun secret pour elle !
Mais lorsqu’elle doit enregistrer un podcast sur « le rôle des genres et les roulés à la cannelle » où elle est recrutée pour parler de cul en tant que femme blanche cisgenre, elle trouve la limite de sa compréhension des enjeux de son époque.
Elle bafouille quand on lui demande de parler ouvertement de masturbation et se retrouve non pas complètement larguée mais en léger décalage avec ses collègues ultra-déconstruites.
Miranda, quant à elle, retourne sur les bancs de l’école pour prendre un cours spécifique de droit et fait une référence inappropriée aux cheveux de sa professeure ; elle se prend les pieds dans des notions de racisme et d’âgisme, en voulant bien faire.
Ainsi, plutôt que de propulser ses héroïnes dans un monde en mutation auquel soit elles comprendraient tout par l’opération du saint-Esprit, soit elles ne pigeraient rien et parleraient comme des boomers (ce qu’elles font parfois), And Just Like That… choisit de les tenir bien informées du progrès, en faisant cohabiter leurs connaissances et leurs lacunes en matière de « wokisme » (comme dit Jean-Michel Blanquer).
On évite donc ici le manuel de progressisme qui cocherait toutes les cases de la justice sociale de manière opportuniste : on préfère s’interroger, quitte à se tromper.
Un bon point pour une série qui doit non pas effacer les marqueurs du temps mais plutôt les fondre dans une nouvelle ère.
And Just Like That…, une ouverture artificielle
Malheureusement, on n’échappe pas à un brin d’artificialité dans l’ouverture du premier épisode.
En effet, après 11 ans d’absence, faire rattraper le temps perdu entre les héroïnes et les spectateurs n’est pas une mince affaire !
Il convient d’expliquer où elles en sont toutes, aussi bien d’un point de vue professionnel qu’intime, d’évoquer leur évolution, l’absence du dernier membre de leur quatuor — Samantha Jones, campée par l’actrice Kim Cattrall qui n’a pas souhaité reprendre l’aventure… Le tout en seulement quelques minutes pour ne pas perdre le public.
Les 15 premières minutes du programme sonnent sinon faux, au moins peu naturelles, d’autant que de l’autre côté de l’écran on sait pertinemment que les bisbilles entre Sarah Jessica Parker et Kim Cattrall sont les principales raisons de l’absence du personnage de Samantha.
Difficile de croire à l’excuse qui est donnée dans la fiction quand on connait les coulisses du programme. Résultat, une introduction longue qui fait grincer des dents.
D’autant plus quand on nous présente le quatrième nouveau membre de la série en la personne de Lisa Todd (Nicole Ari Parker), qui semble cocher toutes les cases du personnage « dont on manquait dans Sex and the City » : racisée, à fond dans la sororité, et qui se fiche de manger des frites froides parce que ce le principale c’est « qu’elles soient grasses ».
Ce qui est sans doute une volonté de bien faire — Sex and the City fut pendant six saisons et deux films une fiction exclusivement blanche, où tous les personnages principaux et secondaires étaient blancs et obsédés par leur poids — en ouvrant (très légèrement) le casting à des actrices racisées, est malheureusement déployé à l’écran avec une maladresse qui participe encore à l’artificialité du premier épisode.
Heureusement, s’il l’on s’accroche un peu, il y a du bon dans cette suite à la série culte des années 2000.
And Just Like That…, ce qu’il faut de drame
Ce qui aurait pu être parfaitement insupportable (à l’instar du second film de la franchise qui réussit à lui seul le pari d’être raciste, idiot, indécent et finalement à vomir, en n’évoquant que la vie de meufs riches en dehors des réalités de 90% de la planète) évolue vite dans un drame plus profond qu’a priori, qui inscrit les héroïnes dans la vraie vie.
Évidemment, Charlotte, Miranda et Carrie sont bien plus sapées que le commun des mortels, paradant à grands renforts de talons aiguilles, chapeaux improbables et sacs haute couture. Évidemment, elles vivent dans des palaces aux dressings démesurés. Évidemment, elles sont toujours fraiches comme la rosée du matin.
Ça reste la suite de Sex and the City, essentiellement consommée pour ses romances et ses looks flamboyants.
Mais cette année, il n’est pas question de passer à côté de ce qu’est la vie de quinquagénaires parfois mères, travailleuses acharnées, épouses dans la tourmente.
Car l’événement principal de ce premier épisode de And Just Like That… est le décès de Big, le mari de Carrie.
Celle-ci le retrouve effondré dans la douche quand elle rentre d’un récital, mort d’une crise cardiaque après avoir pédalé comme un acharné sur un vélo (ce qui a fait chuter en bourse la marque de l’engin, bien visible à l’image).
Ainsi, la série verse dans le drame, surtout dans l’épisode 2, qui voit son héroïne expérimenter les premiers jours de son deuil.
Comment survivre à la mort de son partenaire ? Comment composer avec l’absence d’une personne qui vous a accompagnée pendant des décennies ? Comment entamer une nouvelle vie à l’approche de la soixantaine ?
Des questions qui peignent d’un nouveau réalisme une fiction jusqu’à présent trop artificielle pour convaincre.
Voilà qui nous a donné envie d’aller plus loin dans notre consommation et de regarder le 3è épisode, disponible dès vendredi 17 décembre sur Salto !
Voir And Just Like That sur Salto
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