Cette une, on ne la verrait sûrement pas en France.
Visage emblématique du combat contre les violences policières et le racisme, Assa Traoré figure dans la catégorie « Gardiens et gardiennes de l’année » du magazine Time. Un titre amplement mérité !
Cette édition met à l’honneur deux mouvements : les soignants en première ligne et le mouvement contre les inégalités raciales et les violences policières, aux États-Unis mais aussi dans le reste du monde.
L’activiste de 35 ans se bat pour la mémoire et la vérité sur la mort de son frère Adama Traoré depuis 2016. Mais c’est en 2020 que son combat a réellement été découvert par le grand public.
Suite au décès de l’Afro-Américain George Floyd aux mains de la police le 25 mai 2020, le groupe lance un appel sur les réseaux sociaux pour une manifestation contre les violences policières et pour le comité La Vérité sur Adama le 2 juin 2020, à Paris.
Alors que le rassemblement est interdit, un raz-de-marée déferle au pied du tribunal de grande instance de Paris. Répondent également à l’appel les habitants et habitantes de Lyon, Marseille, Lille. Tous et toutes se réunissent autour du même slogan : « Pas de justice, pas de paix ». Des images incroyables qui font le tour du monde.
Assa Traoré, le combat d’une sœur pour son frère
Depuis quatre ans, Assa Traoré se bat sans relâche pour « la vérité et la justice » concernant « l’assassinat » de son frère Adama par les forces de l’ordre.
Comme le rappelle le Time :
« En juillet 2016, son frère Adama est décédé en garde à vue le jour de son 24e anniversaire. Une déposition secrète par la police aurait inclus ses derniers mots : “Je ne peux pas respirer”. »
Par la suite, une bataille judiciaire d’experts est lancée. Certains médecins pointent la responsabilité des gendarmes quand d’autres l’écartent. Quant à la famille et les proches, ils dénoncent une bavure.
Une technique appliquée par les policiers est mis en cause : le plaquage ventral. Dans son procès-verbal d’interpellation, un des policiers écrit :
« Nous avons employé la force strictement nécessaire pour le maîtriser mais il a pris le poids de notre corps à tous les trois au moment de son interpellation. »
Selon l’avocat Maître Bouzrou au micro de France Inter, la compression thoracique a mené à l’asphyxie de Adama Traoré. Même technique qui est à l’origine de la mort de Cédric Chouviat et George Floyd aux États-Unis.
Très vite, il faut essuyer les larmes et agir. Afin d’obtenir justice, les proches du jeune homme décédé s’organisent et créent le comité La Vérité pour Adama. À sa tête, Assa Traoré enchaîne manifestations, prises de parole et interviews.
Assa Traoré, le visage d’une génération mobilisée
À travers son combat pour la vérité, Assa Traoré est devenue un symbole de la lutte contre les violences policières et du mouvement antiraciste en France. Depuis la mort de son frère, elle a mis de côté son travail pour se consacrer pleinement à sa quête de justice.
En parallèle, la famille assure être victime d’intimidations avec notamment plusieurs procédures judiciaires engagées contre les frères.
Malgré l’acharnement, la femme noire de 35 ans accuse les coups et reste debout. Le mardi 2 juin 2019, une autre image marque les esprits : celle d’Assa Traoré traversant la foule compacte.
https://twitter.com/charlesvillaa/status/1267936111827070982
Face aux manifestants, elle réclame la fin de l’impunité :
« Aujourd’hui, quand on se bat pour George Floyd, on se bat pour Adama, on se bat pour Ibrahima Bah, on se bat pour Gaye Camara, on se bat pour Babacar Gueye, on se bat pour Angelo Garand. »
Une liste longue à laquelle on peut rajouter la récente agression du producteur Michel Zecler par trois policiers.
En quelques années, Assa Traoré a réussi à fédérer autour de sa cause. Alors qu’elle est honorée à l’étranger, la militante dérange en France, pays qui semble décidé à nier l’existence du racisme systémique qu’elle dénonce. Que ce soit dans les discours politiques ou dans les médias mainstream, le fait que la société française est loin d’un paradis antiraciste paraît difficile à assumer…
Quelques jours après cette manifestation massive, Emmanuel Macron apporte son soutien aux forces de l’ordre lors d’une allocution le dimanche 14 juin 2019. Le signe d’une véritable déconnexion.
Emmanuel Macron face aux violences policières
Pour une autre prise de parole sur le sujet, le 4 décembre 2020, il est acquis parmi les journalistes politiques qu’Emmanuel Macron a choisi Brut pour deux raisons : parler aux jeunes, et essayer de rattraper sa gestion des violences policières, qui a peu convaincu. Au cours de cette interview, il admet l’existence « de violences policières » mais dénonce « un slogan politisé ».
On est très loin du compte, donc. Plutôt dans une réaction tardive qui ne convainc pas vraiment…
Or aujourd’hui, l’heure est à l’action. Et avec ce titre remis à Assa Traoré, nul doute que la lutte contre les violences et les discriminations reste un des enjeux en France en 2021.
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