En février dernier, après plusieurs manifestations, la grève générale et illimitée était lancée par les associations étudiantes au Québec pour lutter contre la hausse annoncée pour septembre 2012 des frais de scolarité, comme nous le racontait deadpool il y a bientôt deux mois.
Depuis, rien n’a vraiment changé. Le gouvernement Charest n’a pas affaibli sa position et les négociations entre l’État et les représentants des associations étudiantes se sont pour l’instant toujours soldées par un échec. Si le conflit sur les frais de scolarités fait régulièrement l’actualité, c’est donc moins pour nous annoncer une petite victoire au niveau des pourparlers que pour faire état de la répression policière qui sévit sur les manifestants, qu’ils soient étudiants ou simples supporters des jeunes québécois déclarés en grève. A titre d’exemple, le 23 mai, pas moins de 700 personnes étaient arrêtées lors d’une manifestation illégale.
Illégale, cette manifestation l’était pour la raison suivante : le 17 mai dernier, la loi 78 était proposée par le gouvernement Charest
et adoptée le lendemain par l’Assemblée nationale du Québec après une vingtaine d’heures de débats. Le but était de mettre fin à trois mois d’un conflit dans l’impasse. Cette loi évoque la reprise des cours et le climat dans lequel elle devra se faire, mais c’est son article 16 qui fait particulièrement débat puisqu’il encadre le droit de manifester (en cas de rassemblement de plus de 50 personnes, l’organisateur de l’évènement doit fournir aux autorités des informations très précises sur le parcours, l’heure et les moyens de transport pour arriver sur les lieux au moins huit heures avant la manifestation).
C’est dans ce contexte particulier où le gouvernement est dépassé, où la répression est forte, où les manifestations sont au choix chronométrées et supervisées par la police ou illégales que tombe le témoignage d’une jeune étudiante de maîtrise en sciences de l’information à l’Université de Montréal. Elle s’appelle Marilyne Veilleux, et elle a passé une partie de la journée en garde-à-vue pour avoir provoqué pacifiquement la police en lisant des passages de 1984 de George Orwell – ce fantastique roman d’anticipation qui se passe dans un régime totalitaire – dans le métro. Son témoignage tourne pas mal depuis hier sur les Internets et nous ne voulions pas risquer que tu le rates tant il semble symptomatique d’un conflit inextricable chez nos cousins québécois :
« Ma journée en prison pour avoir lu 1984 dans le métro
En ce dimanche 10 juin 2012, j’ai tenté de participer à une manif-action consistant à me déplacer pendant quelques heures du métro Berri au métro Jean-Drapeau en vue de manifester pacifiquement mon désaccord face au Grand Prix de Formule 1, évènement qui prône ce que je considère comme étant des idéologies sexistes.
Vêtue d’une robe fleurie et d’un sac rempli d’objets dangereux tels qu’une pomme, une bouteille d’eau et trois livres, j’ai voulu pointer du doigt la haute présence policière et l’attitude frôlant le terrorisme du SPVM depuis le début du conflit gouvernemental en lisant calmement 1984 de George Orwell, un roman d’anticipation présentant une société aux prises avec un régime policier totalitaire.
Après m’être faite fouiller par un policier à mon arrivée au métro Berri-UQAM, j’ai pris place dans un wagon en direction de la station Jean-Drapeau, mon livre à la main. Lors de mon retour vers le centre-ville, j’ai lu face à un policier et une femme a lu avec moi, par-dessus mon épaule. Nous avons été prises en photo et le policier, voyant que nous étions deux dangereux personnages, a appelé son équipe en renfort pour nous accueillir en bonne et due forme à Berri. Avec les autres passagers du wagon, nous avons été placés face contre mur et nous avons ensuite été amenés à l’extérieur, par les sorties de secours, où on nous a dit de ne pas revenir sous peine d’être arrêtés. Aucune réponse lorsque j’ai demandé ce qu’il y avait de mal à lire dans le métro.
J’ai commis un acte irréparable de désobéissance civile en redescendant dans la station et en retournant lire dans un wagon. Lorsque les policiers m’ont vu manger ma pomme, ils m’ont crié qu’ils reconnaissaient mes tatouages et m’ont interceptée. J’ai demandé ce que j’avais fait de mal, autre que de lire pacifiquement, et j’ai eu pour réponse que j’avais désobéi à leurs ordres. J’ai reposé ma question, à savoir ce qu’il y a de mal à être dans le métro à lire, et je n’ai pas eu de réponse. On m’a mise en état d’arrestation et les deux policiers se sont fait un chaleureux high five pour se féliciter de leur bon travail. On m’a amenée, telle une criminelle, au centre de détention du SPVM au centre-ville de Montréal, où on m’a prise en photographie sous toutes les coutures. Après avoir enregistré tous mes effets personnels, les policiers m’ont conduite à la cellule 52 où étaient présentes trois autres femmes. J’ai passé la journée derrière les barreaux, autour d’une toilette sale, couchée sur un banc, sans savoir quand j’allais être relâchée, pour avoir lu dans un wagon de métro et pour avoir récidivé à cet acte révolutionnaire. Vers 15h30, j’ai été libérée avec un constat d’infraction me disant que tout ce cirque avait eu lieu pour un refus de circuler.
État policier ? J’ai honte de mon Québec. »
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Les Commentaires
Et là cette vidéo... M'a foutu les larmes aux yeux et des frissons sur tout le corps ! Je soutiens de tout coeur les québécois qui ne doivent pas lâcher le morceau
"le gouvernement ne cède pas", bah faut pas que les étudiants non plus...