Il y a quelques jours, j’ai fait un rêve – pas un très important comme celui de Martin Luther King, hein, un tout petit rêve très égoïste : celui que je gagnais au Loto. On ne va pas se mentir, dans ce rêve médiocre, j’étais drôlement contente, je m’imaginais déjà partir en vacances, travailler un peu moins, arrêter le Défi Zéro Dépense de Micea Austen…
Le lendemain, j’ai joué au Loto pour la première fois de ma vie (on ne sait jamais : peut-être qu’en plus d’être la future gagnante, j’étais aussi une fine médium). Devinez quoi ? Je n’ai pas remporté le pactole.
Ma vie aurait-elle été plus jolie avec 10 millions d’euros ? Qu’arrive-t-il aux personnes qui gagnent vraiment ? Sont-elles plus heureuses que le commun des mortel•les ?
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L’argent fait-il le bonheur ?
En janvier dernier, la rubrique Science of Us du New York Magazine est revenue l’une des expériences « classiques » de psychologie à ce sujet. En 1978, les chercheurs Philip Brickman, Dan Coates et Ronnie Janoff-Bulman se sont demandé si nous étions tou•te•s à égalité face au bonheur – et si celui-ci était relatif.
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Pour répondre à ce questionnement, le trio a interrogé trois groupes de volontaires.
- Le premier était composé de personnes ayant gagné une loterie (avec un prix allant de 50 000$ à 1 million)
- Le second était quant à lui constitué de personnes victimes d’accidents récents (devenu•es paralysé•es)
- Le troisième était un groupe « contrôle », constitué ni de gagnant•e•s, ni de victimes d’accidents.
À chaque individu, les chercheurs demandent d’évaluer le plaisir tiré d’activités du quotidien : discuter avec un•e ami•e, regarder la télévision, manger un petit-déjeuner, rire à une blague ou recevoir un compliment.
En analysant les résultats, les scientifiques s’aperçoivent que les victimes d’accidents récents ressentiraient plus de bonheur au quotidien que les gagnant•es
à la loterie… mais cette différence reste modérée : en moyenne, ces dernier•es évaluent leur niveau de bonheur quotidien à 3,33 sur 5, tandis que les personnes devenues handicapées lui attribuent une note de 3,48.
L’adaptation hédonique, qu’est-ce donc ?
Selon Brickman, Coates et Janoff-Bulman, ce serait dû à une « adaptation hédonique », à un « plateau » : nous aurions tendance à nous habituer aux choses qui nous ont un jour rendu très heureu•x•se.
Plus précisément, la joie déclenchée par une victoire au Loto s’atténuerait. Peu à peu, même les éléments les plus positifs de nos vies peuvent cesser d’avoir un impact sur notre niveau de bonheur – ils sont comme « absorbés » dans tous les autres nouveaux évènements.
Autrement dit, si j’avais gagné au Loto, j’aurais probablement vécu un pic de bonheur pendant les premiers jours suivant la nouvelle. J’aurais sûrement connu d’autres montées de joie à chaque fois que je faisais une nouvelle chose qui n’aurait pas été financièrement possible avant… Mais au fur et à mesure, tous ces évènements seraient peut-être devenus moins intenses et auraient fini par ne plus vraiment contribuer à mon niveau général de bonheur.
Cette tendance à l’adaptation pourrait s’appliquer à plein d’autres choses : vous avez un nouveau job ? Un nouvel appart ? Un nouveau t-shirt ? Un nouveau super resto pas cher a ouvert pas loin de votre taf ? Eh bien, peu importe l’intensité de la joie actuelle que vous procure ce nouveau truc, il est probable qu’elle s’atténue… et que cette nouveauté finisse par vous laisser de marbre.
Cultiver son jardin bien-être
Si vous voulez mon humble avis, C’EST UN MÉCANISME HORRIBLE ET NOUS DEVRIONS NOUS EN DÉBARRASSER DE TOUTE URGENCE (en majuscules, oui).
Le truc que nous pouvons retirer de cette vieille expérience, c’est que nous n’avons pas besoin du Loto pour être heureu•x•ses (entendons-nous bien : nous n’avons pas besoin du loto, mais nous avons bien besoin d’un niveau de vie un peu confortable, hein), et que nous pouvons retrouver le bonheur même si nous passons par des épreuves difficiles.
À raison, l’article de Science of Us rappelle que d’autres expériences ont montré qu’un temps de trajet domicile-travail plus court pouvait nous procurer autant de joie qu’une augmentation de 40% ; qu’avoir plus de temps libre nous rendrait plus heureu•x•se qu’avoir plus d’argent… En bref : que la thune n’est pas la seule source de joie de l’univers, et heureusement.
Peut-être qu’encore une fois, ce que nous pouvons retirer de tout cela, c’est que nous pouvons cultiver notre bien-être – en luttant contre l’effet de plateau, contre cette foutue « adaptation », en chérissant tous les trucs insignifiants qui nous donnent de la joie !
Pour aller plus loin…
- L’expérience en question
- L’article du New York Magazine
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Voilà notamment un article sur l'inanité de nombreuses études http://passeurdesciences.blog.lemon...linutilite-de-nombreux-travaux-scientifiques/
Pour ceux que ça intéresserait et toujours avec une certaine précaution, il y a le livre des Pinçon-Charlot (sociologues se spécialisant sur les riches) qui apportent d'autres éléments de réponse : http://www.amazon.fr/Les-Millionnaires-chance-Rêve-réalité/dp/2228905151