Quand j’avais une dizaine d’années, j’étais fascinée par l’adolescence, que je m’imaginais comme un luxuriant jardin d’Eden. Je me voyais déjà entourée d’une bande-de-potes-super-soudés-et-amis-pour-la-vie à aligner les bières cafés à la sortie du lycée, en planifiant quelle tenue extravagante j’arborerai pour l’une des très nombreuses soirées auxquelles je serai immanquablement conviée.
Mais QUE NENNI. Aujourd’hui, nous allons donc causer du lot de frustrations que comporte l’adolescence, et démontrer que cette période de nos vies n’a rien d’une époque bénie. C’est parti Jackie.
La permission de vingt-trois heures
Tu as quinze ans, tu viens de rentrer en seconde au lycée des Ponts-de-Cé (49), délaissant ton Saint-Jean-Des-Mauvrets natal. Au jour de la rentrée, tu t’imagines que ta vie ne sera alors qu’une succession de fêtes et de réjouissances.
Une semaine plus tard, tes espérances sont amèrement déçues : le seul lieu festif de ton village est un PMU envahi de sexagénaires fort enclins à lever le coude, et tes parents, magnanimes, te laissent sortir un samedi sur deux. Jusqu’à 23 heures. Tes rêves de jeunesse à la Sex and the City
s’envolent, et tu n’as plus qu’à bosser pour oublier.
Les finances
Tu as conscience du fait que l’impérialisme américain, c’est le mal. Ce nonobstant, tu vendrais la rate de ta grand-mère sur eBay pour te payer un Levi’s. Ne pouvant pas travailler à cause de ta non-majorité, tu es dépendant-e de l’obole mensuelle que te versent tes parents. 15€ par mois, donc.
Heureusement, un papillon de lumière vole au-dessus de ce triste tableau : tes géniteurs t’ont promis que lorsque tu aurais dix-sept de moyenne générale, ils quadrupleraient ton argent de poche. En attendant, tu songes à faire la manche ou à vendre ton corps à la science.
À moins de cambrioler la demeure de Lindsay Lohan, ta dégaine risque de ne pas ressembler à cela.
La minorité
Depuis l’âge de dix ans, tu comptes les jours qui te séparent de ta majorité — période bénie où tu pourras ENFIN commander une cervoise en terrasse sans que la serveuse ne te demande ta carte d’identité, puis menace d’appeler la police si tu ne t’en vas pas dans le quart d’heure.
Être mineure t’interdit de voter pour Jacques Cheminade, de commander des strings léopards sur La Redoute, d’entrer au Macumba Club en toute sérénité, d’écrire toi-même des missives à la scolarité pour justifier des absences, et de posséder une carte bleue qui ne te servira à rien puisque tu n’as pas le tiers du quart du commencement d’un centime. C’est frustrant, certes, mais c’est la vie Jacques-Henri.
Le lycée
Avant, tu croyais que le lycée serait un endroit béni des dieux où tu pourrais vivre liiiibre et où ta créativité s’épanouirait au jour le jour. Mais tu as découvert :
- Que l’administration est fourbe et est capable d’envoyer, dans une enveloppe sans tampon du lycée (que tu n’auras donc pas l’idée de subtiliser à tes parents), le récapitulatif intégral de tes absences de l’année. Il tient sur trois pages.
- Que lycée rimait avec « travailler ». Toi qui comptais bronzer les doigts de pieds en éventail dans la cour, tes espoirs sont ruinés.
- Que les casiers d’un mètre de haut qui t’ont fait rêver toute ton enfance n’appartiennent qu’aux séries américaines.
La vie est une chienne.
L’apparence
Tu as toujours été persuadée qu’au jour de tes quinze ans, tu serais belle et fraîche comme une fleur du printemps s’ébrouant dans la rosée du matin. Mais la puberté, cette garce, t’a affublée de vergetures, d’acné vorace, de cheveux-si-gras-qu’en-les-tordant-tu-pourrais-faire-de-l’huile et/ou de formes disproportionnées (rayer mentions inutiles).
Si en plus, comme moi, ton dentiste a eu la brillante idée de te poser un appareil dentaire LE JOUR DE TES QUINZE ANS, tu peux faire une croix sur ton rêve de toujours : le concours de sosie de Miley Cirus. Si les petits soucis esthétiques inhérents à la période de l’adolescence ne sont jamais faciles à vivre, n’oublie pas de niquer solennellement tous tes complexes — parce que tu le vaux bien.
On se console comme on peut.
Le passe-ton-bac-d’abord
- Ce voyage à Barcelone que tu rêves de faire avec tous tes copains depuis que vous avez vu L’Auberge Espagnole ? « Passe ton bac d’abord. »
- Le permis ? « Passe ton bac d’abord. »
- Un studio microscopique, que tu partagerais avec une colonie de cafards et une armée de punaises de lit ? « Passe ton bac d’abord. »
En toute occasion, tes géniteurs te rappellent que seul le sacro-saint baccalauréat aura le pouvoir d’exaucer tous tes désirs — mais dès que tu l’auras, leurs promesses seront sitôt oubliés.
Pour l’ensemble des raisons évoquées ci-dessus, j’irai personnellement rosser le séant du premier mécréant qui bramera que « l’adolescence c’est la meilleure période de la viiiiie ». Si toi aussi tu as subi de bien cruelles désillusions à l’heure de la puberté, raconte-nous tout dans les commentaires : pleurer tout seul, c’est bien, pleurer à deux, c’est mieux.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Et dire que je suis pile dans cette période là et que j'en ai déjà marre, je crois que si on oublie toutes les fois où j'ai pleuré pendant des heures (lesdites heures qui, mises bout à bout forment au moins une semaine sur une année), où je me suis disputée ou quelque chose dans le genre, ouais, on peut dire que c'est plutôt cool.
(racontage de vie)
Et @SallyJ je suis tout pareil que toi pour les sorties et tout, je sors tellement peu que quand je demande à le faire c'est limite si on ne me vire pas tout de suite de la maison.