À l’origine, Frank ne signifiait pour moi que deux choses : une étrange tête en papier mâché sur fond vert (un peu moche) et le personnage fantasque des sketchs que regarde le personnage de James McAvoy dans Filth, entre deux bouteilles de whisky.
Naturellement intriguée, j’ai voulu en savoir plus et j’ai découvert il y a quelques mois cet OVNI du cinéma. Sorti en mai 2014 au Royaume Uni et dans quelques salles françaises depuis le 4 février, Frank est un film indépendant de Lenny Abrahamson largement inspiré du personnage Frank Sidebottom, créé par le comique et musicien britannique Chris Sievey et qui connut un succès mitigé en Angleterre.
De quoi ça cause ?
Revenons-en à notre Frank. En fait, le rollercoaster cinématographique ne commence pas avec lui, mais avec Jon Burroughs (Domhnall Gleeson, alias Bill Weasley), jeune musicien amateur qui peine à trouver de l’inspiration dans son rythme de vie monotone, entre emploi dans un open space et vie chez ses parents. Le hasard l’amène à remplacer le claviériste des Soronprfbs, groupe indépendant et alternatif, mené par l’énigmatique et captivant Frank (Michael Fassbender) et géré par Don (Scott McNairy, vu dans Gone Girl et Halt & Catch Fire), un écorché vif qui voue sa vie et son énergie à Frank et son groupe.
S’ensuit pour John un périple de l’Irlande au Texas, de l’anonymat au succès, de la morosité de son ancienne vie à l’excitation de faire partie de quelque chose d’aussi inspirant, ponctué par une cohabitation difficile avec les autres membres du groupe qui ne lui accordent aucune confiance.
Frank, ça donne quoi ?
Le trailer du film m’avait promis une fable burlesque, musicale
, dont Frank (et son énorme tête) seraient les protagonistes, John le narrateur, et Clara (Maggie Gyllenhaal), jeune musicienne haineuse, colérique et méprisante, l’élément perturbateur. Ce contrat est respecté à 100% !
La force de Frank réside dans le fait que le film va plus loin que ça. Plus la psychologie des personnages se dessine, plus on dépasse le simple road movie musical et indie, pour se retrouver embarqué•e dans une psychothérapie générale, où les masques de chacun tombent, leurs angoisses révélées au grand jour.
À commencer par John, tellement fier d’être accepté par Frank, le génie qu’il a toujours rêvé d’être, qu’il est prêt à tout pour garder son nouveau statut de musicien et sa place dans ce « quelque chose de spécial » qu’il a attendu toute sa vie. Cet acharnement réveille en Clara la protectrice de Frank qu’elle a toujours été, hostile au moindre changement et à la moindre tentative de normalisation, quitte à ne jamais connaître le succès.
Enfin, il y a Frank, dont le visage reste dissimulé, dont les expressions faciales sont la plupart du temps inconnues, qui tente autant que possible, avec un acharnement quasi-enfantin, de refouler les monstres de son passé le plus profondément possible…
Ce choc de personnalités et le mélange des névroses poussera chacun des membres de Soronprfbs à faire des choix décisifs pour leur avenir.
On sort du cinéma secoué•e, bouleversé•e, touché•e. Qu’ils soient excentriques, ambitieux, violents ou méprisants, les personnages de Frank arrivent à passer au-dessus de la bizarrerie de l’œuvre pour susciter l’empathie. Il faut certes laisser certains préjugés de côté, accepter une distorsion totale des normes (que ce soit dans la musique ou dans les relations humaines), pour que Frank percute quelque chose en nous, mais c’est un effort qui mérite d’être fait !
Le film ne restera pas très longtemps en salles et n’est diffusé que dans quelques cinémas, alors COUREZ-Y s’il passe près de chez vous : il serait dommage de passer à côté de Frank.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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