Edit, le 22 mai à 12h20 – Si tu as parlé de la fameuse polémique sur les propos de François Ozon sur les femmes qui fantasment sur la prostitution sur Twitter, tu as probablement été mentionnée par Mandarin Cinéma. La société de production, souhaitant faire le point sur la polémique, linke un article d’Olivier Séguret, journaliste à Libération :
Si tu cherches le meilleur moyen de définir du terme « méprisant », tu pourras te référer sans problème à ce papier qui appelle à trouver « un truc plus consistant » pour faire frétiller Cannes. Sache le donc : il semblerait que la lutte contre le sexisme soit dénuée d’intérêt.
Étonnant de la part de la société de production de renvoyer vers ce billet condescendant alors que François Ozon s’est exprimé dans un tweet beaucoup plus respectueux :
Le 21 mai 2013 à 18h26 – La semaine dernière, Fab te parlait de Jeune & Jolie en se demandant si, par hasard, François Ozon ne serait pas un peu à côté de la plaque en ce qui concerne la prostitution. On sait déjà assurément qu’il est en tout cas à côté de la plaque en ce qui concerne « la sexualité des femmes ». Alors bon, si tu as évité l’Internet aujourd’hui, tu vas te demander d’où je peux bien tenir cette information, parce que c’est bien présomptueux de ma part, tout ça. Je te le donne en mille : François Ozon a craqué lors d’une interview pour le Hollywood Reporter.
Le réalisateur qu’on croyait « « « « amoureux des femmes » » » » (j’ai toujours eu du mal à supporter ce terme, excuse donc ces multiples guillemets), ou du moins suffisamment respectueux pour comprendre qu’il vaut mieux éviter de mettre des millions de personnes dans le même sac parce qu’elles ont une vulve. C’est beaucoup trop réducteur, quel que soit le sujet abordé. Dans cette interview menée par la journaliste américaine Rhonda Richford, François Ozon a déclaré que c’était un fantasme pour les femmes de se prostituer
. Comme ça, oui, texto, bim, prends ça dans ta gueule. Extrait :
« Je pense que les femmes comprennent mieux le film que les hommes. Je pense que les hommes ont peur parce qu’ils se disent « Oh mon dieu. Il y a tout ça dans la tête d’une femme ? » Elle est très puissante. Mais je pense que les femmes peuvent vraiment être connectées à cette fille parce que c’est un fantasme de plein de femmes de se prostituer. Ça ne veut pas dire qu’elles le font, mais le fait d’être payé pour faire du sexe est quelque chose de vraiment évident dans la sexualité féminine. »
La journaliste rebondit pour tenter de comprendre ce qui fait dire ça au réalisateur. « Je pense que c’est le cas parce que la sexualité est complexe », continue celui qui venait de la simplifier. « Je pense qu’être un objet dans la sexualité est quelque chose d’évident vous voyez, d’être désiré, d’être utilisé. Il y a une sorte de passivité que les femmes recherchent. C’est pourquoi la scène avec Charlotte Rampling est très importante, parce qu’elle dit qu’elle a toujours fantasmé sur [la prostitution] mais qu’elle n’a jamais eu le courage de le faire. Elle était trop timide. » Devant la tentative de comprendre pourquoi il s’exprime de cette façon, il clôt le sujet en répondant « C’est la réalité. Vous parlez avec plein de femmes, vous parlez avec des psys, tout le monde sait ça. Bon, peut-être pas les Américains. » Eh bien je ne le savais pas, François. Merci de m’avoir indiqué ce sur quoi je fantasmais, moi et plein d’autres femmes donc. Nous étions dans le flou jusque là.
Je t’avouerai qu’à part mon respect pour les prostitué-e-s, je n’ai pas d’avis tranché, éclairé à 100% sur la prostitution – j’y travaille – et ce n’est pas cette partie du débat que j’ai envie de commenter. Celle sur laquelle j’ai envie de m’attarder, c’est bien le côté absolument réducteur de ce dogme imaginaire selon lequel il serait naturel pour les femmes de se faire payer pour avoir des relations sexuelles. Pourquoi ? Parce qu’on est vénales ET nymphomanes, toutes autant que nous sommes ? Parce que nous ne sommes qu’une seule et même personne ?
Faux, faux, mille fois faux. Bien sûr, on peut se dire qu’il parle du fantasme de « beaucoup de femmes » et pas de « toutes les femmes », mais quand bien même. Et surtout, il dit qu’être payée pour avoir des relations est quelque chose d’évident dans la sexualité féminine. Alors soyons clair :
- Petit un : il n’y a rien d’évident dans la sexualité, des femmes comme des hommes.
- Petit deux : pourrait-on cesser cinq minutes les clichés sur les femmes et le fric sivouplé ?
- Petit trois : il n’y a PAS de sexualité féminine, pas plus qu’il n’y a de sexualité masculine. Certain-e-s vont fantasmer, je sais pas, sur une paire de seins, d’autres vont avoir la culotte mouillée en faisant prendre un Lego en levrette par une carotte, certain-e-s aiment des choses que d’autres détestent. Partir dans une réflexion personnelle en se basant sur l’idée de l’existence d’une sexualité féminine, c’est se foutre un doigt dans l’oeil.
C’est quand même dommage. Espérons que ce ne soit qu’un faux pas, qu’il a un peu trop fêté la veille de l’interview, qu’il était encore un peu fonfon et fatigué. Mais il faut croire qu’il est possible de mettre des personnages féminins complexes en avant dans tous ses films sans pour autant réfléchir un minimum sur des trucs de base à leur sujet. Sérieusement. Devoir rappeler des trucs aussi fondamentaux en 2013 que le simple fait que le groupe de mots « sexualité féminine » n’a pas lieu d’être, ça me donne envie de me mettre la tête dans une cuvette et de tirer la chasse très fort.
Et toi, que penses-tu de cette bien étrange déclaration ?
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