Edit, de 17h40 – François Hollande retire l’expression « liberté de conscience ». Citée par Europe1, une source proche du Président affirme :
« Il retire l’expression liberté de conscience. Il n’emploie plus l’expression liberté de conscience. […] Le président a utilisé le terme parce qu’il avait été employé à plusieurs reprises par les personnes qui parlaient avant et en particulier par le président de l’association des maires de France Jacques Pélissard. Il répondait à cette interpellation. »
Nicolas Gougain, président de l’Inter-LGBT, a affirmé à l’issue d’un entretien avec François Hollande qu' »il n’y aurait pas de « liberté de conscience » dans le projet de loi sur le mariage pour tous qui sera présenté », comme on peut le lire sur le Figaro.
Article initial, le 21 novembre 2012 à 11h55 – Le mardi 20 novembre, François Hollande a tenu un discours devant le congrès de l’Association des Maires de France (AMF) dont le président, Jacques Pélissard, souhaitait une concertation des maires. Devant des élus plus ou moins favorables à ce principe d’égalité des unions, notre Président a alors eu une déclaration qui a profondément déçu les partisans de l’union entre les personnes du même sexe. Une phrase fait particulièrement parler d’elle ; elle fait référence aux maires qui ont déclaré ne pas souhaiter marier deux personnes du même sexe . Une phrase qui me donne envie de sortir en slip enroulée dans une couette et de crier « J’ai pas voté pour ça, François » :
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« Les débats sont légitimes pour une société comme la nôtre. Les maires auront à appliquer la loi mais leur liberté de conscience sera respectée. »
Alors au début, j’ai cru que c’était une blague et que les journaux en ligne avaient confondu avec une déclaration de sa marionnette aux Guignols. Parce que là, pour le coup, on frôle la caricature de la mollesse. Ce n’est pas à un flan au caramel que je pense : avec cette volonté flagrante de faire plaisir à tout le monde en ne froissant personne, c’est un chamallow rabougri passé au micro-ondes qui me vient en tête. Parce que dire « Les maires auront à appliquer la loi MAIS en même temps bon, s’ils veulent refuser de marier deux personnes du même sexe et qu’ils y ont bien réfléchi, qu’ils refusent et passent la main à quelqu’un d’autre », c’est comme dire à un gosse quelque chose comme « C’est interdit de voler. Mais bon, si c’est quelque chose que tu désires vraiment, vas-y, fais-toi plaiz ».
Ok, si la loi prévoyant le mariage pour tous est adoptée, tous les couples de même sexe le désirant pourront se marier : ce n’est pas parce qu’un maire refusera que le mariage sera annulé. L’élu-e en question serait juste autorisé-e à déléguer. C’est à mes yeux une véritable régression, un freinage qui laisse des traces sur le bitume. Dans les faits, ça ne change rien ; symboliquement, ça change tout. C’est concéder aux réfractaires au mariage pour tous que l’union de deux personnes du même sexe n’est pas un mariage comme les autres et qu’on a le droit de ne pas la considérer comme tel. Dans un très bon billet publié sur Moktoipas
, un homosexuel réagit :
« François Hollande nous a trahi aujourd’hui. Il ne nous a pas soutenu. Pire, il a cédé du terrain face aux opposants. Il a cédé sur un truc qui en soi est totalement anecdotique et qui ne changera rien au fait que le mariage sera ouvert à tous. Mais céder sur le fait d’autoriser les maires à se faire remplacer pour célébrer un mariage d’homosexuel-le-s, c’est ni plus ni moins dire: « Ce ne sont pas des mariages comme les autres, d’ailleurs, inutile de vous déplacer : un sous-fifre va marier ce sous-couple de sous-citoyens ».
Je n’ai pas pensé que nous serions trahis.
Je suis en colère, je suis déçu, je suis dépité, je suis découragé. J’ai envie de hurler. J’ai envie qu’on m’écoute. »
J’ai beau être hétéro, je partage son sentiment de trahison. Je me sens spoliée. Je me sens spoliée parce que le 6 mai, j’ai été profondément soulagée. Je me disais que c’en était fini de la stigmatisation des minorités, je me disais que c’était le renouveau de la solidarité, de l’entraide, de la compréhension de l’autre, des autres. Je me disais que le droit de vote des étrangers serait vite remis sur la table puisqu’il avait annoncé dans le débat d’entre-deux tours que si la réforme ne passait pas au Parlement, « ce sera aux Français de décider » ; le 13 novembre dernier, le Président déclarait qu’il n’envisageait pas de référendum pour l’instant. J’attendais le mariage pour tous, la possibilité pour les couples homosexuels de pouvoir faire valider civilement leur union comme n’importe quel binôme amoureux. Sauf qu’avec cette phrase, François Hollande crée justement à mes yeux une distinction entre les couples d’orientation sexuelle différente. Et ça me rend chafouine, même si j’imagine que certains couples seraient peut-être tout à fait favorables au fait d’être unis par un adjoint qui n’a rien contre eux plutôt que par un-e maire qui les tolère à peine. Un utilisateur de Facebook nommé François explique par exemple :
Forcément, c’est aussi l’occasion de permettre aux opposants au projet de loi de s’en donner à coeur joie. Le nouvellement élu Président de l’UMP Jean-François Copé affirme que cette déclaration prouve que François Hollande n’est pas à l’aise avec le sujet. En revanche, Christine Boutin ne tire pas sur le Président de la République actuel en mode « si même Hollande est tout frileux sur le sujet, c’est qu’on avait raison ! ». Elle n’en a pas besoin, elle a une arme plus forte : elle félicite. Dans un tweet, elle évoque une victoire pour son camp :
Je sais pas vous, mais à la place de François, je ferai pas trop la fière. Personnellement, si je dis un truc et que Christine le tweete avec un commentaire positif, je prendrais ça comme un mauvais signe et me remettrais sévèrement en question sur mon ouverture d’esprit et le bien-fondé de mes propos. Pour défendre les propos tenus hier par François Hollande, un conseiller a déclaré « Ce n’est pas du tout un recul. C’est normal que l’Etat écoute. Une réforme, ce n’est pas fait pour cliver ». C’est marrant : c’est justement un droit au clivage que j’ai ressenti en entendant cette déclaration qui divise au sein même du camp du Président.
L’avocate défenseure des droits des homosexuels Caroline Mécary, citée par Libération, tique :
« Si un maire peut déléguer et ne pas marier deux homos, on peut aussi imaginer qu’il refuse de marier un couple de Juifs ou de Noirs. On peut même envisager qu’un maire homosexuel refuse d’unir deux hétéros. Cette « ouverture » laissée aux maires peut servir à entériner des pratiques discriminatoires. Et je trouve ça choquant. […] On n’a pas à faire prévaloir sa conscience quand on met son écharpe de maire. Et je rappelle que le rôle d’un Président, c’est de faire respecter la loi républicaine. »
Alors j’en profite – nous en profitons – pour vous rappeler que l’inter-LGBT appelle à une nouvelle mobilisation le 16 décembre prochain. Sur Rue89, Judith Silberfeld, cofondatrice et rédactrice en chef de Yagg, incite les hétérosexuel-le-s à venir marcher à leurs côtés :
« Et nous n’avons jamais eu autant besoin de vous. De vous voir. Que vous vous fassiez entendre. Que vous vous montriez à nos côtés. Alors le 16 décembre, je compte sur vous. Soyez là. »
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
A mon avis c'est parce que si on autorise la PMA, il faudra aussi autoriser la GPA (pour les couples d(hommes qui eux ne pourront pas avoir recours à la PMA). Car les deux sont liés au niveau "égalité de droits" en tout cas, même si la PMA pose moins de problèmes que la GPA éthiquement.
Mais bref, comme on ne veut pas autoriser la GPA, alors on n'autorise pas la PMA du coup.
Mais comme la PMA est autorisée depuis longtemps pour les couples heteros, ce serait très mal vu de l'interdire.
Du coup c'est l'impasse !