Les sondages prédisaient un duel entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, avec Bruno Le Maire en « troisième homme », mais c’est un tout autre tirage qui est sorti des urnes de la primaire de la droite et du centre dimanche 20 novembre, à l’heure du dépouillement.
Nicolas Sarkozy éliminé, François Fillon détaché du peloton
L’idée d’une primaire citoyenne ouverte à droite est assez récente : c’est plutôt une famille politique d’où émergent des leaders naturels, dans la tradition du général de Gaulle. Le fait de voter pour choisir son chef était plutôt un usage des partis de gauche.
Le test s’est avéré concluant du point de vue de la participation : plus de 4 millions d’électeurs et d’électrices se sont déplacé•es dimanche 20 novembre pour participer au premier tour, qui devait qualifier deux finalistes en vue du deuxième tour, fixé au dimanche 27 novembre.
Nicolas Sarkozy a été éliminé, se plaçant troisième avec 20,6% des voix. En deuxième place, on retrouve Alain Juppé, avec 28,6%, actuel maire de Bordeaux et ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy.
Et largement en tête de ce premier tour, échappé du peloton comme on dirait sur le Tour de France : François Fillon se pose tranquillement avec 44,1% des voix.
Comme Esther l’expliquait en présentant la primaire de la droite et du centre, le vainqueur du deuxième tour a de fortes chances de se retrouver opposé à Marine Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle, le 7 mai prochain — de fortes chances, pas une garantie. Au final, ce sont les citoyen•nes qui décideront de l’affiche, en votant (ou non) au premier tour.
Qui est François Fillon ?
À moins de suivre assidûment l’actualité politique depuis une bonne décennie, il est possible d’être passé•e à côté de l’héritage politique de François Fillon, car il n’est pas exactement un gourou des plateaux télé. Mais sa présence dans la vie publique et politique y est ancrée depuis longtemps.
Il a été député de la Sarthe de 1987 à 2007, avec deux interruptions : de 1993 à 1997 (période pendant laquelle il a notamment occupé le poste de président du conseil général de la Sarthe) puis de 2002 à 2007 (il était alors ministre sous Jacques Chirac, avant de devenir sénateur de la Sarthe).
Il a ensuite été premier ministre de Nicolas Sarkozy, avant d’être élu député de la 2ème circonscription de Paris en juin 2012 (succédant à Jean Tibéri).
François Fillon a un compte Instagram
Voilà pour ce qu’il a fait depuis quinze ans : député, président de département, député, ministre, sénateur, premier ministre et député.
Il est désormais en tête et grand favori de la primaire de la droite et du centre, avec plus de 15 points d’avance sur son rival, Alain Juppé. Un écart qui risque de s’avérer insurmontable à combler pour ce dernier, d’autant plus si les votant•es du premier tour se rangent derrière les consignes de vote de leur premier choix.
En effet, Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire ont d’ores et déjà apporté leur soutien à François Fillon. Seule Nathalie Kosciusko-Morizet s’est prononcée en faveur d’Alain Juppé. La députée de la 4ème circonscription de l’Essonne explique son choix de ralliement « pour défendre [ses] idées ».
François Fillon, quel est son programme ?
Intéressons-nous au grand vainqueur du premier tour, qui pourrait donc bien devenir, dans quelques jours, le candidat officiel de la droite et du centre.
Sur son site, un onglet « les femmes avec François Fillon » laisse espérer une attention particulière aux sujets chers aux féministes ; comme le pointait Titiou Lecoq dans sa revue des programmes de la droite et du centre, les droits des femmes semblaient bien être le parent pauvre des projets pour 2017. (C’est pas comme si ces thématiques touchaient la moitié de la population !).
Mais effectivement, sur le site de François Fillon, on trouve désormais tout un programme de mesures à destination des femmes. On n’y parle pas de droit mais plutôt de « Liberté pour les femmes ! ». L’Humanité souligne le problème :
« Première surprise, le projet présenté comprend un volet lourd de sens sur la protection de l’enfance — alors qu’il est question en théorie de droit des femmes. Peut-être un clin d’œil à Sens commun, la branche politique de la Manif pour Tous, qui a décidé d’apporter son soutien à Fillon.
Parmi les propositions présentées, on trouve également un renforcement des contrôles sur le respect de l’égalité des salaires. Bien, mais surtout une aide aux mères isolées… par le maintien des aides fiscales et sociales destinée aux particuliers-employeurs pour les emplois familiaux et l’encouragement au télétravail quand c’est « possible et souhaité ».
Après différentes mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes, le texte du comité de soutien aborde son coeur de cible : « l’islam radical ». »
Car François Fillon, comme d’autres à droite (et très très très à droite), semblent considérer que les problèmes de sexisme que l’on connaît en France sont surtout liés à l’Islam.
Je me permets ici de rappeler que la belle culture franco-française n’est vraiment pas en reste, que le sexisme n’est pas circonscrit à certains quartiers vu qu’on le subit aussi bien à l’Assemblée Nationale, dans les Cabinets, dans le monde médical et que les « cols blancs » ne sont pas en reste niveau harcèlement…
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Comme le pointe donc L’Humanité, François Fillon semble être davantage le candidat des femmes « selon la Manif pour Tous » que des femmes tout court. Remarquons notamment que lorsqu’il aborde, dans son programme, les problématiques liées aux femmes, c’est essentiellement à travers leur rôle de mères.
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Dans le programme de François Fillon : une idée chère à la Manif pour Tous
Parmi les 15 mesures phares, énoncées clairement sur son site Internet, la 14ème est éloquente :
14. Adoption plénière réservée aux couples hétérosexuels, limiter la PMA aux couples hétérosexuels infertiles et interdire la GPA.
François Fillon veut « réécrire la loi Taubira » au sujet de la filiation, c’est-à-dire revenir sur la possibilité pour les couples gays et lesbiens de pouvoir procéder à l’adoption plénière d’un enfant (y compris l’enfant de leur conjoint), pour autoriser une adoption simple uniquement.
La bataille pour « la filiation biologique » est l’un des principaux chevaux de bataille de la Manif Pour Tous depuis que le mariage des couples de même sexe est entré dans la loi française (et qu’il serait temps pour ce lobby de lâcher l’affaire).
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Leur nouvelle priorité depuis 2012 était donc devenue la lutte contre la possibilité d’adopter pour les couples homosexuels, quitte à ce que des enfants se retrouvent avec des statuts juridiques précaires, confiés à de la famille biologique éloignée en cas de décès de leur parent géniteur, comme nous l’expliquions dans cet article.
Toujours depuis 2012, la Manif pour Tous s’organise pour peser de plus en plus dans le débat public. Elle se fait notamment entendre à l’Assemblée Nationale et au Sénat par le groupe « Entente parlementaire pour la famille ». Ce sont eux qui ont soutenu le dé-remboursement du droit à l’IVG, qui ont lutté contre la suppression de la mention « situation de détresse », condition de l’accès à l’avortement.
C’est toujours ce groupe qui a fait échec au projet de loi sur la fin de vie, qui s’oppose à la PMA pour tous les couples gays et lesbiens (pour les couples hétéro, pas de souci), en bref : la Manif pour Tous poursuit son lobby intense et efficace pour lutter contre les avancées touchant aux sujets de société autour de la famille, de la naissance et de la fin de vie.
Sens Commun se félicite de la victoire de François Fillon
Sens Commun est une association fondée en décembre 2013, qui a justement vocation à porter les idées de la Manif pour Tous en projet politique.
Lors des élections municipales d’abord, puis des élections départementales ensuite, la Manif pour Tous avait déjà prospecté intensément pour faire passer ses idées dans les programmes des candidat•es.
Les prétendants du Front National s’étaient d’ailleurs avérés être de bons clients pour les militant•es roses et bleus, si l’on se remémore les promesses de dé-subventionner le Planning familial faites par Marion Maréchal-Le Pen en PACA, et reprises par d’autres têtes de liste FN.
Pour 2017, Sens Commun a déjà trouvé son candidat favori, et c’est François Fillon, comme on peut le lire sans aucune ambiguïté sur leur site Internet :
« Nous saluons avec très grande joie la qualification sans équivoque de François Fillon pour le second tour de la primaire de la droite et du centre.
Nous souhaitons également saluer la remarquable campagne menée par nos équipes, en étroite et confiante coopération avec les équipes de François Fillon. Nous sommes reconnaissants et fiers du formidable dévouement de nos porte-parole et de nos 130 référents qui […] auront permis de donner une plus grande visibilité à notre engagement, nos valeurs et nos aspirations. »
De son côté, François Fillon ne s’est pas officiellement déclaré en faveur de Sens Commun, et son programme ne reprend d’ailleurs pas toutes les mesures qu’on peut lire dans l’onglet « la droite que nous voulons ». Il n’a pas prévu de revenir sur la loi Taubira (seulement sur l’adoption), comme on peut le constater dans le comparateur de programmes des Décodeurs.
Mais il n’a pas non plus cherché à se désolidariser de ce lobby, qui se réjouit très fortement de voir « son champion » décoller dans les urnes…
Chez Sens Commun, le champagne est au frais jusqu’au dimanche 27 novembre, date à laquelle les citoyen•nes sont à nouveau appelé•es aux urnes pour départager les deux finalistes de la primaire, et décider du candidat qui représentera la droite et le centre à l’élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 2017.
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Les Commentaires
ok donc c'est bien la mise en place ministère qui rendrait compliquée de revenir sur cette mesure, pas une question de réglementation. Je l'espère aussi (je suis très favorable au prélèvement à la source), mais comme je l'ai déjà dit, il y a déjà eu des précédents, notamment l'écotaxe (que j'ai abusivement qualifiée de TPL) qui était parfaitement mise en place et prévue par le PLF et qui a tout de même été abandonnée.
Je tenais juste à revenir sur la question des suppressions de postes : dans les centres de finances publiques, elles s'appuient principalement sur ces données : informatisation de la déclaration des revenus, paiement des PO en ligne et prélèvements à la source. En gros, l'administration est partie du principe que l'IR des particuliers ne concernera plus les particuliers mais leurs employeurs et donc les services de conseil aux particuliers ont été mis à mal. Or, il y aura toujours autant de demande de la part de particulier, si on prend en compte que tous les particuliers non employés ou aux revenus non fixes ou connaissant des parcours professionnels atypiques seront bien plus demandeurs d'info et de conseil que quand il suffisait de faire la somme de ses revenus de l'année précédente et de reporter le total dans sa déclaration de revenus. Ce n'est pas anodin, et c'est un mouvement de fond de faire faire plus de boulot à l'opérateur (redevable ou contribuable) pour diminuer la charge théorique de l'administration. Il y a des domaines fiscaux en France qui font ça depuis des années .... et ça ne marche toujours pas ! (je parle aussi de mon travail au cas où j'aurais pas eu l'air assez impliquée )