Souvenez-vous : en octobre 2015, France Télévisions lançait un spot pour lutter contre le sexisme, et les féministes ont grincé des dents jusqu’à faire crisser les molaires. Attention, âmes sensibles au sexisme s’abstenir.
L’intention était louable, mais l’exécution était complètement ratée : « où sont les femmes ? » était la question posée, et l’on devait dénoncer par là leur absence des postes clés, des hauts rangs de la fonction publique et des positions managériales du privé, des instances décisionnelles, et plus précisément des plateaux de télé et de radio.
Intention louable, exécution ratée : plus cliché, tu meurs !
Or que voyait-on dans le spot en question ? Une cuisine enfumée par un four à l’abandon ; une chambre d’enfant (de garçon !) en désordre ; un fer à repasser en train de prendre feu ; une lunette de toilettes relevée (plus cliché, tu meurs) ; un chien qui attend d’être sorti ; un dressing plein de chaussures à talons…
On avait déjà eu une longue explication sur le sexisme avec France Télévisions lors des Jeux Olympiques d’Hiver 2014. En cause : une couverture médiatique très lourde pour bon nombre de téléspectateurs et téléspectatrices !
Se lançait ensuite la chanson de Patrick Juvet, Où sont les femmes ? et la réponse s’affichait : « elles sont sur France 3 », où « la majorité de nos présentateurs sont des présentatrices ».
Pascale Boistard, Secrétaire d’État aux droits des femmes à l’époque, avait interpellé la nouvelle PDG de France Télévisions, Delphine Ernotte, qui avait promptement annulé la diffusion de ce spot vraiment raté.
On était au niveau des initiatives commerciales dont le 8 mars nous afflige chaque année, à base de fleurs gratuites et autres « charmantes attentions » parfaitement déplacées en un jour censé rappeler à tous et à toutes que les femmes n’ont toujours pas les mêmes droits que les hommes partout dans le monde.
Les renvoyer à la cuisine, aux enfants et à leurs chaussures n’était pas le meilleur moyen de dénoncer ces inégalités.
Mais la nouvelle campagne de lutte contre le sexisme de France Télévisions n’a plus rien à voir avec ces errements. Pertinente, efficace, elle se décline en trois spots qui touchent juste en moins d’une minute chacun.
Les remarques sexistes, ce poison
Anne-Sophie Lapix et Anne-Élisabeth Lemoine débarquent à la machine à café, où elles retrouvent Sébastien Folin et Frédéric Lopez pour quelques échanges ma foi très courants pour une pause café.
Ces phrases, je les ai entendues durant ma carrière professionnelle, en entreprise. Pas toutes dans une même conversation, pas toutes dirigées contre moi personnellement… mais j’ai déjà entendu ces répliques dans la bouche de collègues, de directeurs, qui voulaient bien parfois reconnaître « le caractère graveleux » de certains commentaires — mais leur sexisme, non.
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Oui, ces comportements sont « lourds » et non pas « flatteurs », ils sont trop récurrents : la voix d’Élise Lucet le souligne à la fin du spot, 8 femmes sur 10 ont déjà été confrontées à des remarques sexistes au travail.
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C’est bien souvent lié à la tenue vestimentaire, quand ce n’est pas ouvertement une question posée en entretien d’embauche.
Les tâches ménagères sont l’affaire de tou•tes
Michel Cymès et Nagui ont une discussion « de mecs », qui n’est pas celle que vous croyez…
Attention, inverser les remarques sexistes, ça n’est pas pour autant du « sexisme anti-hommes » : présumer que deux hommes parlent de voitures parce qu’ils parlent moteur et carrosserie, c’est sexiste, mais c’est toujours le même sexisme, parce que la victime de ces stéréotypes n’est pas les hommes, mais c’est bien encore et toujours les femmes !
Dans l’exemple de ce spot, Marianne James et Marina Carrère d’Encausse se moquent de Michel Cymès et Nagui, qu’elles soupçonnent de parler bagnole. Parce qu’imaginer un choix de machine à laver comme un sujet de discussion intéressant, c’est réservé à ces dames, bien sûr ! (Astuce : si vous attendez le 8 mars ou la fête des mères, il y a souvent des promotions !!!!!!!) (le nombre de points d’exclamation est proportionnel à mon agacement.)
Au final, comme le pointe Élise Lucet :
« Chaque jour, les femmes consacrent en moyenne une heure de plus que les hommes aux tâches ménagères. »
Une heure, dans une journée, c’est énorme. Et même si l’écart tend à se réduire, il est encore trop important, et un véritable frein à l’épanouissement personnel et professionnel de nombreuses femmes. Messieurs, pensez-y : le meilleur moyen d’atteindre l’égalité dans ce domaine, c’est par l’exemple !
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La mixité, ce n’est pas « cosmétique »
Dans le troisième spot, Cyril Féraud attend tranquilou-pilou dans sa loge que le plombier répare la fuite de son lavabo, quand Stéphane Bern débarque. Encore cette fuite ! Mais t’as pas rappelé les mecs qui s’occupent de ça, Cyril ?
Surprise, le plombier est une plombière. Étonnant, non ? En théorie non, enfin ça ne devrait pas surprendre, mais en pratique, c’est effectivement encore rare :
« En France, moins de 20% des métiers sont composés de femmes et d’hommes à part égale »
La parité n’est pas un quota, la mixité non plus !
Il ne s’agit pas ici de promouvoir des quotas dans toutes les professions. Comme l’a rappelé la présidente de la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée Nationale, Catherine Coutelle, « la parité n’est pas un quota ». Le problème lorsque tout un secteur d’activité ou une profession est non mixte, c’est que le pool de talents disponibles est réduit à la moitié des possibilités !
Si les hommes ou les femmes sont exclu•es d’un corps de métiers, parce qu’ils ne s’y engagent pas (et souvent dès les études), parce qu’ils ne s’y projettent pas, parce qu’on leur dit ou leur laisse entendre que « c’est pas pour toi », « c’est un métier de mec/ de meuf » (au choix), forcément, c’est tout une partie du potentiel théorique qui renonce à se tourner vers cette profession.
C’est pourquoi Najat Vallaud-Belkacem avait fait de la mixité au travail la priorité de son ministère, lorsqu’elle était encore aux Droits des femmes, en janvier 2014. La même année, la Fondation FACE avait réalisé un clip efficace pour lutter contre les stéréotypes qui gangrènent l’expression des talents dans la sphère professionnelle.
https://youtu.be/NL2HERo44Qc
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Le clip de France Télévisions ne fait finalement que secouer les esprits encore étriqués sur la question, en proie aux représentations stéréotypées des métiers dits « masculins/féminins ». Que 20% seulement des métiers soient mixtes, en France, en 2016, est un chiffre qui devrait tou•tes nous interpeller.
Et toi, qu’est-ce que tu as pensé des trois spots de France Télévisions ? Viens en parler dans les commentaires !
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Les Commentaires
non, c'est pas la seule raison mais bon c'est vrai que ça accentue