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Règlement de comptes

Framboise, 1.360€ par mois : « Je me considère comme riche »

Combien gagnez-vous par mois ? Comment dépensez-vous cet argent ? Qui paye quoi chez vous ? Voici quelques-unes des questions auxquelles nous nous attaquons dans notre nouvelle rubrique Règlement de comptes !

Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant — et par certains aspects, féministe ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes viennent éplucher leur budget et nous parler de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Framboise qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.

  • Nom d’emprunt : Framboise
  • Âge : 27 ans
  • Métier : cheffe de rayon en CDI à temps partiel dans un magasin indépendant d’alimentation bio
  • Salaire mensuel : 868€ par mois
  • Lieu de vie : un appartement dans une grande ville, dont ses parents sont propriétaires

Les revenus de Framboise

Framboise est en CDI depuis plus de trois ans dans un petit magasin indépendant, qui traite directement avec des producteurs locaux. Elle travaille à temps partiel, 65% du temps, et touche le salaire de 868€ net par mois.

« C’est mon premier boulot et au départ, c’était alimentaire. Mais il est en lien avec mes études, et m’a finalement bien plu ! L’ambiance de travail est vraiment sympa, et j’ai évolué et pris quelques responsabilités. »

Elle s’estime toutefois assez peu payée, compte tenu des efforts que son travail nécessite.

« C’est un travail éprouvant physiquement. On porte beaucoup de choses, on est tout le temps debout, il faut aller d’un bout à l’autre du magasin… Intellectuellement aussi, il faut être attentive à tout : les clients, le téléphone, l’accueil des producteurs, la chaîne du froid, les livraisons, et toujours avec le sourire…

Les journées sont longues, et fatigantes ! J’estime que c’est un travail utile, voire indispensable, mais il n’est pas vraiment valorisé par le salaire. »

En plus de son salaire, la grand-mère de Framboise lui fait don de 300€ par mois, « comme une sorte d’héritage anticipé », dont la moitié est versée sur son compte et l’autre moitié est donnée en liquide.

Enfin, elle touche une prime d’activité qui varie en fonction des mois et de ses heures de travail, mais qui correspond à environ 192€ mensuels. Au total, ses revenus s’élèvent donc à 1360€ par mois.

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« Je me considère comme riche »

Avec ce salaire, Framboise estime avoir une qualité de vie très confortable. « Détail » qui n’en est pas un : pour son appartement de 49m2 dans une grande ville, elle ne paie pas de loyer.

« Mes parents ont acheté cet appartement il y a quelques années pour leurs enfants,
parce que “ça servira bien”. Ma sœur y a vécu trois ans pendant ses études, et j’y suis depuis quatre ans. Je leur ai proposé de payer un loyer, mais ils ne veulent pas. »

De manière générale, la jeune femme explique avoir conscience de faire partie des personnes privilégiées, malgré son salaire proche du SMIC.

« Je me considère comme riche (notamment en comparaison avec les personnes de mon entourage), surtout parce que je ne paye pas de loyer et que j’ai beaucoup d’épargne grâce à ma famille. Aux dernières estimations, j’ai environ 65.000€ sur divers placements, alors que dans mon entourage, certaines personnes n’ont même pas 1000€ de côté. Ça me fait réfléchir… »

L’organisation financière de Framboise

Pour gérer son budget de 1360€ par mois, Framboise essaie d’éviter les dépenses par carte bleue, et de tout payer en espèces.

« J’essaye de faire un retrait de 400€ par mois, en plus des 150€ en liquide que me donne ma grand-mère. Ça m’aide à limiter mes dépenses à la somme que j’ai prévue pour le mois : je vois les billets diminuer petit à petit, et je m’ajuste ! Mais je finis souvent par retirer un peu plus. »

Depuis quelques mois, la jeune femme a aussi mis en place un virement automatique de 500€ mensuels qu’elle transfère sur un livret d’épargne chez La Nef, une coopérative financière qui propose aux professionnels et aux particuliers de financer avec leurs économies des projets éthiques triés sur le volet.

« J’allège mon budget alimentaire en faisant des récup’ »

En l’absence de dépenses pour son loyer, c’est du côté des courses alimentaires que Framboise a le plus de frais : entre 150 et 250€ mensuels, lissés sur l’année à 200€ par mois. Ce budget lui permet de se faire plaisir, et de consommer en accord avec ses valeurs.

« Je n’achète très rarement des produits laitiers, et pas de viande du tout. Tout ce que j’achète est bio, et au maximum local, dans de petites enseignes.

Ce qui pèse sur ma note, c’est principalement les fruits secs ou oléagineux en vrac, le tofu et les fromages végétariens, la pâte à tartiner, les biscuits… J’achète aussi souvent des produits de type apéro comme les chips. »

Elle explique aussi alléger aussi ses tickets de caisse en faisant de la récup’.

« Je récupère pas mal de denrées dans le magasin où je travaille (surtout des fruits et légumes un peu abîmés, mais aussi de la farine si il y a suspicion de mites, du pain, des produits laitiers périmés…).

Ça allège mon budget d’environ 15€ chaque semaine, même s’il est difficile d’estimer la valeur des marchandises pas fraîches ! Plus récemment, je me suis mise à faire des récup’ dans les poubelles de magasin bio pour une valeur que j’estime à 5 ou 10€ par semaine. »

En dehors de ces courses, Framboise ne mange que très rarement à l’extérieur.

« Je prends très rarement des choses à emporter, je ne me fais jamais livrer, mais quand je peux (c’est très peu arrivé depuis un an et demi) je vais au restaurant. Sinon on cuisine l’un pour l’autre avec mon chéri, en mode “je t’invite au restau chez moi” ! »

Un budget total qu’elle aimerait réduire, mais sans vouloir se mettre de pression.

« J’aimerais réduire un peu le poste bouffe toute prête type chips, gâteaux, conneries
dans ce genre, et cuisiner plus. Mais j’adore manger, et pour l’instant, ma priorité c’est de me faire plaisir sans culpabiliser ni compter les calories ! »

Les dépenses de Framboise

Les frais de santé constituent le deuxième poste de dépenses de la jeune femme : 125€ par mois environ. Cette somme lui permet de consulter sa psychothérapeute régulièrement (environ une fois toutes les trois semaines), ainsi que d’avoir de temps à autre des rendez-vous d’ostéopathie et de kinésithérapie.

Une fois par an environ, à l’occasion, Framboise profite aussi d’une séance de massage ou de réflexologie.

Ses frais de transports quotidiens s’élèvent à 34€ par mois, ce qui comprend un abonnement aux transports en commun de sa ville et une souscription annuelle à un service de vélos en libre-accès.

À ces sommes s’ajoutent ses factures courantes mensuelles, relativement peu élevées : 7€ d’électricité, 20€ de frais de mutuelle, et 10€ de facture mobile.

« Je ne paie pas les charges de l’appartement : elles reviennent à mes parents, à qui j’ai proposé de payer comme pour le loyer… mais ils ont laissé courir.

Je bénéficie du chèque énergie, ce qui réduit mes factures d’électricité, et je n’ai pas le gaz. Pour mon forfait téléphonique, je ne paie que pour les SMS et les appels illimités : je n’ai pas de smartphone, donc pas besoin de données mobiles !

Concernant Internet, je n’ai pas de box : je capte le wifi public depuis mon appartement. Ce n’est pas du haut débit, mais c’est suffisant pour regarder des films et des séries en streaming. Pour ça, je chipe le code Netflix de mon copain ! »

Elle paie aussi 4€ de frais bancaires. Pour l’énergie comme pour son téléphone et sa banque, Framboise privilégie des fournisseurs coopératifs et le plus transparents possibles : Télécoop, Enercoop et la banque coopérative.

Des dépenses plaisir pour la danse

Dans la vie de tous les jours, Framboise a des dépenses loisirs centrées autour d’une de ses passion : la danse, et notamment les danses traditionnelles, en duo ou en solo. La valse, la scottish, la mazurka… Elle prend des cours pour 30€ par mois, mais participe aussi régulièrement à des soirées. Un univers bienveillant dans lequel elle se sent bien, et qu’elle soutient autant que possible.

« Ça fait deux ou trois ans que je vais danser dans les bals : le milieu folk est très bienveillant, très humain ! Avec les danseurs comme avec les musiciens, on partage beaucoup de choses. J’y vais souvent le week-end, à peu près toutes les deux semaines. »

Ces soirées constituent une grande partie du budget loisirs de Framboise : pour soutenir l’organisation et les musiciens, les entrées sont souvent payantes. Elle aime par ailleurs acheter les C.D. des artistes pour les écouter et les soutenir. À cela s’ajoutent parfois des frais de déplacement, quand les bals ont lieu dans d’autres villes.

Par mois, elle dépense pour ça environ 70€.

« Je n’achète pas vraiment d’objets »

Cette année, sa semaine de vacances et un week-end en festival, transports compris lui ont coûté environ 55€ par mois lissés sur l’année.

De manière générale, Framboise explique consommer assez peu, notamment pour les vêtements : son budget à cet effet s’élève, en comptant large, à une dizaine d’euros par mois lissés à l’année.

« Il y a quelques années, j’achetais des vêtements dans les friperies. Mais j’ai accumulé tellement de pièces que je n’ai plus besoin de rien ! Une fois par an, je vais éventuellement m’acheter quelque chose pour une occasion spéciale… »

Elle raconte par ailleurs être très attentive à la manière dont sont fabriqués les vêtements qu’elle achète.

« J’ai tendance à acheter seulement ce dont j’ai besoin, et à vouloir que ça dure : il y a quelques années, j’ai dépensé 400€ pour deux paires de chaussures, par exemple, mais je n’en ai pas racheté depuis !

Il y a un an, j’ai eu besoin de lingerie, et j’ai préféré dépenser 160€ pour deux ensemble cousus main en France plutôt que des vêtements moins chers faits dans de mauvaises conditions. Pour moi, la manière dont les personnes qui ont fait ce que je porte sont traitées est le plus important. C’est pour ça que j’y mets parfois le prix ! »

En dehors de ça, elle explique acheter peu d’objets, et rien qui ne lui soit pas nécessaire.

« J’évalue l’utilité des objets en fonction de mes besoins. Si j’estime que ce n’est pas nécessaire, je fais sans. Je n’aime pas du tout aller dans les magasins, surtout dans les grosses enseignes. C’est mon principal frein ! Et puis écologiquement, je sais qu’il y a plein de composants électroniques qui polluent…

Par exemple, mon casque audio est cassé, et je ne l’ai pas encore remplacé. Je ne suis pas sûre qu’il me soit indispensable.

Cela dit, quand quelque chose me fait vraiment envie, je ne me prive pas : je ne veux pas mener une vie d’ascète non plus ! »

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« J’essaie de trouver des solutions éthiques »

Le rapport de Framboise à l’argent est complexe : elle est très attentives aux injustices du système dans lequel nous évoluons, mais s’interroge aussi sur les privilège dont elle bénéficie.

« Je trouve que la manière dont on paie, ou ne paie pas les gens est très injuste. Moi, je suis pour le revenu universel de base ! Mais je ne suis pas forcément à l’aise avec ce discours : je sais que je fais partie des gens très privilégiés. Si j’ai autant de facilités aujourd’hui, c’est parce que mes parents sont derrière moi. »

Sa gestion de l’argent est très sensible à l’éthique. Tous les mois, elle fait un don à l’Aspas de 40,50€. Quant à ses économies, qui s’élèvent à 65.000€ environ grâce à des dons de sa famille et la mise de côté dès son plus jeune âge de ses premiers salaires sur un livret, elle essaie de les placer de la manière la plus transparente possible.

En plus d’avoir placé le gros de ses économies à La Nef, elle prend aussi part à de nombreux projets de financements.

« Il m’arrive d’acheter des parts sociales ou des actions pour soutenir des entreprises qui ont du sens, comme Terre de lien qui rachète des parcelles de terres pour qu’elles ne soient pas construites, et qui les proposent à des prix avantageux à des agriculteurs.

Il y a aussi des plateformes comme Miimosa qui permettent d’éviter à certains projets de passer par des banques : on propose des petits prêts en finançant directement des projets, et l’entreprise qui en bénéficie rembourse petit à petit les mensualités. Évidemment, c’est parfois risqué, puisque les entreprise ne marchent pas toujours. »

Framboise aide aussi ses proches qui ont parfois besoin des grosses sommes, pour l’achat d’une voiture par exemple, en leur proposant des prêts à taux zéro. Pour d’autres projet, elle peut aussi leur faire des dons. Pour autant, elle se demande parfois si elle en fait assez.

« Je ne veux pas avoir l’air trop altruiste non plus : je sais que je garde mon argent sur un livret alors que je pourrai en faire don, par exemple, mais je sais que je pourrais en avoir besoin.

Je trouve que le monde est injuste, mais je ne sais pas si je contribue assez à ce qu’il le soit moins…. J’essaie de faire au mieux, et de trouver des solutions les plus éthiques possibles. »

Le rapport à l’argent de Framboise

Aujourd’hui, la jeune femme estime que son argent est bien utilisé : pour soutenir les causes qui lui sont chères, ou pour bien manger, elle ne se prive pas. Mais elle le dit, « Si je n’ai pas besoin de quelque chose ou que ça ne me fait pas plaisir, je ne vais pas sortir mon argent facilement ! »

« Je me suis imprégnée des angoisses de ma mère qui était banquière et qui a vu beaucoup de personnes se retrouver dans des situations très difficiles à cause de l’argent.

Globalement je ne dépense pas beaucoup et j’ai une certaine satisfaction et sérénité à savoir que j’ai de bonnes réserves. Depuis que j’ai mon boulot, je n’ai jamais été à découvert. »

Pour l’avenir, elle songe à quitter la ville, un environnement qui ne lui plaît pas beaucoup.

« Je commence à réfléchir à acheter un logement à moi… Mais ça, ça veut dire se
projeter professionnellement, personnellement, repenser toute sa vie et je n’en suis pas
là ! Je me vois bien dans quelques années à la campagne, où les logements sont plus dans mes prix qu’en ville, et profiter d’une vie plus simple, proche de la nature que je n’ai pas du tout ici. »

Merci à Framboise de nous avoir ouvert ses comptes !

Participez à la rubrique !

Pour participer à la rubrique, écrivez-nous à l’adresse : daronne[at]madmoizelle.com en indiquant en objet « Règlement de comptes » et en vous présentant en quelques lignes.

Si jamais vous souhaitez commenter cet article, rappelez-vous qu’une vraie personne est susceptible de vous lire, merci donc de faire preuve de bienveillance et d’éviter les jugements.

Crédit photo : Lina Kivaka / Pexels


Les Commentaires

15
Avatar de L'Oeil de la Lune
3 octobre 2021 à 09h10
L'Oeil de la Lune
Merci pour ce témoignage intéressant. Il montre quand même bien la tranquillité d'esprit que peut amener un patrimoine. Si elle n'avait pas ça, elle épargnerait moins, se serrerait peut-être plus la ceinture ou chercherait un temps plein.
Partant de là, je comprend qu'elle se considère comme riche.
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