À 20h35 ce soir, France 2 diffuse Fracture, téléfilm très attendu, réalisé par Alain Tasma et scénarisé par Emmanuel Carrère. Cette peinture désossée de la violence dans les banlieues est portée par un brillant casting : Anaïs Demoustier, Samy Seghir et Leila Bekhti – autant d’acteurs qui surprennent, par leur justesse de ton et leur précision du jeu.
Le pitch est simple, c’est vrai : une jeune prof arrive dans un établissement scolaire un peu difficile ; l’histoire est celle de son attachement à un élève dont la vie va se trouver bouleversée par une erreur médicale. Mais l’originalité de Fracture réside dans son refus de verser dans l’angélisme : parler de la misère sociale, de la montée des intégrismes et du conflit israélo-palestinien dans l’esprit des jeunes est chose délicate lorsque l’on ne veut pas tomber dans les clichés. Pari pourtant réussi : dans le champ des discours vus et revus sur la banlieue, Fracture tire son épingle du jeu et ne laisse aucun spectateur indifférent.
J’adorerais que des politiques le voient. Jusqu’à maintenant, beaucoup de profs, qui l’ont vu en projection publique, m’ont dit : « C’est ça. » Ils ne s’étaient pas retrouvés dans La Journée de la jupe ou dans Entre les murs.
(Alain Tasma dans Télérama)
Le film est une adaptation de l’ouvrage de Thierry Jonquet – Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte (une phrase que l’on retrouve aussi dans un poème de Victor Hugo sur la Commune). Alain Tasma explique que l’aspect « rageur » du livre a été partiellement mis de côté, le réalisateur préférant se concentrer sur la narration d’une histoire plutôt que d’énoncer un message ostensiblement partisan. Dépeindre plutôt que pointer du doigt, donc. Raconter plutôt que dénoncer. Humanité plutôt qu’animosité. Le film ne s’envisage que comme un effleurement de la réalité, une tentative de l’illustrer, une invitation à la voir de plus près, en somme.
Du coup, la Fracture, elle est aussi là : on ne sait jamais vraiment qui est le bourreau et qui est la victime. Entre le « discours virulent de Jonquet » et la (forcément, à la télé…) « tentation de l’édulcoration », Alain Tasma et Emmanuel Carrère semblent avoir réussi à trouver un juste ton de la narration.
À vous d’en juger ce soir.
Fracture, téléfilm de Alain Tasma
20h35 sur France 2
Retrouvez l’interview de Alain Tasma par Télérama ici.
Edit : pour celles qui ont raté le film et voudraient le voir => https://www.pluzz.fr/fracture.html
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
En effet, l'épisode de l'enlèvement est un peu étonnant. Ils auraient peut-être pu trouver un autre moyen de montrer les causes de tout cet environnement sur Lakhdar. L'action en elle-même est un peu "too-much" pour reprendre un terme employé par une Mad. Cependant j'ai apprécié le traitement de cet épisode. On n'est pas tombé dans le pathos, dans l'excès, et du coup ça rendait pas la chose si "too-much".
Voilà, sinon c'est un sujet très poignant, qui ne laisse évidemment pas de marbre.
Je n'ai pas trouvé ça cliché. Vous me direz, je ne vis dans ces quartiers, et comme le dit Mme Kagan, on ne peut donc pas savoir. J'ai pas trouvé ça tellement démago, ce que je craignais un peu. C'est un beau téléfilm, du point de vue du sujet, du traitement et de l'interprétation. J'aimerais en voir des comme ça plus souvent.