Publié le 29 avril 2017
Ça fait un moment que j’entends parler du flux instinctif libre, ou free flow instinct, sur Internet. Ce terme désigne le fait de se passer totalement de protections hygiéniques.
Pas de serviettes, pas de tampons, pas de coupe menstruelle. Même pas de double culotte un peu moche. En flux instinctif libre, on vit ses règles comme on vit avec sa vessie : en allant se « soulager » quand le sang coule. Et sans s’en foutre partout !
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Je dois avouer que le concept me laissait perplexe. Ayant déjà vécu des accidents de règles, du spotting, des menstrues en avance pendant la nuit… je voyais mal comment il était possible de « retenir » le sang.
J’ai donc demandé à Tabatha, qui pratique le flux instinctif libre, d’éclairer ma lanterne. Elle n’a pas utilisé de protections menstruelles depuis 3 ans.
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Le flux instinctif libre, les règles sans protection
Tabatha m’explique qu’elle a découvert le flux instinctif libre alors qu’elle… le pratiquait déjà ! Simplement, elle ne savait pas que c’était un « truc », que plusieurs personnes y avaient recours, qu’on faisait même des vidéos YouTube sur le sujet.
Tabatha a découvert lors d’une discussion avec ses colocs que de très nombreuses personnes avaient choisi le flux instinctif libre.
Pourquoi se mettre au flux instinctif libre ?
C’est une question qui mérite d’être posée.
Les tampons et les serviettes hygiéniques jetables ont leurs inconvénients, mais on trouve à présent de nombreuses alternatives, de la serviette lavable à la cup en passant par les sous-vêtements absorbants.
Pour Tabatha, le flux instinctif libre faisait partie d’une démarche plus globale de bienveillance envers son corps.
« Je n’ai pas vraiment décidé de m’y mettre. J’ai appris à écouter mon corps en entier, à suivre mes intuitions et mes envies plutôt que de me calquer sur des normes.
Ça veut dire manger quand j’ai envie, lâcher prise, profiter de l’instant présent pour mieux apprécier les petites choses. »
En effet, utiliser des protections hygiéniques quand on a ses règles, c’est une norme sociale, au final. Et Tabatha a décidé d’essayer de faire autrement.
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Les premiers jours au flux instinctif libre
Comme Tabatha n’était pas renseignée sur le sujet, elle n’a pas consciemment décidé d’essayer le flux instinctif libre. Ça lui est arrivé presque par hasard.
« Un matin, au réveil, ma serviette était propre mais je sentais qu’un truc venait. J’ai serré fort les cuisses, couru aux toilettes et relâché mes muscles.
Je me suis « vidée », je l’ai senti. »
Tabatha a décidé de « s’entraîner » le matin au réveil, et en effet, quand elle écoutait cette sensation, sa serviette restait ensuite immaculée. La suite, c’était de tenter l’expérience en journée, loin de chez elle.
« Dès que je sentais que ça venait, je serrais fort les cuisses et je fonçais en pingouin jusqu’aux toilettes. Plus les jours passaient, moins j’avais de taches sur ma serviette, et mieux j’identifiais les signaux.
À ce moment-là, je venais de me faire poser un DIU et en guise d’effet secondaire, j’ai eu mes règles 15 jours par mois pendant un an. Disons que j’avais le temps de m’exercer ! »
Au bout d’un moment, Tabatha a franchi le pas de sortir sans protection. Et ça marchait. Ce n’est qu’à la piscine qu’elle a longtemps gardé un tampon !
Le flux instinctif libre, un autre rapport au corps
Pour Tabatha, l’important a vraiment été d’écouter son corps et de réagir aux signaux qu’il lui envoyait.
« J’ai fait comme un bébé qui apprend à être propre. Les premiers jours, il fait dans sa couche, mais c’est inconfortable.
Ensuite, il comprend quand il a envie d’aller aux toilettes, il a parfois des accidents mais il est fier d’aller sur le pot. Et un jour, il devient grand : plus besoin de protection.
Pour le flux, c’est la même chose. J’ai pris conscience du fait que je peux contrôler mon corps, que ses réactions sont naturelles. Il me suffit d’y prêter attention. »
Au début, Tabatha a eu des accidents, des taches (ce qu’on appelle le spotting). C’est normal.
Elle n’a pas voulu aller trop vite, de peur de se retrouver coincée dans une mare de sang, sans accès à des protections.
Une perspective d’autant plus stressante que ce genre de peur avait tendance à brouiller les signaux que son corps lui envoyait… accroissant par la même occasion le risque de fuites !
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Qui peut essayer le flux instinctif libre ?
J’étais persuadée que le flux instinctif libre n’était accessible qu’aux personnes ayant des règles peu abondantes. Difficile de m’imaginer « retenir » le sang quand il m’arrive régulièrement de remplir un tampon ou une serviette en entier…
Là encore, Tabatha a fait mentir mes préjugés.
« J’ai eu mes premières règles à 11 ans, et j’ai rapidement eu un flux très abondant. Quand j’ai appris qu’on ne perdait en moyenne qu’entre 50 et 150 mL par cycle, j’ai eu du mal à y croire.
Avant le flux instinctif libre, je ne portais que les protections de nuit ultra-absorbantes, même en journée. C’est de famille je pense, c’est encore pire pour ma mère. »
Le flux instinctif libre, ce n’est donc pas une question d’abondance du sang mais d’habitude. Il ne faut pas être tête en l’air, rester à l’écoute de son corps et avoir accès à des toilettes toutes les deux ou trois heures, dans le cas de Tabatha.
Quand elle sait qu’elle n’aura pas la possibilité de se « soulager » pendant, disons, toute une demi-journée, elle utilise des protections. Mais c’est plutôt rare.
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Une journée de règles en flux instinctif libre
Pour bien comprendre comment fonctionne le flux instinctif libre, j’ai demandé à Tabatha de me raconter une journée de règles-type.
« Quand je me réveille, je vais aux toilettes et le sang se libère. Ensuite, je me douche et je m’habille, sans mettre de protections.
Je pars au travail ou faire mon programme de la journée, et je ne pense pas vraiment à mes règles. Si je sens que j’ai besoin de me soulager, je vais aux toilettes durant la matinée, sinon pendant ma pause déjeuner. Rebelote l’après-midi.
En fait, une journée de règles, pour moi, devient une journée normale, sauf que je vais un peu plus souvent aux toilettes, comme si j’avais bu trop de bière en gros.
J’ai même passé le cap récemment, et sans accident, d’aller à la piscine municipale sans protection ! »
Quand le flux instinctif libre a des ratés
Comme beaucoup de personnes menstruées, Tabatha a parfois de petits incidents, néanmoins.
« Il m’est arrivé de trop attendre avant d’aller aux toilettes parce que j’étais concentrée sur autre chose, du coup j’ai eu de petites fuites. Ça arrive aussi en éternuant.
Mais les dégâts sont généralement légers.
J’ai aussi du spotting une semaine avant mes règles, et parfois, pendant, j’ai un peu de sang quand je m’essuie mais rien dans ma culotte. »
Tout ça peut aussi survenir quand on utilise des protections, je pense que personne ne me contredira !
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L’aspect un peu plus surprenant, quand on est en flux instinctif libre, c’est qu’il arrive d’oublier qu’on a ses règles, purement et simplement. Ce qui peut devenir compliqué une fois au lit…
« Je suis tête en l’air, et comme mes règles ne me gênent plus, il m’arrive de les oublier. Parfois je m’en rappelle au moment des câlins avec mon chéri…
C’est un peu gênant, parce que ça surprend le garçon qui n’a vu aucune serviette, aucun tampon ! Du coup, j’explique que je n’utilise pas de protection.
C’est cool avec mon copain car il est féministe, compréhensif, et ne juge jamais donc je n’ai pas eu de souci pour lui dire. Mais j’ai dû apprendre à être un peu plus vigilante pour éviter les surprises.
Maintenant, dès que j’ai mes règles je lui dis, comme ça il s’en souvient même si j’oublie ! »
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Les idées reçues sur le flux instinctif libre
J’ai demandé à Tabatha si elle a été confrontée à des idées reçues au sujet du flux instinctif libre. Elle m’a répondu que les gens n’ont pas tant de préjugés, plutôt une grande curiosité.
En général, la conversation tourne toujours au « C’est trop bien, mais moi je ne pourrais pas ». Souvent, ses interlocutrices sont persuadées d’avoir un flux trop abondant pour avoir accès à cette option.
Seul écueil, les gens sont prompts à la considérer comme une sorte de hippie très écolo, ce qu’elle n’est pas plus que ça en réalité !
Un conseil pour se mettre au flux instinctif libre
Vous avez envie de tenter le flux instinctif libre ? Je laisse à Tabatha le mot de la fin.
« L’important, c’est d’y aller petit à petit, à ton rythme. Ça peut prendre quelques cycles, ou durer plus longtemps, car tout le monde a un corps et un cycle différent.
Il faut faire comme tu le sens, d’abord avec des protections que tu abandonneras au fur et à mesure. C’est une réappropriation de ton corps, au final ! »
Alors, es-tu tentée par le flux instinctif libre ? Peut-être le pratiques-tu déjà ?
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