Keira Knightley s’est fait connaître du grand public en 2003 grâce au premier volet de Pirates des Caraïbes, dont le rayonnement fût mondial. L’actrice incarnait une bourgeoise rebelle qui se reconvertissait en pirate sexy faisant fantasmer tous les bandits de la mer.
Un personnage incarnant à quelques détails près l’idée de male gaze, un concept auquel la jeune femme refuse désormais de céder, en prenant de nouvelles décisions…
Keira Knightley ne tournera plus nue pour des hommes
Dans une interview donnée au podcast Chanel Connects du quotidien britannique Métro, l’actrice de 35 ans a expliqué qu’elle refuserait désormais de tourner des scènes de nu filmées par des hommes :
« C’est en partie par vanité et aussi en raison du “male gaze”. »
Une première explication qu’elle est venue plus tard compléter :
« Je me sens extrêmement mal à l’aise désormais à l’idée d’essayer de correspondre au regard masculin. Ceci étant dit, il y a aussi des moments où je me rends compte que “Ouais, je vois complètement pourquoi cette relation sexuelle serait très bien dans ce film… mais en fait, vous avez surtout besoin de quelqu’un de sexy”. Et donc, je pense à ce moment-là : “vous pouvez prendre quelqu’un d’autre, car je suis trop vaniteuse, car ce corps a déjà donné naissance à deux enfants, et car je préfère ne pas me mettre nue devant un groupe d’hommes”. »
C’est la critique et réalisatrice Laura Mulvey qui en 1975 a posé une définition sur ce concept de « regard masculin » — déjà bien ancré dans la société mais qui ne jouissait d’aucune appellation. Or, on le sait, c’est en nommant les choses qu’on peut les faire exister et ainsi lutter contre elles.
Le male gaze, d’après les mots de la critique, c’est donc « le fait que le spectateur s’identifie au regard de la caméra qui elle-même relaie le regard du héros qui prend plaisir à regarder les femmes comme des objets ».
Alors que Keira Knightley avait expliqué en 2018, pendant la promo de Colette, qu’elle n’incarnait plus trop de rôles modernes car les personnages féminins étaient souvent violés, l’actrice exprime une nouvelle fois le désir de faire, à son niveau, bouger les lignes.
Comment assurer un prisme moins masculin dans les films ?
Si Keira Knightley se fait désormais porte-étendard d’un cinéma moins soumis au male gaze, elle n’est pas la seule à vouloir faire bouger les choses. En effet, depuis #MeToo
, certaines productions ont eu à cœur d’assurer plus de sécurité et de bien-être pour les actrices et acteurs au travail, comme la chaîne HBO.
Un métier a alors pris de l’ampleur : celui de coordinateur ou coordinatrice d’intimité. Le rôle de cette dernière ? Assurer la « protection physique, sociale et professionnelle » des acteurs et actrices, lors de tournages.
En d’autres termes, la coordinatrice supervise les scènes de nu ou de sexe pour qu’aucune personne ne se sente mal à l’aise et pour s’assurer que le consentement, ainsi que les contrats, sont bien respectés.
Le male gaze, absent des films réalisés par les femmes ?
Si Keira Knightley entend donc bien ne plus être réifiée par la caméra des hommes, elle ne bannit toutefois pas l’idée de tourner encore des scènes de nu et de sexe, mais sous l’égide, cette fois, des femmes.
Elle explique qu’elle pourrait tourner nue dans un film qui serait, par exemple, « sur le parcours de la maternité et l’acceptation du corps, mais il faudrait que ce soit avec une femme réalisatrice. »
Toutefois, rien ne garantit qu’une réalisatrice soit absolument soustraite au male gaze… Il n’est pas rare que des films tournés par des femmes fassent le jeu de fantasmes masculins, comme dans Below Her Mouth d’April Mullen par exemple, dans lequel deux femmes s’aiment avec fureur et se le montrent dans diverses positions suggestives qui pourraient avoir été filmées par Abdellatif Kechiche.
À l’inverse, certaines réalisatrices détourne carrément ces poncifs, en racontant une histoire à travers le female gaze. C’est le cas de Céline Sciamma dans le superbe Portrait de la jeune fille en feu : si celui-ci raconte les amours incandescentes de deux femmes, il ne tombe dans aucun écueil du classique fantasme masculin.
La journaliste, autrice, féministe et critique de cinéma française Iris Brey explique dans son ouvrage Le Regard féminin :
« L’oeuvre de Céline Sciamma est intense, politiquement et sentimentalement, c’est un manifeste du female gaze. […] Dans l’histoire qu’elle illustre, et l’érotisme qui en émane, il n’y pas de hiérarchie, jamais, et c’est pour cela que le film correspond au female gaze. En ce sens, il peut déstabiliser, car il y a du consentement partout dans cette oeuvre, jamais de regard voyeur. »
Parmi les films qui explorent la sexualité des femmes autrement, on compte également le superbe Je, tu, il, elle de Chantal Akerman.
Comme quoi, il est possible de réaliser des scènes de sexe ou de nu autrement !
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Les Commentaires
J'ai aussi un peu tiqué mais en relisant la phrase entière :
Et aussi cela
Je pense qu'elle se considère vaniteuse car elle ne veut pas que l'on voit son corps qui n'est plus aussi "parfait" qu'avant, suite à ses deux grossesses. D'ailleurs on prend souvent "vaniteuse" comme un synonyme à "orgueilleuse" mais le mot "vanité" a aussi cette définition la :
Sachant en plus qu'on a à faire à une traduction des propos de l'actrice, je pense qu'elle a juste voulu dire : "Ok je sais que c'est futile mais je n'ai pas envie que l'on voit les stigmates de mes grossesses sur mon corps". Et elle précise d'ailleurs bien :