Précédemment dans #62jours : Chéris tes premières fois, ces chutes libres au seuil de l’inconnu
S’observer d’aussi près, comme je me suis engagée à le faire en me lançant dans l’expérience #62jours, n’est pas une sensation très agréable. Enfin c’est juste un peu bizarre, je trouve.
Au début, je ne savais pas trop ce que je regardais. Oui, c’est moi, mais c’est comme se mettre nue devant un miroir. Oui, c’est mon corps, et ensuite ? Je ne sais pas ce que je cherche en me scrutant.
Mais plus je m’observe, et plus je remarque mes aspérités. Mes forces et mes défauts. J’essaie de ne pas focaliser sur mes défauts, j’essaie aussi de souligner mes forces, mieux les repérer pour mieux les utiliser ensuite. C’est un tout.
Les yeux, ce que je vois le moins
Une question que je ne m’étais pas encore posée depuis le début de l’été, c’est : comment je vois le monde ? Forcément, à scruter tous les recoins de mon corps et de mon esprit, j’en oublie d’interroger un point clé : mon propre regard.
J’avais déjà fait cette expérience, une fois. Nue devant un miroir de plain-pied, je me regarde et… je m’insulte. Pas longtemps, une longue minute. Le résultat ? Je me trouve moche. Trop grosse, trop flasque, trop terne, j’exagère tous mes défauts et j’en suis atteinte émotionnellement.
Puis, j’inverse la tendance : je me complimente. Je me félicite. Je m’encourage ! Et dans le même temps, je me sens mieux. Belle, confiance, rayonnante même !
Il s’est passé deux minutes, et deux personnes différentes ont habité le même corps, toujours debout, immobile, face au miroir.
Ce que j’en ai retenu ? Mes yeux ne sont pas objectif — merci, Captain Obvious ! C’est moi qui oriente mon regard, qui lui donne une teinte. Je décide comment je vois les choses.
C’est à la fois une évidence… et une révélation. Ça veut dire que j’ai beaucoup plus de pouvoir que je ne le pense : j’ai celui de décider comment je vois les choses.
Le filtre de la colère sur ma vision du monde
J’avais déjà remarqué que ma vision du monde changeait selon mon état d’esprit, je n’avais juste aucune idée de l’ampleur de ces changements, ni du pouvoir que j’exerçais dessus.
Bien sûr que lorsque je suis de bonne humeur, tout me semble possible, et le monde est plus beau
que les jours où je suis triste, déprimée. Un peu comme si mes émotions étaient des lunettes aux verres colorés.
Des couleurs chaudes pour les jours d’optimisme, où le soleil réchauffe tout ce qu’il touche, et des couleurs froides pour les journées ternes et moroses.
Et puis, il y a le filtre de la colère. J’avais jamais vraiment prêté attention à la manière dont ma colère influence ma vision du monde. Ni combien j’étais en colère.
J’avais déjà pris conscience de son origine, et de son influence sur moi, sur ma vie, mais pas sur la façon dont je vois le monde. J’en parlais dans ce récit : ma colère face au sexisme, de la noyade à la délivrance.
Au début, ma colère, c’était presque un instinct de survie. J’avais cru vivre et grandir dans un monde égalitaire, et je suis tombée de haut en découvrant la réalité du sexisme et des discriminations.
La colère était l’étincelle, puis le combustible du feu qui me maintenait vivante, mais surtout combative, et bientôt invincible.
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Ma colère était un moteur, une force, un bouclier, une armure et une arme : tout ça à la fois. Alors j’ai eu du mal à m’en débarrasser. Je n’ai jamais vraiment réussi, d’ailleurs. Ma colère est toujours là, sous la braise, prête à s’enflammer à la moindre provocation.
C’est épuisant d’être en colère, mais ça me fait me sentir vivante. Alors c’est d’autant plus dur d’y renoncer.
Le filtre de la colère brûle l’énergie dont j’ai besoin pour avancer
Voilà plus d’un mois que je réussis à faire une séance de méditation quotidienne. Je commence à en ressentir des bénéfices tangibles, et le plus marquant, c’est sans doute celui-ci : je suis détachée de ma colère.
Elle est toujours là, parce que j’en ai trop pour la voir disparaître, mais je ne l’ai plus dans la poitrine ou dans les tripes. Elle crépite doucement dans le foyer, tel un feu de cheminée qui diffuse sa chaleur, sans me brûler la peau.
Et je vois le monde différemment. Je ris beaucoup plus, beaucoup plus sincèrement, sans la culpabilité enfouie de chercher à fuir un combat qui m’épuise. Je ne suis plus atteinte par la colère des autres.
Et surtout, j’ai changé de perspective. Le filtre de la colère me faisait voir les obstacles plus grands et plus menaçants qu’ils ne l’étaient. Il me montrait le monde sous un jour hostile, aux espaces écrasés, aux horizons brouillés, aux couleurs grises.
Je voyais rouge lorsque j’avais une colère vive, mais le reste du temps, je voyais tout en gris. Le filtre de la colère froide retirait ses couleurs au monde qui m’entoure.
C’était un renoncement permanent : de toute façon, ça ne donnera rien de bien, alors à quoi bon ? J’ai tiré les mauvaises cartes au jeu de la vie, j’ai perdu d’avance. Je suis fatiguée de me battre.
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Sans le filtre de la colère, j’ai ouvert mes perspectives
J’ai toujours de la colère, mais je ne la porte plus en moi. Je fais de la méditation pour l’empêcher de revenir polluer mon regard, et m’enfermer dans une vision du monde et de moi-même qui me paralyse et me dépossède de mes propres pouvoirs.
J’ai commencé le yoga aussi, pour exfiltrer les restes de colère des noeuds de nerfs où elle s’était logée.
Je me sens déjà, au bout de quelques semaines seulement, soulagée d’un véritable poids. Je m’en rends compte à présent que j’en suis libérée : tout cette colère était insupportablement lourde à porter.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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