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Cinéma

Non, les films d’animation ne sont pas que pour les enfants !

Le rédacteur en chef culture du Figaro se dit « sidéré » qu’autant d’adultes se rendent, sans enfant, voir Vice Versa, le nouveau Pixar, y voyant une « infantilisation de la société ». Mais depuis quand les films d’animation ne sont que pour les enfants ?

— Article initialement publié le 29 juin 2015

Ce matin, François Aubel, rédacteur en chef culture pour Le Figaro, a posté un tweet qui a fait grincer quelques dents. Il a, en premier lieu, affirmé sur le réseau social qu’il ne comprenait pas « l’enthousiasme béat pour Vice Versa », argumentant qu’il trouvait tout de même le film très moche.

Mais ce n’est pas ce simple avis sur le nouveau Pixar qui a fait parler de lui. Bien que négatif, ce tweet n’a rien de méchant ou de problématique : c’est un avis, comme on en a tous, sur un film. C’est simplement la preuve que « les goûts les couleurs ».

Non, les films d’animation ne sont pas que pour les enfants

Moi j’ai détesté True Detective, je l’ai dit à voix haute et on m’a jamais emmerdée avec ça alors que la série a été encensée par le public en général et certains membres de mon entourage en particulier.

À lire aussi : « Vice Versa » (« Inside Out »), le prochain Pixar : un nouvel extrait dévoilé !

Le tweet qui pose un problème à bon nombre d’utilisateurs et utilisatrices du réseau social, c’est le suivant :

francois aubel tweet

La différence entre ces deux tweets ? L’un, le premier, donne l’avis de son auteur. L’autre, en capture d’écran ci-dessus, juge les gens qui continuent d’aller voir des films d’animation une fois adultes, arguant que c’est un symptôme de la présupposée infantilisation de la société.

Je suis de ces adultes qui vont voir des films d’animation sans enfants. J’y vais par plaisir. Par plaisir, oui ! J’ai vingt-six ans, je ne suis plus une enfant depuis pas mal d’années.

J’ai vingt-six ans et je compte aller voir Vice Versa dès que j’aurais le temps de le faire. Et vous savez quoi ? Je suis sûre que je vais aimer, parce que j’aime les films d’animation, quand ils sont bien faits. Et que j’aime les films que je vois, tant qu’ils sont bons.

inside out cilsMoi quand on me juge pour le film que je vais voir (je suis à droite) (j’ai un mascara super efficace).

Pas seulement, d’ailleurs. Je veux dire, hier, je suis allée voir Jurassic World, et j’ai passé un très bon moment. Pourtant, j’ai relevé tous les points bidons du scénario, tous les gros clichés et ficelles larges comme un string mal coupé.

J’ai passé un très bon moment même si les efforts semblaient être tous sur la forme plutôt que sur le fond – et je savais que ce serait le cas en y allant. C’était juste un grand bonheur de voir de gros dinosaures qui grognent et qui se battent, comme l’enfant que j’étais tombant devant Jurassic Park pendant les vacances d’un Noël quelque part aux alentours de 1997. J’y suis allée comme une ancienne gamine nostalgique.

À lire aussi : « Vaiana, la légende du bout du monde »… et la fin de la demoiselle en détresse ?

Pourtant, ce n’est pas dans les mêmes conditions que j’irais voir Vice Versa. J’irai en adulte. J’irai en étant impatiente de découvrir quelle nouvelle pépite Pixar nous a encore pondu, pour les yeux, pour le cœur et pour le cerveau.

Un film d’animation est avant tout un film !

Je ne pensais pas avoir, encore en 2015, besoin de le dire, je pensais que tout le monde était au courant tellement c’est quelque chose de bateau et d’évident, mais un film d’animation est avant tout un film ! C’est de l’art, c’est une oeuvre, faite avec des techniques différentes des films avec des acteurs et actrices qui tournent en chair et en os devant une caméra.

Ce n’est plus un genre à mépriser, comme ces dessins animés où les enfants sont joués par des adultes qui infantilisent leur voix et parlent en simple « sujet verbe complément », voire « sujet verbe » tout court, où on appelle un yaourt un yaya ou ce genre de conneries.

Mes preuves que les bons films d’animation ne sont pas que pour enfants, elles sont dans ce genre de films même qui ont fait battre mon palpitant. Mes preuves que les films d’animation ne sont pas que pour les enfants, c’est tout simplement la scène d’introduction de Là-Haut qui a fait couler des ruisseaux de mes yeux, mes fous rires et mon affection pour Dory et son défaut de la mémoire immédiate dans Le Monde de Nemo.

Mes preuves, ce sont Le Parapluie Bleu, cette si jolie histoire qui m’a rendue tellement admirative du travail des auteur-e-s… Et bien plus encore.

Il ne faut pas confondre T’choupi et Là-Haut, Toy Story et Dora L’Exploratrice. T’choupi n’est effectivement réservé qu’aux enfants, Pixar et Dreamworks racontent des histoires. Je me réfère d’ailleurs régulièrement aux vingt-deux règles d’écriture de Pixar quand j’ai envie d’écrire une histoire, courte, longue, en vidéo ou à l’écrit.

À lire aussi : Pixar : les 22 règles d’or qui font que leurs films sont aussi bons

think positive inside out

Les règles de Pixar pour écrire un scénario sont d’une telle expertise, d’une telle justesse et d’un tel respect des spectateurs, peu importe leur âge, que ça me rendrait triste de devoir m’en priver en n’osant pas aller en voir au cinéma de peur que quelqu’un aille dire sur Twitter, en substance, que je suis une boloss.

Les Pixar ne prennent pas les enfants pour des imbéciles

Ce que j’aime, dans les films d’animation, notamment les Pixar, c’est qu’ils ne prennent pas les enfants pour des imbéciles, et rajoutent en plus des sous-couches de scénario qu’ils ne comprendront que plus âgés.

Ils ne sous-estiment pas leur capacité à comprendre des histoires qui ont un véritable intérêt. Un tel intérêt qu’elles plaisent et parlent d’ailleurs à des adultes pourtant tout à fait responsables et matures !

Et quand bien même, si ces histoires n’étaient pas aussi bien faites, aussi bien imaginées, aussi profondes et universelles qu’elles ne le sont déjà, qu’est-ce que ça peut bien faire, que des adultes aillent les voir ?

Se refaire un vieux Disney, en quoi c’est plus dégradant et régressif que se faire un bol de coquillettes au gruyère ? En quoi c’est un problème « sidérant » ? Puis-je faire ce que je veux de mes fesses, de mon estomac et de mon budget culture ? Cordialement.

Quand je constate que de plus en plus d’adultes sans enfant (moi comprise, donc) vont voir des films d’animation, je ne me dis pas, contrairement à François Aubel, que la société est en pleine infantilisation. Je me dis simplement que la qualité des films d’animation ne fait que s’améliorer.

Et, de toute façon, au-delà de toutes considérations culturelles, merci, si vous pensez comme Monsieur Aubel, de ne me juger ni moi ni mes congénères quand on va remplir les salles obscures, pour quelque film que ce soit. Être jugé·e et méprisé·e pour quoique ce soit est déjà largement désagréable.

Respect des spectateurs versus snobisme intellectuel

N’oublions pas qu’aller au cinéma est pour beaucoup un moment de détente, une façon de décompresser, une manière de se faire plaisir sans gêner personne. S’amuser à prendre de haut les goûts cinématographiques des gens, ça fait peut-être plaisir sur le coup, mais c’est pénible pour les autres !

Il n’est jamais très agréable d’être méprisé·e, même si on sait qu’on a raison et qu’on peut bien faire ce qu’on veut…

Réduire non pas un individu mais carrément la société toute entière à la salle de cinéma dans laquelle on voit quelques personnes se rendre, c’est un raccourci que je n’ai pas envie de voir des gens faire. C’est une question de respect des spectateurs, de vigilance face au snobisme et d’ouverture d’esprit sur les goûts des autres, et pas du tout un rejet des avis négatifs sur un film.

inside out calin de groupeMoi shampouinant les rageux.

Alors oui, je l’affirme, je l’assume : j’ai 26 ans et j’irai voir le nouveau Pixar, ainsi que le prochain, j’imagine, et très certainement celui d’après. Ça ne veut pas dire que je n’aime que les films colorés et animés, et même si c’était le cas, je ne vois pas en quoi ça ferait de moi quelqu’un de puéril. Après tout, je n’ai pas eu l’impression de devenir adulte quand j’ai regardé pour la première fois un Michael Haneke !

Parce qu’être adulte, c’est tout de même bien plus complexe, bien plus que ça. Heureusement, non ?


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

67
Avatar de lafeemandarine
9 juin 2020 à 13h06
lafeemandarine
@TennanTen c'est "marrant" parce que dans les années 80, il y a des parents qui ont protesté contre les dessins animés japonais qui commençaient à avoir du succès, comme "Dragon Ball" ou "Goldorak". Pour eux, c'était trop violent.

Et c'est vrai qu'il y avait de la violence dedans. Mais enfin, ces mêmes parents conseillaient de montrer plutôt des Disney aux enfants, comme s'il n'y avait aucune scène violente dans les Disney. Dans certaines scènes de "Bambi" et "Rox et Rouki" (qui ont la réputation d'être niais), il faut s'accrocher!
4
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