Quand j’ai rencontré ce garçon, j’ai eu l’impression que nous pouvions nous comprendre. Il avait vécu des choses difficiles, moi aussi, et notre relation amicale s’est transformée en relation amoureuse.
Une relation qui s’est rapidement avérée toxique
J’étais très amoureuse de lui, et nos débuts avaient tout d’une relation saine : je me sentais bien. Je l’aidais beaucoup, tant dans sa vie personnelle que professionnelle, sans jamais me poser de questions.
Mais petit à petit, les choses ont commencé à changer. Cet homme, qui présentait si bien et avait toujours l’air adorable en public, a commencé à devenir désagréable en privé. Il me poussait à accepter des choses que je ne voulais pas, me mentait.
À chaque fois que je le confrontais, il avait de bonnes excuses. Il pointait du doigt son passé tumultueux, me promettait qu’il allait changer… Et moi, je l’acceptais. Je rêvais de retrouver la joie de nos débuts, j’espérais qu’il dise vrai.
Au quotidien, je suis devenue de plus en plus triste
Il serait difficile de donner des explications plus précises, tant ses changements de comportement ont été insidieux et progressifs. C’est le genre de personne qui peut essayer de te faire croire qu’un objet rouge est vert, que ce que tu vois de tes propres yeux est faux, au point qu’on finit par douter de soi.
Avec le recul, je me rends bien compte que ces comportements étaient une manière de prendre un ascendant psychologique sur moi. Mais dans ce contexte, j’ai commencé à perdre pied.
Le processus était toujours le même : je commençais par accepter une petite chose, que je n’aurais pas acceptée en temps normal, et puis l’engrenage s’aggravait. Cette petite chose devenait quotidienne, et j’en acceptais une autre, puis une autre…
Moi qui suis de nature très joyeuse, au quotidien, je devenais de plus en plus triste. Je dormais moins, m’inquiétais pour lui, et surtout, je devenais anxieuse. Chaque nouvelle journée était une source d’angoisse : qu’est-ce qui va se passer aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’il va faire ? Jusqu’où tout ça va aller ? Et pourtant, je continuais à espérer que la situation s’améliore.
Lui se rendait bien compte que j’étais sous sa coupe, et qu’il pouvait tout faire.
J’ai réussi à le quitter
Cette relation a duré deux ans. Chaque fois que je tentais de couper les ponts avec lui, il refusait et revenait en permanence. Jusqu’au jour où, après un manque de respect de trop, j’ai réussi à le mettre dehors. Il venait de tenir des propos qui me dénigraient, me rabaissaient, et j’ai décidé qu’il fallait que ça s’arrête.
À partir de là, tout a été compliqué. Il voulait rester en contact « amicalement », moi, j’étais encore amoureuse de lui et je ne voulais plus le voir. Je ne comprenais pas ce qu’il voulait, et c’est là que j’ai commencé à me dire qu’il ne m’avait peut-être jamais aimée, et que notre relation n’avait été qu’intéressée depuis le début.
C’était très difficile pour moi, parce que j’avais cru à notre histoire : je pensais qu’il était sincère, mais qu’il traversait juste une mauvaise passe.
Aujourd’hui, je réalise bien qu’une personne qui t’aime ne peut pas te traiter comme ça…
Et puis, les vidéos sont arrivées
Et en mai dernier, alors qu’il revenait me parler, j’ai reçu d’un faux compte sur Instagram une vingtaine de vidéos de moi qu’il avait prises à mon insu.
Ces vidéos, auxquelles je n’avais jamais consenti, il les envoyait à son entourage. Sur certaines, il avait même ajouté des commentaires. « Elle se prend pour une bombe, mais elle est dégueulasse ». Sur d’autres, où je danse en tenue courte dans mon appartement, il zoome sur ma cellulite pour me dénigrer.
Ces vidéos sont arrivées comme un choc : je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse aller jusque là. Moi qui suis très pudique, et qui ai un rapport très compliqué à mon corps, je vis l’existence de ces vidéos, et de toutes celles que je n’ai pas encore vu comme une agression. Je ne sais pas qui m’a transmis ces vidéos, ou qui les a en sa possession.
Et surtout, je ne sais pas combien il en existe. En deux ans de relations, il a dû avoir le temps d’en prendre beaucoup, dans des contextes qui pourraient largement me nuire. On m’a dit qu’il en existait d’autres, mais en réalité, je n’en ai aucune idée.
En parler, pour se libérer et soutenir les autres victimes
Au-delà de la tristesse que je ressens face à cette histoire, je suis aujourd’hui dans la peur. Tous les jours, je me demande si je ne vais pas en recevoir de nouvelles, si on ne va pas me menacer d’en leaker certaines, ou me demander une rançon. Mon intimité a été violée, et j’ai du mal à me remettre de ce choc.
Mais parce que j’ai la chance d’avoir une audience, j’ai décidé de transformer mon dégoût en action : j’ai écrit une chanson — la première de ma vie — sur le sujet. Et le clip sort aujourd’hui ! C’était pour moi une manière saine de me remettre de ce traumatisme. Et puis, ça m’a donné l’occasion de me représenter en train de me venger !
L’idée de cette chanson, c’était de trouver un moyen de reprendre le pouvoir sur la situation. Dire au monde entier ce qui m’était arrivé, c’est à mon sens une manière de lui couper l’herbe sous le pied, et garder la tête haute du mieux que je peux.
Le plus important pour moi, c’est surtout de pouvoir parler de cet évènement au plus grand nombre. Je suis loin d’être la seule à avoir été filmée à mon insu : nombreuses sont les personnes à qui cela est déjà arrivé, ou qui ont été victimes de diffusion de contenus intimes. Ce sont à ces victimes que j’aimerais parler avant tout.
Car dans ce genre de situation, on peut-être amenée à avoir l’impression d’être en tort. Mais il ne faut jamais se laisser culpabiliser ! C’est l’abus de confiance de ceux qui prennent ces images et les utilisent pour nous nuire qu’il faut montrer du doigt et dénoncer, le reste n’est jamais de notre faute.
Il arrive que la honte d’être victime de ces pratiques soit si forte qu’elle empêche d’en parler, de porter plainte, de faire bouger les choses… En en parlant, j’ai envie de faire changer ça. J’espère que je pourrai aider celles et ceux qui en ont besoin à ne plus se sentir responsable d’une situation qui peut arriver à n’importe qui.
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Crédit photo : Chloé Hautier
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