La culture est une éternelle entreprise de recyclage. Un jour, un•e artiste écrit une chanson. Des années plus tard, un réalisateur ou une réalisatrice utilise le titre de cette chanson comme nom pour son film, et s’il•elle est un peu malin•e, en profite pour la recaser quelque part dans son long-métrage. C’est bien joué, parce que ça attire les fans de musique, et ça permet aux adeptes cinéphiles de découvrir des titres un peu démodés qu’ils•elles ne connaissaient pas !
Voici donc un petit zoom sur quelques films au titre de chanson qui méritent ton attention.
Singin’ In the Rain (Chantons sous la pluie), l’ode aux claquettes
Qui dit film chantant dit presque toujours comédie musicale. Et dans ce genre, Singin’ in the Rain est un peu le film ultime, puisqu’il est très difficile d’échapper dans sa vie à la scène où Gene Kelly patauge dans les flaques en s’emballant un peu ! Singin’in the Rain est un long-métrage tourné en 1952, qui raconte le début du cinéma parlant dans les années 1920.
Avec la sortie du Chanteur de Jazz, le premier film parlant, les stars du muet doivent se mettre au goût du jour. Et c’est comme ça que le public découvre que la belle actrice Lina Lamont a une voix, dirons-nous… assez difficile à supporter. Du coup, les producteurs du film et Don Lockwood, son partenaire de tournage et autre super-star, décident de remplacer sa voix par celle de Kathy Selden, une danseuse qui ne gravite pas exactement sous les paillettes d’Hollywood.
Ça danse dans des décors de cinéma, ça fait des claquettes, ça tombe amoureux… Je ne te cache pas que depuis le temps, le film a pris une patine vintage certaine, voire est devenu un poil ringard. Mais ne te fie pas à sa bande-annonce un peu longuette : Singin’ In the Rain est un plaisir un peu désuet à regarder le dimanche après-midi sous un plaid, en révisant ton anglais !
https://youtu.be/36QiuRc_3I8
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la chanson phare du film n’a pas été écrite spécialement pour lui. D’ailleurs, c’est le cas de la plupart des titres apparaissant dans la bande-originale, qui sont extraits de comédies musicales des années 1920 et 1930 de la Metro Goldwyn Mayer. En fait, la chanson Singin’ in The Rain est apparue pour la première fois dans Hollywood Revue of 1929, une autre comédie musicale. Mais elle s’est fait totalement vampiriser depuis par Gene Kelly ! Tristesse dans les rues mouillées de pluie.
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Boys don’t cry, être un garçon ou pleurer
Boys Don’t Cry, c’est l’histoire d’une personne assignée fille à la naissance, qui ne sent pas fille mais garçon, et qui va avoir des problèmes avec des garçons… à cause de son amour pour une fille. Le film s’inspire de la vie de Brandon Teena, un homme trans assassiné dans les années 1990.
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En résumé : Teena Brandon, alias Hilary Swank, est un petit délinquant qui ne supporte plus d’être une fille et devient un garçon, sous le nom de Brandon Teena. Il se laisse embarquer dans une autre ville par une bande amicalo-familiale de gens un peu paumés. Il tombe amoureux de Lana, jouée par Chloë Sevigny, et tout se passe bien. Sauf que personne ne sait que Brandon n’est pas pourvu de coucougnettes…
La bande-annonce date de 2000 et a vieilli autant que mes souvenirs d’enfance, le film peine un peu à démarrer… mais le sujet de l’identité et de la perception qu’en ont les autres reste malheureusement très actuel et pertinent. Attention, l’ambiance n’est pas exactement aux couronnes de fleurs et au slip sur le crâne : la violence sexuelle est bien là, et à sa sortie, le film était interdit aux moins de 16 ans.
Une autre bonne raison de regarder Boys Don’t Cry, c’est qu’il permet de revoir deux actrices de talent avant leur explosion médiatique : Hilary Swank est carrément badass en jeune homme, et sa performance a de faux airs de celle de Million Dollar Baby. Et Chloë Sevigny joue tellement bien la nana égarée un peu grunge mais gentille que tu as parfois l’impression que c’est naturel !
La bande-originale est elle aussi une belle compilation de titres rock.
Mais avant de devenir un film qui a filé un Oscar à Hillary Swank, Boys Don’t Cry est la chanson la plus connue de l’album éponyme de The Cure sorti en 1986. Dans ce titre, le groupe de Robert Smith raconte comment un mec est malheureux à faire sauter les plombs mais s’interdit de pleurer parce que l’expression populaire (et stupide) dit que les garçons ne font pas ça.
La chanson apparaît d’ailleurs dans le film à un moment particulièrement crucial.
Le premier jour du reste de ta vie, le plus beau des portraits de famille
Partons maintenant pour un petit détour vers la France — et par la même occasion dans la direction de la chanson française. Le Premier jour du reste de ta vie est un film sorti 2008, qui relate toutes les journées importantes de la vie d’une famille lambda : un père (Jacques Gamblin), une mère (Zabou Breitman), un fils (Pio Marmaï), son frère (Marc-André Grondin) et enfin sa petite soeur, jouée par Déborah François.
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Ça se passe dans les années 1990, on les voit s’engueuler, s’aimer, grandir, vieillir… bref, une vie à plein temps. Si le casting d’acteurs super best-of plus te fait déjà briller les pupilles, sache Le Premier jour du reste de ta vie est l’un des films les plus vrais à mon sens sur la famille : même s’il n’est pas forcément représentatif de toutes les cellules familiales existantes, il retranscrit bien toutes les émotions que tu peux ressentir envers tes proches, du conflit à la tendresse, entre l’adolescence et l’âge adulte ou dans la relation mari-femme.
C’est donc une comédie à la française pas chiante, parfois drôle et en tout cas très sincère.
À l’origine, Le Premier jour (du reste de ta vie) est un single qui date de 1998. Il est interprété par Étienne Daho, le chanteur à la voix grave et un peu éthérée qui t’emmène en « Week-end à Rome / Tous les deux sans personne ». Le titre viendrait de l’expression anglophone « Today is the first day of your life » (« Aujourd’hui est le premier jour du reste de ta vie »).
Les titres des années 1980 ne sont peut-être pas ta came, mais placée à la fin du film, la chanson gagne en signification.
https://youtu.be/zozond-gKdQ
Suzanne, la vie qui s’use
Voilà encore un film, de 2013 cette fois, qui ne va pas mettre de la joie et des coquelicots dans les chaumières, mais qui risque de te toucher assez profondément. Suzanne, c’est Sara Forestier, une fille de milieu modeste qui vit en fusion complète avec sa petite soeur Maria, incarnée par Adèle Haenel et son père, alias François Damiens dans un rôle dramatique auquel il est difficile de ne être sensible.
Personne ne comprend Suzanne, qui n’a d’ailleurs pas l’air de bien se comprendre elle-même. Adolescente, Suzanne tombe enceinte d’un mec avec qui elle ne va jamais cesser de découdre et de recoudre sa relation. On la voit balancer sa vie en l’air petit à petit, sous les yeux de son père qui pète les plombs, et de Maria qui essaye de la soutenir tant bien que mal.
C’est dramatique, ça met plein de noeuds dans ta gorge, et rien que pour l’état dans lequel il te met, Suzanne est à voir — même si certains passages peuvent sembler un peu répétitifs. Et puis, bon, il y a Adèle Haenel qui est tellement cool qu’elle fait passer Sara Forestier pour le personnage secondaire. La preuve, elle a reçu le César de la « Meilleure actrice dans un second rôle » pour ce film ! D’ailleurs, comme Adèle Haenel est en toute objectivité fantastique, elle est renommée cette année aux Césars dans la catégorie « Meilleure actrice » tout court.
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La chanson Suzanne apparaît au générique de fin du film, mais en réalité, elle est bien plus vieille que ça ! Le titre a d’abord été écrit comme un poème par Leonard Cohen (l’auteur du célèbre Hallelujah) et est paru dans un recueil en 1966. Suzanne serait Suzanne Verdal, la femme d’un artiste que le musicien a fréquenté à Montréal dans les années 1960.
https://youtu.be/otJY2HvW3Bw
Et toi, quels autres films-inspirés-de-chansons aimes-tu à t’en faire défaillir le palpitant ? Viens réagir dans les commentaires !
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