Comme se défaire de toutes sortes d’injonctions et devenir des meufs badass est un peu notre crédo sur madmoiZelle, je lui laisse la parole en espérant qu’elle inspirera nombre d’entre vous !
Dans la vie de quelqu’un, les premiers représentants de l’autorité sont bien entendu les parents ou les tuteurs légaux. J’ai eu de la chance de ce côté-là : mes parents étaient « cool ».
Mon éducation : une certaine liberté
Ils me laissaient faire ce que j’avais envie de faire et ont répondu très positivement à mes réclamations permanentes d’indépendance. Bah ouais, moi je trouvais ça hyper injuste que les adultes aient le droit de faire des trucs qu’ils interdisaient à leurs enfants.
Au CE1, j’ai voulu aller à l’école toute seule (mon école n’était pas très loin hein), et ils ont accepté. J’avais donc la classe internationale devant tous mes camarades qui attendaient sagement leurs parents devant le portail.
Bon, mon père m’a avoué plus tard qu’il m’avait suivi discrétos la première fois, pour s’assurer que je maîtrisais la double vérification latérale avant de traverser la route, une figure maintes fois répétée. Mais ils m’ont fait confiance.
On m’a donc laissée assez libre durant mon enfance. Ce qui ne veut pas dire que je n’avais pas de cadre : je pouvais très facilement comprendre quand j’abusais ou non à travers les visages très expressifs de mes parents qui auraient définitivement été de terribles gardes royaux britanniques.
En plus de ça, on m’a beaucoup expliqué quelque chose qui m’a guidée toute mon enfance et qui me guide toujours : les autres c’est important, et il faut y faire attention. « Faire attention », dans les deux sens du terme : en prendre soin, et ne pas les laisser nous emmerder. Mais par la suite, les choses se sont un peu compliquées.
Enfant, respecter les règles était primordial pour moi
Ensuite, il y avait les profs, surtout les instit’, enfin si on dit encore ça quelque part. Je l’avoue, j’ai été la chouchoute, sans forcément le demander, juste parce que j’étais bonne élève et super timide donc en bref je ne les faisais pas chier.
Je respectais donc complètement les règles fixées par les adultes, que ce soit les règles explicites du style « rangez-vous écrivez la date arrêtez de brailler est-ce que tu t’appelles Kevin* ? Non, alors tu laisses Kevin répondre » ou bien les règles plus implicites comme « quand le professeur dit quelque chose il a toujours raison ».
Cette dernière règle était largement soutenue par mes parents, ce qui peut paraître un peu bizarre de la part de personnes qui m’avaient imposé si peu de choses au cours de mon enfance.
Sauf qu’en y réfléchissant bien plus tard, ce n’était pas si bizarre. Parce que mes parents sont profs. Et qu’ils ne toléraient pas qu’on se place en opposition avec un prof, car cela remettait en question leur position d’autorité dans leur métier. Mais bon ça, il m’a fallu des années pour le réaliser. Donc sur le moment je me suis juste dit « ah, chelou ».
J’étais donc une élève très sage, et hyper choquée dès qu’un autre élève transgressait une règle. En CM1 un garçon s’est levé pendant la classe pour aller parler à son pote. Pour moi, c’était l’équivalent d’un crime contre l’humanité. Il avait fait un truc alors que la maîtresse l’avait interdit. Chaud.
Vous allez me dire « en quoi est-ce un problème d’être une élève sage ? ». Le premier problème, c’est que ce respect de la règle était inconditionnel. Et que même devant une situation d’injustice, je trouvais ça dégueulasse, mais je ne disais rien du tout.
Le deuxième problème, c’est la raison de cette soumission : la peur. La peur de la punition, la peur de pas savoir gérer la colère d’un adulte. La peur de décevoir mes parents, qui avaient placé tant de confiance en moi, la petite fille qui ne faisait jamais de « bêtises ».
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La loi, autre ligne à ne transgresser sous aucun prétexte
À l’adolescence, comme pour tout le monde j’imagine, le summum du style était la transgression : alcool, cigarette, cannabis.
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C’était la norme, et les gens qui respectaient toutes les règles étaient des originaux, voire des « coincés », pire insulte de l’univers (alors que soyons clairs, on ne reconnaît pas les gens les plus sûrs d’eux au fait qu’ils osent tout).
Pour l’ado pleine de bagues et de boutons que j’étais, un dilemme s’est alors imposé : respecter la règle explicite, c’est-à-dire la loi, ou bien respecter la norme sociale, c’est-à-dire faire les mêmes « bêtises » que les autres.
J’ai choisi la règle. Pourquoi ce choix ? Toujours pour la même raison : la peur de décevoir mes parents. La peur qu’ils arrêtent de me considérer comme la petite fille parfaite qu’ils se représentaient. Je me suis bien permise quelques exceptions, mais toujours de manière ultra raisonnable. D’ailleurs c’est un qualificatif qu’on m’a souvent attribuée : raisonnable.
Tout à fait moi à 17 ans
A l’âge de 21 ans, j’ai fait une connerie, oh pas une trop grosse, mais bon j’ai quand même fini au poste (thuglife). Je l’ai raconté à tous mes potes, trop marrante cette anecdote.
Mais je n’ai rien dit à mes parents. Bah ouais, c’est pas la peine qu’ils s’inquiètent pour rien, je vais me débrouiller toute seule de toute façon.
Ça c’est ce que j’ai dit aux gens, en vrai je ne voulais pas que ça les rende tristes. Là je me suis dit qu’il y avait comme un tout petit problème : j’avais un âge adulte et je prenais encore la position de la petite fille qui craint la réaction de la figure de l’autorité. Et ça, ça m’a semblé nul à chier.
La vie en entreprise, et mes premiers élans de jeune femme désobéissante
Au cours de mes études, je suis partie m’installer dans une autre ville. J’ai alors commencé à faire des stages, et donc fatalement à avoir des patrons. Et là, il s’est passé un truc que franchement, j’avais pas vu venir.
J’ai commencé à ressentir un état d’âme que je pourrais appeler le style « Nekfeu » à savoir « rien à foutre de rien ». Moi la petite fille disciplinée, timide, j’arrivais en retard, je respectais moyennement voire pas du tout les codes vestimentaires de l’entreprise dans laquelle je bossais.
Je partais une fois mon boulot fini, peu importe l’heure qu’il était, et je ne me suis pas gênée pour faire remarquer à mon supérieur que le boulot qu’il me donnait à faire n’avait rien à voir avec mes études, rapport que j’avais pas fait un master « recopiage de notes manuscrites ».
Précisons que cela ne m’a causé aucun ennui : mes supérieurs idolâtrant le concept de « leader », ils ne m’ont fait aucun reproche. On n’est donc pas vraiment sur du grand banditisme. Mais pour moi, c’était énorme : j’avais pris le risque d’être exposée à des critiques, voire à une sanction.
Je ne saurais pas très bien expliquer la raison de ce changement brutal de ma relation à l’autorité, qui est passée d’une soumission parfaite à un rejet total. Je racontais ça à mes amis de longue date, et je voyais le doute dans leurs yeux. « Elle ment, elle a pas pu dire ça, elle rougit quand elle demande l’addition. »
J’en ai eu marre d’un coup en fait. Je traversais une période difficile dans mon couple, et tout le monde y allait de son petit conseil : « quitte-le dis-lui la vérité mais pas ça parce que quand même ça ça se fait pas de toutes façons si tu l’aimais vraiment tu douterais pas ».
Et j’en ai eu ras-le bol qu’on me dise ce que je dois faire, dans tous les domaines de ma vie. Parce qu’en fait, il y a plein de trucs qu’on n’est pas obligé de faire. Il faut juste s’en rendre compte et affronter le fait que, comme dirait Brassens « Non, les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux ».
Devenir une figure d’autorité, le pas final vers l’émancipation ?
Et puis, en parallèle de mes études, j’ai bossé dans l’animation. Pas les petits bonhommes en 3D dans les films, mais les petits bonshommes et femmes de la vraie vie dans les centres de loisirs.
J’ai adoré ce boulot, si enrichissant et qui me poussait à me remettre en question tout le temps. Travailler avec des enfants, c’est aussi une excellente manière de réfléchir sur l’éducation qu’on a reçu soi-même : qu’est-ce que je garde ? qu’est-ce que je jette ?
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J’ai fait mon maximum pour faire confiance aux enfants, au moins autant que mes parents m’ont fait confiance. Mais j’ai aussi essayé de leur apprendre que l’échec, ce n’était pas grave. Que je ne serais pas déçue si leur maison en pain d’épices se cassait la gueule, et que même, on allait s’y mettre ensemble et que si ça se trouve on arriverait à la faire tenir.
Au bout d’un moment, j’ai travaillé en tant que directrice adjointe. J’étais donc une référente pour les enfants, mais aussi pour les animateurs. À ma grande surprise, ce n’était pas si compliqué.
Mais j’ai toujours essayé de garder un truc à l’esprit : la peur, ce n’est pas un bon moyen de faire avancer les choses. Si les enfants te craignent, ils n’oseront pas venir te voir en cas de problème. Et si les animateurs te craignent… ils n’oseront pas venir te voir en cas de problème !
Je voulais que mon autorité soit complètement séparée de l’idée même de peur.
Continuer à se poser de bonnes questions, la clé pour trouver cet équilibre ?
Et puis un jour, j’ai compris un truc fou. Un enfant a dit à un de mes collègues « tu dois enlever ta casquette, on est à l’intérieur et ce n’est pas poli ». Ce à quoi il a répondu « Pourquoi ce n’est pas poli ? Je l’enlèverai si tu peux m’expliquer en quoi ça dérange qui que ce soit ».
Et en fait, c’est ça pour moi la clé du respect de l’autorité. Ce n’est ni la soumission complète ni le rejet total. C’est juste se demander « est-ce que cette règle a un sens pour moi ? est-ce que ne pas respecter la règle prive les autres de liberté ? ».
Si la réponse est non, s’il vous plaît, désobéissons.
*Les prénoms ont été modifiés pour des raisons évidentes
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Les Commentaires
@Aktus Tout à fait d'accord, mais la société associe encore bcp la gentillesse à de la faiblesse ça s'est calmé, mais fut un temps, quand je disais de mon compagnon actuel qu'il est gentil (bah oui, pour moi c'est une qualité. Et contrairement à moi, il sait très bien dire ce qu'il veut et ne veut pas) on me répondait "oh bah ça va t'en parle comme d'un chien"... affligeant. Comme c'était dégradant pour un humain d'être gentil...