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Travail

J’ai testé pour vous… être la fille du patron

Cette madmoiZelle est la fille du patron, ce qui complique sacrément son quotidien. Devoir travailler en famille n’est déjà pas facile, alors quand tous les collègues sont au courant…

Mon boulot n’a rien de particulier ; ce qui l’est en revanche, c’est que je suis la fille du patron.

Je vous vois venir (ou peut-être pas), à penser « Encore une fifille à papa qui n’a pas trouvé de boulot ». Bah en fait, oui. Mais c’est un peu plus complexe. Et contrairement à ce que l’on peut penser, ça n’est pas si facile d’avoir son père comme boss.

Papa, engage-moi !

Ou pas… Laissez-moi vous expliquer comment c’est arrivé.

Ne trouvant pas de travail dans ma branche et n’ayant donc plus les moyens de garder mon appart, je suis retournée vivre chez mes parents. J’y ai alors décidé de finir mon permis, car habiter à la campagne le nécessitait.

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Je pensais donc me trouver un boulot d’appoint à mi-temps quand mon père m’a proposé ce poste « d’assistante de l’assistante de direction ». Ça a l’air un peu compliqué comme ça, mais c’est en fait très logique.

Dans l’entreprise, il y a l’assistante-comptabilité (nous allons l’appeler Rachel) et l’assistante tout court (appelons-la Monica). Monica a eu il y a quelques mois un grave accident de voiture, et elle a gardé de lourdes séquelles. Elle a été absente un moment, et à son retour, elle ne pouvait pas bosser plus d’une demi-journée. Du coup, Rachel a vite été submergée de boulot.

De mon coté, je n’avais plus d’assurance maladie et je peinais à trouver un job.

Mon père a toujours été doué pour faire d’une pierre deux coups. J’avais besoin d’un taff et il avait besoin d’une assistante suppléante (avec la flemme d’en chercher une). Voilà comment j’ai été engagée pour faire tout le boulot long et fastidieux, soulageant ainsi Rachel et Monica. Ça ne me dérange pas dans la mesure où je suis utile, et que je suis payée pour ça.

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Juju, la fille du patron

Travailler pour son père, et le fait que tout le monde le sache n’est pas simple. Déjà, tout le monde m’appelle « Juju », qui est à la base un diminutif familial (je salue les Julie, Julia, Julien etc. au passage). Donc quand quelqu’un que tu ne connais pas t’appelle « Juju », ça ne le fait pas. C’est gênant, intrusif même. Agaçant.

Sarah Michelle Gellar dans The Crazy Ones

Et ce qui l’est aussi, c’est d’entendre au téléphone « Ah ! La fille de Germain ! » au lieu de « la nouvelle assistante ». Et je ne compte plus les « passe-moi ton père ».

C’est une situation délicate. Pourtant, d’entrée de jeu, je nommais mon père par son prénom, je ne l’appelais pas « papa».

Ce qui est délicat aussi, c’est que je ne me sens pas le droit à l’erreur. Déjà parce que mes tâches sont relativement faciles. Ensuite parce que je suis « la fille du patron » et que personne n’ose m’engueuler… Sauf mon père, qui me passerait un savon de père et pas de patron donc, si je faisais une bourde.

Je fais tout pour ne pas faire de bêtise. J’essaye de travailler vite et bien, en me faisant la plus discrète possible – ce qui induit une certaine pression supplémentaire.

Quant aux rapports que j’ai avec mes collègues, ils sont aussi très… particuliers. Ils me tutoient et m’appellent « Juju » (sauf un que je remercie intérieurement). Et ils ne me demandent rien, ou presque. Ils n’osent pas vraiment me parler. Je ne participe pas à leur pause café de 17h (je n’y accorde pas grande importance, mais cela donne une vue d’ensemble), et ils font toujours attention de ne pas râler devant moi.

Car je suis « la fille du patron » et que je pourrais aller baver auprès de mon père. Heureusement, j’ai un autre rapport avec Rachel (avec qui je bosse à la place de Monica l’après-midi donc), qui m’a expliqué les raisons de nos collègues, m’expliquant que ce n’était pas contre moi personnellement.

Juju, la sœur de Jojo

Ah oui, je ne vous avais pas dit ? Mon frère bosse également dans l’entreprise depuis plus de deux ans. Au début, il était en formation/stage pour son BTS, et il en a bavé. Il était « le fils du patron », mais en plus il n’est pas très bien tombé. Entre son maître de stage qui avait un sale caractère et mon père qui plaçait la barre trop haute pour lui… Cela a été bien plus compliqué pour lui que pour moi. Les relations qu’il a avec notre père sont différentes des miennes, et il a été bien plus malmené par les collègues que moi.

À lire aussi : Typologie des périls du stage

Cependant il a su faire ses preuves, il a beaucoup – et bien – bossé. Maintenant, il a un poste plus élevé, tout en gardant cette position « secrète» ; ayant réussi à se détacher de l’image de fils du patron, il ne veut surtout pas retomber dedans. Et il se fait appeler « Jo », et non Jojo.

Et les autres, alors ?

Ma famille et les amis de la famille ont réagi chacun à leur manière. Si beaucoup trouvent ça cool, une réaction m’a beaucoup choquée.

Outre le fait d’avoir jugé mes choix (arrêt de master, déménagement), une personne m’a interrogée sur mon boulot et sa réaction fut… horrible.

Après lui avoir expliqué ma situation, il est allé parler à mon père, m’a demandé d’approcher, et a passé son doigt horizontalement sur mon front en disant :

Tu vois là, c’est marqué « fille du patron ».

J’ai réalisé que si lui le disait ainsi, tout haut, cela n’était pas le cas de tout le monde. Et que d’autres me considéraient comme « la fille du patron » aussi, même s’ils ne le disaient pas devant moi.

C’est là que j’ai commencé à avoir une boule au ventre. A me dire que je devais tout faire pour ne pas être considérée comme « la fille du patron », mais « une employée qui fait bien son boulot ». Qu’on ne me considère que pour ce que je fais.

Malgré tout, je me dis maintenant que tous les efforts du monde n’y feront rien. Alors j’ai décidé de ne plus y penser. De rester « la fille du patron ».

Des points positifs ?

Heureusement, il y en a. Le dialogue avec mon père n’a jamais été aussi bon. Il comprend mieux mes besoins de tranquillité quand nous sommes à la maison, et nous avons une nouvelle complicité. Par exemple, il me taquine en me disant « étiquette » (1000 étiquettes à faire en une semaine, il y a de quoi plaisanter), et il a des petites attentions touchantes, comme quand il me sert un café au bureau.

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Le travail en lui-même a de nombreux avantages. J’ai des horaires flexibles ; si j’ai besoin de prendre mon après-midi et que ma charge de travail de la journée le permet, je peux le faire sans que l’on me pose de questions. Mais j’essaye de ne pas profiter de ma position avantageuse – ou le moins possible.

Donc ?

Donc, j’ai un boulot. Un boulot comme un autre. J’exécute des tâches et je gagne de l’argent pour ça. Ni plus, ni moins. Alors oui, je ne m’imaginais pas du tout faire ce genre de travail. Mes rêves sont ailleurs, et j’entends bien les réaliser. Mais en attendant, j’ai un boulot.

Cependant, bien que je sois fière de mon papa, et qu’il me glisse une bise en secret de temps à autres au bureau, je ne supporte pas vraiment d’être « la fille de… ». Il n’y a pas que dans la chanson ou dans le cinéma que ça n’est pas simple (non ceci n’est pas une référence à Thomas Dutronc uh uh).

Quelque soit le domaine, une personne ne devrait pas être jugée et traitée en fonction de ses liens de parenté. Et j’aimerais bien que l’on utilise mon prénom en entier.

À lire aussi : 30 trucs pour ne pas tuer son patron (de stage)

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Les Commentaires

1
Avatar de Amy-Amy
10 octobre 2014 à 18h10
Amy-Amy
Merci, merci, merci pour ce témoignage !!!! Parce que bon, oui, moi aussi je suis la fille... de la patronne !

Tout comme toi, j'étais au chômage, et ma mère avait besoin d'une secrétaire à mi-temps (dans un premier temps) et comme je suis bonne en orthographe, et que je suis sa fille, elle m'a proposé un poste, que j'ai bien sûr accepté, sans trop hésiter !

Par contre, contrairement à vous Melissa et Terra Incognita, ça ne se passe pas toujours bien et bizarrement, ce n'est pas avec mes collègues qu'il y a des problèmes, mais avec ma boss directement. Tout comme vous au début, je ne vivais pas trop bien le statut de "La fille de..." mais la plupart des secrétaires, je les connaissais depuis un bout de temps. Pour situer, le secrétariat de ma mère était au rez-de-chaussée de la maison, donc je descendais souvent la voir et sympathiser avec les nanas qui bossaient là, parce qu'elles étaient trop sympas, l'une d'entre elle est même devenue un temps ma confidente... à l'époque, j'étais encore au lycée, donc je lui racontais toutes mes conneries, qu'elle a toujours gardé pour elle (Agathe, je t'aiiiiime !!!!) !!!

Avec ma mère, on a le même genre de caractère, donc quand ça pète, bah on ne se lance pas des paillettes et des bizous et de l'amour, ça non ! Mes collègues ont déjà assisté à pas mal de scènes (j'ai honte, rien que d'en parler.....), parce que, voyez-vous, il n'y a jamais eu de barrière entre le professionnel et le personnel. Je crois qu'on a essayé, au début, mais c'était trop difficile, et on n'y arriverait plus maintenant... Parce que, l'entreprise de ma mère, même si à la base, elle n'est pas familiale, ça reste "comme à la maison"... Elle nous chouchoute (quand elle est d'humeur), on a déménagé il y a 4 ans, pour intégrer une nouvelle maison dans laquelle on a posé nos bureaux, elle n'a jamais voulu travailler dans des bureaux froids et aseptisés, ça aurait cassé l'ambiance de travail...

Outre le fait qu'avec ma mère ça ne se passe pas toujours très bien, il y a aussi le côté "Fille de..." et au début, c'était pas facile. J'essayais aussi de ne pas trop la ramener, j'ai toujours tenu à ce que je sois considérée comme les autres (et nous ne sommes pas très nombreuses)... Je pense qu'en 6 ans, j'ai réussi à faire comprendre à mes collègues (qui ne sont plus les mêmes qu'à l'époque de mon arrivée, sauf pour une) que j'étais au même niveau qu'elles, et que, pire encore, quand je faisais une connerie, je me faisais bien plus engueuler qu'elles (parce que ma mère voulait aussi montrer que je n'étais pas chouchoutée)....

Alors certes, j'ai des avantages, j'en profite un peu (qui ne le ferait pas), mais je ne pense pas tirer sur la corde.... ! Je fais mon boulot comme tout le monde, je respecte mes horaires (j'ai un gros pb de ponctualité depuis toujours, mais je me soigne), j'assume mes erreurs, et je fais parfois plus que les autres, plus d'heures, plus de tâches, plus de responsabilités...

Et puis, dans l'ensemble, je m'entends bien avec mes collègues. Je sais qu'on ne sera jamais amies, mais je m'en fiche, on se respecte, on ne se juge pas (enfin, je pense), on se marre bien ensemble aussi des fois, et on sait aussi se soutenir dans des moments un peu durs (trop de taf, ou simplement, gros coups de mou personnels)... Même si je sais qu'au fond, je serais toujours "La fille de...", j'ai quand même réussi à prouver que j'avais ma place et que, même si j'ai certains avantages, je me donne d'autant plus dans mon travail pour compenser, ça, elles en ont bien conscience...

Pour finir, je ne pense pas que je resterais là. Ça fait 6 ans que j'y suis, j'ai fais le tour de mon travail (si si, je vous jure) et j'aspire à autre chose, j'ai des projets pour l'année prochaine, que j'espère concrétiser. Et puis, le plus important, c'est que ma mère est devenue plus souvent une patronne pour moi qu'une maman, que la limite n'est pas claire et que ça finit par peser sur nos relations. Alors je sais qu'un jour, j'arrêterai d'être son employée et redeviendrai uniquement sa fille, et ce jour-là, je me sentirai beaucoup mieux !
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