Il y a peu, je m’entretenais avec ma jeune amie, Flore-Adélaïde, au sujet de son bac de français imminent. Je crus frémir lorsqu’elle attribua la paternité des « regrets » de Joachim du Bellay au chanteur Ridan, défaillir quand elle déclara que François Villon était un auteur du XIXème siècle et périr lorsqu’elle affirma que « Gargantua n’est pas un personnage, mais juste le latin pour « gorge profonde« .
Telle une Jack l’Éventreur de la littérature, Flore-Adélaïde avait planté en mon coeur d’étudiante en lettres un froid coup de poignard. Depuis, hantée par la perspective que ce surréaliste dialogue ne se reproduise, je me suis muée en la plus ardente des prêcheuses, et j’envisage de créer une secte où l’on s’exprimerait uniquement au passé antérieur et au plus-que-parfait en se prosternant devant des portraits géants d’Honoré d’Urfé. (Intéressés potentiels, contactez la rédaction).
En attendant, mes bien chères soeurs, mes bien chers frères, voici donc, pour la sauvegarde de la langue française, de l’humanité et du baccalauréat, une liste non-exhaustive des figures de style les plus usitées.
>> L’Allégorie est la figuration d’une abstraction (exemples : l’Amour, la Mort) par une image, un tableau, souvent par un être vivant.
Exemple concret (et pertinent) d’une allégorie de la mort : les motifs présents sur les t-shirts « ze Kooples », représentant des têtes de mort faites de sequins et de brillants censés indiquer que leur propriétaire est un poète-maudit-mais-fashion-glam. Dans une certaine mesure, certains épisodes de « C’est ma vie » le sont aussi. Si, si.
>> L’Anaphore est un procédé qui consiste à commencer les différentes parties d’une phrase par le même mot.
Exemple concret ( et pertinent ) :
Sainte-Verge, l’unique objet de mon ressentiment ! Sainte-Verge, à qui vient ton bras d’immoler mon amant ! Sainte-Verge, qui t’a vu naître, et que ton cœur adore ! Sainte-Verge enfin que je hais parce qu’elle t’honore !*
>> L’Antiphrase est un procédé qui consiste à exprimer une idée par son contraire : ainsi, c’est un des grands vecteurs de l’ironie.
Exemple concret ( et pertinent ) : « Ce legging en lycra fuschia est d’un goût exquis ! Il s’accorde à merveille avec ton poncho en poils de yack. »
>> L’Antonomase est une figure par laquelle on remplace un nom commun par un nom propre, et vice et versa.
Exemple concret (et pertinent ) : « Cet homme est un vrai DSK » = Cet individu est un coureur de jupons impénitent. Ce politique qui ne sait pas aligner trois phrases de son cru sans commettre une immonde faute de français = « C’est un ersatz de Ribéry** ».
>> La Brachylogie est une variante brève de l’ellipse.
Exemple concret (et pertinent) : si Gudule-Marie résume à son arrière-grand-mère sa soirée « LSD-Johnny Hallyday-orgie romaine » par « On a écouté de la musique baroque puis l’on s’est gentiment couchés« , elle se rend coupable d’un vilain mensonge doublé d’une brachylogie caractérisée.
>> Le Calembour est un jeu de mots fondé sur l’homonymie ou l’homophonie.
Exemple concret (et pertinent ) : durant mes jeunes et folles années de lycée, mon pseudo facebrother était « Anne-So d’Heaumyie ». Un jeune homme manquant quelque peu de second degré m’affirma un jour que je devais être très fière d’appartenir à « une si grande famille de la vieille noblesse de cape et d’épée française, les d’Heaumyie« . On n’arrête pas le progrès.
>> L’Ellipse consiste à omettre volontairement certains éléments logiquement nécessaires à la compréhension du texte. En narratologie, l’ellipse passe sous silence des événements, ce qui accélère considérablement la narration.
Exemple concret (et pertinent ) : On ne dira pas « Jean-Kévin a allumé son ordinateur, regardé M6 en replay, trollé six forums différents en l’espace d’une heure, alimenté son Skyblog de moult « bogoss« , « lol » et « mdr » en se curant l’appendice nasal« , mais « Jean-Kévin a passé un après-midi ordinaire« .
>> L’Epanorthose est une figure de style qui consiste à corriger une affirmation jugée trop faible en y ajoutant une expression plus frappante et énergique.
Exemple concret (et pertinent ) : « C’est une gueuse ! C’est une manante… C’est une sotte ! Que dis-je, une sotte… C’est une Paris Hilton ! »
>> L’Euphémisme est une figure très connue qui consiste à remplacer une expression littérale (idée désagréable, triste) par une forme atténuée, adoucie.
Exemple concret (et pertinent ) : « Jean-Kévin a eu un zéro en dissertation de français » = « Jean-Kévin n’a, à l’occasion de sa dissertation de français, pas particulièrement brillé par l’étendue de ses connaissances linguistiques et littéraires« .
>> L’Hyperbole met en relief une idée au moyen d’une exagération grossière.
Exemples concrets (et pertinents )
: « Je tuerais pour un autographe de Justin Bieber« , « Je donnerais un bras pour que Philippe Poutou me fasse un baisemain » ou encore « Je vais me faire tronçonner si je rentre après minuit« .
>> La Litote consiste à dire moins pour suggérer davantage.
Exemple concret (et pertinent ) : « Adrien Brody n’est pas laid« , « Enstein n’était pas bête« , « André Rieu est le plus grand de tous les violonistes« . ***
>> La Métaphore est une figure de style fondée sur l’analogie, la substitution ou la comparaison.
Exemple concret (et pertinent ) : Est-il besoin d’exemples pour la métaphore ? Le rap français en use et en abuse. Prenons par exemple le mignon et lettré Booba, qui ne cesse d’y avoir recours : « Pour l’instant je suis violet comme un billet de 500 » (Foetus), « J’peux finir au tar-mi comme le célèbre Cheb Mami » (Garcimore) sont des métaphores comparatives.
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xfeopj_spartacus-huitres-et-ou-escargots_shortfilms[/dailymotion]
Ci-dessus : un exemple de métaphore in praesentia
>>L’Oxymore fait coexister deux termes de sens opposés au sein d’un même syntagme.
Exemple concret (et pertinent ) : les vers du Cid, « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles« , sont l’exemple-type de l’oxymore. Nous pouvons également dire qu’un couple dépareillé, à l’instar de Laurel et Hardy, est un oxymore visuel.
>> Le Paraclausithyron, littéralement « poème à une porte close« , est une situation littéraire que l’on retrouve de manière récurrente dans la poésie antique : l’amoureux, après une nuit d’ardeurs et de folie, trouve la porte de sa maison fermée par sa femme, vexée de son absence. Il adresse donc une ultime supplique au trou de la serrure afin de pouvoir rentrer.
Exemple concret (et pertinent ) : L’excellente chanson de Claude Nougaro, « Je suis sous« , est un paraclausithyron moderne.
http://www.youtube.com/watch?v=8lP7D8C_7sM ****
>> La Paronomase consiste à employer côte à côte des mots dont le sens est différent, mais le son à peu près semblable.
Exemple concret (et pertinent ) : « Fonce Alphonse« , « Tu parles Charles« , ou encore « Cool Raoul » sont des paronomases.
>> La Prétérition prétend passer sous silence quelque chose dont elle parle néanmoins.
Exemple concret (et pertinent ) : « Je ne veux pas DU TOUT dire que Lana del Rey a une tête de commutateur électrique, la moue d’un Télétubby constipé et le regard d’un bovin castré, mais tout de même, elle pourrait faire quelques efforts ».
>> La Prolepse est un procédé rhétorique qui consiste à exprimer une idée prématurément afin de réfuter, par anticipation, une objection éventuelle.
Exemple concret (et pertinent ) : « Je sais que tu vas me dire qu’abandonner mes études de médecine pour élever des chèvres en Aveyron n’est pas très raisonnable, mais j’ai consulté mon horoscope, et il dit qu’un « changement positif va venir chambouler ma routine« . Alors, maman, heureuse ? »
*Dans le texte original (Horace de Corneille, acte IV scène 6), « Sainte-Verge » est à remplacer par « Rome« . Par ailleurs, j’attire votre attention sur l’existence réelle du pittoresque village au doux toponyme.
** Toute ressemblance avec une personne gouvernante ou ayant gouverné serait purement fortuite.
*** Une antiphrase se cache parmi ces trois propositions, saurez-vous la démasquer ?
**** Certes, le Paraclausithyron n’est pas une figure de style, mais un genre littéraire à part entière. Cependant, étant donné que je cherche à le caser dans un article depuis les années 2000, et que même mon correcteur orthographique ne le reconnaît pas, on admettra que cet erreur n’existe que pour le bien des Arts et de la Culture.
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