Avant-hier, j’ai applaudi à la fin d’un film. Et pour une fois, ça avait un sens.
C’est vrai, quoi, il faut bien le dire : habituellement, cette démarche est infondée. Qui entend les petits hommages que nous rendons, nous, spectateurs, à la fin d’une projection ? Les employés du cinéma ? Ça leur fait de belles jambes, ils savent bien que cela ne leur est pas adressé. D’ailleurs, pour qui applaudissons-nous ? Pourquoi applaudissons-nous ?
Les réponses sont simples.
Pourquoi ? D’abord, parce que le contexte s’y prête. Les salles de cinéma sont des endroits sympas pour les démonstrations spontanées. Il fait noir, on est entouré d’inconnus et, si le film n’était pas mauvais, l’émotion est latente, presque palpable. Ainsi, on se dévoile mais on ne prend quand-même pas bien de risque. Ensuite et surtout, parce qu’un couillon a décidé d’applaudir et qu’on se sentirait mal de le laisser tout seul.
Pour qui ? Pour nous. La fin d’un film, c’est le moment où le spectateur reprend conscience d’être lui-même sans avoir quitté l’univers qui lui a été offert. Il a l’impression d’en faire partie… et c’est ce que font les gens dans les films, non ? Rendre des hommages, montrer leur gratitude, partager leurs émotions, agir à l’unisson. Applaudir à la fin d’un film permet de prolonger la sensation fugace que ce film était réel et que nous y prenions part.
Tarantino, honoré au Festival Lumière
Là, c’était différent. En même temps, on n’a pas applaudi qu’à la fin du film. On a applaudi avant. Et pendant. Pourtant, tout le monde avait déjà vu le film une, deux, trois fois, peut-être plus. On savait ce qui allait se passer, le son n’était pas vraiment bon et je suis convaincue ne pas avoir été la seule à gigoter sur mon siège en bois.
N’empêche, malgré ça, j’ai applaudi, cela avait un sens et ce sens avait un nom : Quentin Tarantino.
Il était dimanche soir à la Halle Tony Garnier, lors de la séance de clôture du Festival Lumière. Après avoir consacré Clint Eastwood, Milos Forman, Gérard Depardieu et Ken Loach, cette cinquième édition mettait à l’honneur Quentin Tarantino, réalisateur des Kill Bill
, de Reservoir Dogs et d’autres perles du cinéma américain.
Toute la semaine, ses réalisations étaient projetées dans les salles du Grand Lyon, ainsi que quelques films de son choix. Jeudi, par exemple, il avait présenté Hitler, Dead or alive, un film de 1942 qui l’avait inspiré pour Inglorious Basterds.
Un prix pour sa carrière ET son amour du cinéma
Si d’autres artistes étaient également à l’affiche (Jean-Paul Belmondo, Pierre Richard, Hayao Miyazaki, Françoise Fabian), le point culminant de la semaine fut la remise du Prix Lumière 2013, à un Quentin Tarantino ému aux larmes, par d’Uma Thurman.
Ce prix, ainsi que l’ont rappelé hier Thierry Frémaux, directeur général du Festival Lumière, et Bertrand Tavernier, président de l’Institut Lumière, récompense à la fois la carrière et la cinéphilie.
Qu’ils soient cinéphiles ou pas, dimanche, les quelques 4600 chanceux de la Halle Tony Garnier (les places ont été vendues en moins de deux heures !) ont eu le privilège de voir Quentin Tarantino, flanqué de Tim Roth et d’Harvey Keitel, présenter Pulp Fiction. Avouez que niveau chauffeurs de salle, on a vu pire. Puis ils sont retournés à leurs places, les lumières se sont éteintes, le film a commencé, les applaudissements ont continué et ils avaient du sens*.
* Oui, ils avaient du sens même si on nous a avoué, après coup, que Quentin Tarantino n’était pas resté pour la projection. Parce qu’il aurait été « fatigué » et « trop ému » et qu’il avait envie de manger « Le Big mac ». Avouez tout de même que ç’aurait été dommage de venir à Lyon et ne pas profiter de la gastronomie locale.
Les Commentaires
Il y avait quelque chose de très humain et très touchant.
Et puis si le prix Lumière doit être le prix Nobel du cinéma, alors c'est pour moi évident que Tarantino le reçoive, en tant que grand cinéphile et grand cinéaste.
Mon seul regret est de n'avoir pas réussi à le voir à la Plateforme, j'y étais quand il n'y étais pas, et je voulais tellement lui parler et lui dire combien j'aime son cinéma...
En tous cas, merci à lui et merci au Festival Lumière.