Mise à jour du 31 juillet 2018
Article initialement publié le 24 juillet 2018
Il y a quelques temps,
Manon Bril de la chaîne YouTube C’est une autre histoire a glissé dans mes DM.
Coucou Marie ! Avec Théo de la chaîne Balade Mentale, on comparait l’audience de nos chaînes et on se demandait pourquoi nos vidéos de vulgarisation étaient peu regardées par des meufs.
Théo a renchéri :
Après avoir jeté un énième coup d’œil aux statistiques de ma chaîne, le constat est sans appel : les femmes ne représentent que 12 % de mon audience.
Manon s’en sort moins mal mais même dans son cas on est loin de la parité puisqu’elle n’a que 37% de femmes dans son public.
Petite précision si tu n’es pas familier·e du terme : vulgariser, c’est diffuser des connaissances auprès d’un public non-expert.
Manon et Ben de Nota Bene expliquent très bien les enjeux de la vulgarisation dans cette vidéo.
De mon côté, depuis deux ans, j’ai le nez dans les chaînes YouTube des femmes avec les Internettes.
Et si je faisais bien jusque là le constat qu’elles n’étaient pas nombreuses à parler de sciences, de physique, d’Histoire, d’art, de linguistique, de philo ou de maths sur YouTube…
Je ne me doutais pas qu’en plus, les visionneuses n’étaient potentiellement pas intéressées par ces thématiques.
À tel point que même lorsqu’une femme présente le programme, les visionneuses ne s’y abonneraient pas. Sur YouTube, les femmes représentent pourtant 52% de l’audience.
Quelques statistiques des vulgarisateurs et vulgarisatrices sur YouTube
Intrigués, Théo et Manon ont collecté les statistiques d’audience de leurs consœurs et confrères et le résultat est surprenant. Attention, ces chiffres sont approximatifs car ils évoluent d’un mois à l’autre et ils ont été relevés en mai.
- Les vidéos de Bruce de e-penser touchent seulement 11% de femmes.
- Celles de Théo de Balade Mentale et de Viviane de Scilabus, 12%.
- Celles de Ben de Nota Bene, de Léo de DirtyBiology, de François du Fossoyeur de Films, 18%.
- Celles de DanyCaligula, 19%.
- Celles de Romain de Linguisticae, 20%.
- Celles de Julien de Dans ton corps, 22%.
- Celles de Clotilde de Passé Sauvage, 29%.
- Celles de Manon de C’est une autre histoire, 37%.
En comparaison, les vidéos de madmoiZelle, Glamouze et Fannyfique réunissent respectivement 59%, 44% et 90% de femmes.
Théo et Manon ne manquent pas d’hypothèses pour expliquer cette désertion de tout ce qui touche de près ou de loin à la culture scientifique sur YouTube.
Peut-être que les femmes déclarent être de sexe masculin sur YouTube ?
Selon les statistiques les plus récentes, 52% des personnes utilisant YouTube sont des femmes. Le déclaratif semble donc être proche de la réalité de la population !
Peut-être que les femmes n’aiment pas que des hommes leur « donnent des leçons » ?
Mais alors comment expliquer que les chaînes Scilabus (sciences), Passé Sauvage (archéologie et anthropologie) et C’est une autre histoire (Histoire) réunissent seulement 12, 29 et 37% d’audience féminine ?
Peut-être que les femmes aiment moins les sciences dures ?
Dans ce cas, pourquoi ne les retrouve-t-on pas dans le public de chaînes traitant des sciences humaines comme Linguisticae (sciences du langage) ou Le Fossoyeur de Films (cinéma) qui comptabilisent respectivement 20% et 18% de femmes ?
Alors que les femmes représentent la majorité dans les études supérieures en rapport avec ces thématiques, elles ne semblent pas s’abonner aux créateurs et créatrices qui les traitent.
Peut-être que l’algorithme de YouTube les enferme dans des catégories de vidéos en fonction de leur genre ?
Là, on tient sans doute un début d’explication.
Sur Internet, le phénomène de bulles de filtrage est de plus en plus mis en lumière.
Lorsque Facebook, Twitter, Instagram, Netflix, Google ou YouTube analysent nos données de navigation, ils les réutilisent pour nous orienter vers des contenus plus adaptés à nos goûts.
C’est souvent de ce phénomène que l’on parle lorsque l’on dénonce les travers de « l’algorithme ».
Alors qu’en 2017, seulement 16% de femmes occupaient des postes techniques dans la Silicon Valley, on pouvait en effet se demander si ce robot ne reproduisait pas les inégalités de genres dans notre société.
La muscu et les sciences pour les mecs, la beauté et la cuisine pour les meufs, en résumé…
Pire : je regardais récemment une vidéo avec le compte YouTube des Internettes, genré au féminin et abonné exclusivement à des chaînes de femmes, et voilà ce qui m’avait été recommandé.
https://twitter.com/mariecamiert/status/1000025830570029057
Mais c’est la théorie de Manon et Théo qui m’a fait le plus froid dans le dos.
« Peut-être qu’elles n’ont pas envie de savoir, que ça les gonfle »
Blanc.
Théo me raconte :
C’est un argument imparable, on ne peut pas l’écarter. Ce point de vue, c’est déjà celui de mon père — qui n’est pourtant pas une femme jusqu’à preuve du contraire.
Je le revois me dire que l’astro, la bio, la socio, tout ça quoi, ça ne l’intéresse pas. Pire : il s’en fout. Le ressenti ne se discute pas.
Pourquoi les meufs auraient-elles moins soif d’apprendre alors qu’elles sont nombreuses à expérimenter le syndrome de la bonne élève, alors qu’elles obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les mecs, alors qu’elles font des études plus longues ?
Comme nous faisions face à ces questions sans toucher du doigt la réponse, j’ai proposé à Théo et Manon de te la poser sur madmoiZelle.
Viens témoigner dans le questionnaire et dans les commentaires, viens nous dire si tu aimes apprendre des choses sur YouTube, quelles sont tes chaînes préférées, si tu y es abonnée ou simple spectatrice.
Écris-nous ce que tu aimes ou n’aimes pas, si tu préfères apprendre avec des présentatrices ou des présentateurs.
Bref, aide-nous à démêler le nœud et nous en ferons ensuite le bilan ensemble !
À lire aussi : Cinq chaînes YouTube à découvrir pour se réconcilier avec les sciences #2
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Voici les résultats de mon enquête :
Qu’est-ce qui empêche les femmes d’aimer les sciences sur YouTube ?
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