Les livres scolaires ne parlent pas des gens qui me ressemblent. Les programmes scolaires ne parlent pas des femmes noires comme moi. Au collège ou au lycée, je n’ai pas le souvenir d’avoir étudié la vie d’un.e noir.e qui avait marqué l’histoire ou d’avoir étudié le texte d’un.e auteur.e noir.e et talentueu.x.se. Plus jeune, j’étais donc persuadée qu’il n’existait pas vraiment de noir.e.s qui avaient marqué l’histoire ou de noir.es assez intelligent.es pour qu’on étudie son œuvre.
J’ai ensuite découvert des écrivains noirs comme Aimé Cesaire, Frantz Fanon ou Léopold Sédar Senghor et je me suis intéressée aux parcours incroyables de figures et de leaders tel que Nelson Mandela. Je me suis alors rendue compte que des gens qui me ressemblaient avaient aussi marqué l’histoire.
Toutefois, une question me trottait dans la tête : ou étaient les FEMMES qui me ressemblaient ? Encore une fois, je réalisais à quel point être femme et être noire pouvait rendre un individu doublement invisible dans les médias et dans les récits historiques.
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Rosa Parks, la femme qui s’est assise pour que les noirs puissent se lever
Lorsque j’étais petite, j’entendais souvent le nom de Rosa Parks sans vraiment savoir qui elle était. Cette femme noire est la figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux Etats-unis, pour avoir refusé de céder sa place à un blanc dans un autobus à Montgomery en Alabama.
Elle marqua l’histoire le 1er décembre 1955, lorsqu’elle refusa d’obéir à un chauffeur de bus qui lui demanda d’aller s’asseoir au fond du véhicule, qui était à l’époque, la place réservée aux noirs-américains. À l’époque de la ségrégation, il y avait des places assignées aux blancs et des places attribuées aux noirs, tout comme les restaurants, les parcs ou les bars.
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Les bus de Montgomery ne dérogeaient pas à cette loi alors que la population de la ville était composée en majorité de noirs. Elle n’était pas la première à se rebeller contre ce système ségrégationniste qui obligeait les noirs à quitter le bus s’il n’y avait pas assez de place dans le fond : avant elle, d’autres noirs s’étaient plaints ou avait violé la loi.
L’actrice Angela Bassett dans le biopic The Rosa Parks story, sur la vie de rosa Parks
Pour son geste, Rosa Parks, couturière de 42 ans sera alors arrêté et inculpée pour désordre à l’ordre publique. A la suite de ces événements, l’activiste Martin Luther King, alors méconnu du grand public, et cinquante leaders de la communauté noire des Etats-unis, lanceront une campagne de soutien et inviteront la population à boycotter les bus de Montgomery pendant plus d’un an.
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Ensemble ils créeront la Montgomery Improvement Association, à la base du mouvement de non violence et de désobéissance civile ayant trois revendications :
- Que les blancs et les noirs puissent s’asseoir où ils veulent dans l’autobus
- Que les chauffeurs soient plus courtois à l’égard de toutes les personnes
- Que des chauffeurs noirs soient engagés.
Sous la pression des manifestations et des boycotts, le 13 novembre 1956, la cour suprême des Etats-unis statuera que la ségrégation dans le bus est anticonstitutionnelle. Quelques jours plus tard, les boycotts des bus cesseront à Montgomery.
Rosa Parks sera active dans la lutte pour les droits civiques jusqu’à sa mort, en 2005. Elle est pour moi un exemple de courage qui pousse à croire au changement, et m’a prouvé que l’évolution d’une société raciste était possible.
Angela Davis, la militante pour le black-feminism
Angela Davis est l’une des femmes que j’admire le plus au monde.
Elle se battra toute sa vie pour les droits des femmes et ceux des noirs aux États-Unis, et elle sera une des pionnières dans le combat black-féministe qui trouve son équivalent français dans l’afro-féminisme.
Ancienne membre des Black Panthers, collectif militant pour les droits des noirs dans les années 1970, elle fut arrêtée et recherchée par le FBI à à plusieurs reprises à cause des actions du parti qui se rebellait contre les arrestations répétées des noirs et les violences perpétrées contre la population afro-américaine.
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Elle poursuivit ensuite une carrière universitaire pour finalement devenir directrice du département d’études féministes de l’université de Californie.
Les Black Panthers menaient des actions radicales contre un système qui oppressait les noirs et les brutalisait. Elle a eu le courage d’évoluer dans ce milieu presque exclusivement masculin et a réussi l’exploit d’en devenir l’une des leaders. Elle parlait à voix haute à une époque ou personne ne voulait écouter les femmes, et où les revendications des noirs n’étaient pas entendues.
Dans une interview de 1972, Angela Davis racontait le quotidien des noirs et s’étonnait que le journaliste l’interroge sur la violence des Black Panthers, qui n’était qu’une réponse aux agressions subies quotidiennement par les personnes noires aux Etats-Unis.
Elle fera son coming out en 1998, en faisant la couverture du magazine Out, et deviendra un symbole auprès de la communauté homosexuelle qui a salué son courage d’être qui elle voulait être dans une société où les femmes, les noir.es et les homosexuel.les sont victimes de discriminations.
Maya Angelou, celle qui jouait avec les mots
Si vous avez déjà lu les poèmes et les livres de Maya Angelou, vous comprendrez pourquoi je lui voue un amour infini. Écrivaine de métier, elle est aussi une militante de mouvement américain pour les droits civiques. Elle rencontrera Malcolm X, célèbre militant pour les droits afro américains et perpétuera son action après sa mort.
Maya Angelou est souvent citée par les personnalités telle que la présentatrice et journaliste Oprah Winfrey et aura l’opportunité de lire son poème On the Pulse of morning (sur le pouls du matin) lors du discours inaugural de Bill Clinton. Dans son poème Still I rise (Pourtant je m’élève), l’écrivaine raconte ses combats en tant que femme noire luttant contre les discriminations quotidiennes :
Vous pouvez me rabaisser pour l’histoire Avec vos mensonges amers et tordus, Vous pouvez me traîner dans la boue Mais comme la poussière, je m’élève pourtant,
Mon insolence vous met-elle en colère? Pourquoi vous drapez-vous de tristesse De me voir marcher comme si j’avais des puits De pétrole pompant dans ma salle à manger?
Comme de simples lunes et de simples soleils, Avec la certitude des marées Comme de simples espoirs jaillissants, Je m’élève pourtant.
Voulez-vous me voir brisée? La tête et les yeux baissés? Les épaules tombantes comme des larmes. Affaiblie par mes pleurs émouvants.
Es-ce mon dédain qui vous blesse? Ne prenez-vous pas affreusement mal De me voir rire comme si j’avais des mines d’or creusant dans mon potager?
Vous pouvez m’abattre de vos paroles, Me découper avec vos yeux, Me tuer de toute votre haine, Mais comme l’air, je m’élève pourtant.
Ma sensualité vous met-elle en colère? Cela vous surprend-il vraiment De me voir danser comme si j’avais des Diamants, à la jointure de mes cuisses?
Hors des cabanes honteuses de l’histoire Je m’élève Surgissant d’un passé enraciné de douleur Je m’élève Je suis un océan noir, bondissant et large, Jaillissant et gonflant je tiens dans la marée. En laissant derrière moi des nuits de terreur et de peur Je m’élève Vers une aube merveilleusement claire Je m’élève Emportant les présents que mes ancêtres m’ont donnés, Je suis le rêve et l’espérance de l’esclave. Je m’élève Je m’élève Je m’élève
Maya Angelou sera connue pour ses prises de position et ses textes féministes. Elle est décédée en 2014, en laissant derrière elle des textes et des poèmes devenus légendaires.
Wangari Maathai, la femme des arbres
Wangari Muta Maathai fut la première femme africaine à recevoir le prix Nobel de la paix pour son militantisme politique et écologique. D’origine kényane, elle a grandi dans un village où les petites filles étaient rarement scolarisées, mais la détermination de ses parents lui a permis de faire des études. Elle deviendra ainsi la première femme d’Afrique de l’est à obtenir une licence de biologie au Mount Saint Scholastica College à Atchison, dans le Kansas.
Dans les années 1970, sa carrière s’accélère. Elle décide de créer un mouvement nommé La ceinture verte qui se popularisera lorsqu’elle décidera de planter sept arbres le jour de la terre et invitera les kenyanes de tout le pays à en faire de même. Cette action aura permis de planter plus de trente millions d’arbres en seize ans, et lui aura value le surnom de « La femme des arbres ».
Wangari Muta Maathai deviendra connue dans le monde entier et respectée, lorsqu’elle décidera de s’opposer à la construction de la maison hors de prix du président kenyan à la source de la destruction de nombreux arbres. Toute sa vie, elle sera activiste pour la protection de l’environnement et fut emprisonnée à de nombreuses reprises à cause de son action.
Cette femme m’impressionne réellement pour ses convictions et la manière dont elle a tenu tête au gouvernement de son pays en défendant les valeurs humaines et morales auxquelles elle croit. Grâce à son parcours impressionnant, elle accédera au parlement kenyan en 2002. À partir de 2009 et jusqu’à sa mort en 2011, elle fut conseillère honoraire au conseil pour l’avenir du monde.
Shonda Rhimes, réalisatrice pleine de talent
Shonda Rhimes est selon moi une des réalisatrices qui a le plus participé à la diversité télévisuelle américaine. Réalisatrice des séries Grey’s Anatomy et productrice de la série How to get away with murder, elle est la créatrice de séries riches en diversité et en mixité.
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Shonda Rhimes est aussi la créatrice de Scandal, première série avec une femme noire en premier rôle.
Dans l’univers des séries, il y a eu un avant et un après Shonda Rhimes. Je me souviens que la première fois que j’ai regardé Grey’s Anatomy, j’ai été étonnée et émerveillée, parce qu’elle était réellement la première série à mettre en scène des couples mixtes sans pointer du doigt le fait qu’ils étaient de couleurs différentes.
Elle recevra d’ailleurs une récompense pour la diversité de ses séries ainsi que de nombreux autre prix pour la qualité de ses productions et réalisations ou le talent des acteurs qu’elle met en scène.
Grâce à Shonda Rhimes, j’ai découvert des séries avec des noirs qui n’étaient pas enfermés dans des rôles clichés de délinquants ou de pauvres. J’ai enfin pu découvrir un monde réaliste, dans lequel les noirs existent et ne sont pas invisibles…
Et vous, quelles sont les héroïnes qui vous ont redonné confiance en vous ?
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