– Article rédigé à huit mains par Flo, Laura Minelli, Myriam H. et Sophie-Pierre Pernaut.
La contraception
L’accès aux moyens de contraception est très inégal selon les régions du monde. Le manque cruel d’informations et de politique préventive est un véritable fléau : pour diverses raisons, le sujet n’est pas ou peu abordé à l’école ou dans les établissements de santé, souvent à cause du tabou qui plane sur la sexualité en général (Asie, pays d’Afrique) et sur celle des femmes en particulier. Parfois, cela mène à une véritable désinformation. En Russie, les femmes ne sont absolument pas renseignées sur la question et pour elle, l’avortement est devenu un véritable moyen de contraception. Dans cet article, une gynécologue explique qu’une brochure expliquant les moyens de contraception n’est distribuée qu’après le premier avortement…
En conséquence, dans certains pays (Amérique du sud, Afrique), les femmes s’en remettent à l’influence et aux « connaissances » des hommes, ce qui mène souvent à la non-utilisation de contraceptifs, à des grossesses indésirées (21 millions par an en Afrique) et à la propagation du virus du SIDA dans les pays où le manque de moyens sanitaires est catastrophique. En Afrique, seules 25% des femmes ont un petit accès à la contraception : malgré quelques services de planification familiale mis en place, le financement de ce genre projet reste très compliqué.
Le poids de la religion joue aussi un rôle dans la prise ou non de contraceptifs : dans des pays très catholiques d’Europe de l’Est ou certains états des USA, on demande aux femmes de ne pas se servir de moyens de contraception modernes. En effet, selon l’Église Catholique, la pilule ou le préservatif sont les outils d’un plaisir pur, et ferment la porte au processus de procréation voulu par Dieu. Elles utilisent alors des méthodes dites « naturelles » comme l’abstinence pendant les périodes d’ovulation ou la technique du retrait avant éjaculation. Cette dernière méthode est bien évidemment à risque, puisqu’un mauvais timing peut suffire pour tomber enceinte.
Parmi les bons élèves en matière de contraception, les Pays-Bas et la France sont très bien placés : les premiers enregistrent le taux d’avortement le plus bas en Europe grâce à un accès aux moyens de contraception impeccable ; quant à notre cher pays, dès les années 70, des lois autorisent la vente de contraceptifs (1967, loi Neuwirth), le remboursement de la pilule ainsi que l’anonymat des mineures (1972, loi Veil). Malgré le tabou sur la sexualité qui règne en Chine, l’accès à la contraception est étonnamment bon avec des résultats encourageants : préservatifs gratuits, pilule et pilule du lendemain disponibles en pharmacie sans consultation préalable d’un médecin (cet accès si facile à une pilule contraceptive peut néanmoins poser quelques questions d’ordre médical).
Les États-Unis et le Brésil connaissent quant à eux des changements notables depuis quelques temps : Barack Obama préconise le remboursement intégral des contraceptifs (d’ici 2014) et leur présence obligatoire dans les assurances maladies délivrées aux employés par leur patron. Au Brésil, avant son départ de la présidence en 2011, Lula Da Silva avait lancé une grande campagne visant à baisser de près de 90% le prix des contraceptifs et la distribution gratuite de boîtes de pilules. Dans ces deux cas, les autorités se heurtent aux conservateurs et aux Catholiques.
L’IVG
En 2003, on estimait à 42 millions le nombre d’IVG effectuées dans le monde. Les politiques en la matière peuvent grosso modo se diviser en 5 catégories :
- Les pays où l’avortement est légal et se fait à la demande de la mère, comme la France ou le Canada
- Les pays où l’avortement est autorisé en cas de viol, pour raisons de santé ou en cas de difficulté socio-économiques (Royaume-Uni, Australie…)
- Ceux où l’avortement est autorisé en cas de viol, d’inceste, ou si la santé (physique ou mentale) de la mère est menacée (Espagne*, Portugal…)
- Ceux où l’avortement est illégal et autorisé en cas de viol ou s’il permet de sauver la vie de la mère (Mexique, Brésil…)
- Les pays où l’avortement est illégal et autorisé uniquement si la vie de la mère est en danger (Irlande, Pérou…)
Source : Monde-diplomatique.fr
>> La politique du « mieux vaut prévenir que guérir, mais quitte à guérir autant le faire proprement » : les Pays-Bas
Aux Pays-Bas, il est possible d’avorter jusqu’à la 22ème semaine de grossesse (parfois 24). La loi réglemente principalement le processus de décision : il faut s’assurer que la décision de ces femmes a été mûrement réfléchie et qu’elles n’ont pas subi de pressions ou de contraintes extérieures. De ce fait, une période de 5 jours est nécessaire entre le premier rendez-vous et la pratique de l’avortement*. En outre, les centres pratiquant l’IVG doivent répondre à des exigences de qualité et de qualifications. Ajoutons qu’aux Pays-Bas, contraception et prévention jouent un rôle primordial : la contraception et les moyens contraceptifs sont remboursés par la Sécurité Sociale et l’éducation sexuelle est inscrite dans le programme scolaire. Résultat ? Le pays est un de ceux qui comptent le moins d’avortements dans le monde.
*Sauf pour les ressortissantes étrangères qui viennent se faire avorter aux Pays-Bas.
Source : l’ONU et MondeDiplomatique.fr
>> Les politiques les plus conservatrices : les États-Unis (oui mais pas partout)
Le cas des zétazuni est tout à fait particulier. L’article 4 de la Convention américaine des Droits de l’Homme stipule que « toute personne a droit au respect de sa vie. Ce droit doit être protégé par la loi, et en général à partir de la conception. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie« . Cet article peut donc être interprété comme étant anti-avortement. Pourtant, depuis l’arrêté Roe v. Wade rendu en 1973 par la Cour Suprême américaine, l’avortement est reconnu comme un droit constitutionnel et invalide de ce fait toute loi anti-avortement.
La guerre médiatique et politique qui oppose les pro-life aux pro-choice prend de plus en plus d’ampleur aux États-Unis depuis quelques années, et ça commence à sentir le roussi au pays des donuts. Ce passionnant article de Rue89 nous apprend que 14 États conservateurs ont réussi à rendre l’avortement quasiment impossible en faisant pression sur la population et en fermant des centres pratiquant l’IVG. De plus, il recense quelques-uns des projets de loi restrictifs en matière de contraception et d’avortement lancés par pas moins de 29 états. On y apprend ainsi sous la plume d’Armelle Vincent qu’en Indiana, une loi pourrait voir le jour et forcer les médecins à « informer » leurs patientes qu’un avortement pourrait leur provoquer un cancer du sein ou qu’en Arizona, les spécialistes ont le droit de garder le silence sur les anomalies congénitales du fœtus (pour ne pas « motiver » les femmes à avorter). Autre exemple ravissant : le Protect Life Act, une mesure proposant, entre autres, de permettre aux hôpitaux de refuser l’avortement, même s’il représente la seule façon de sauver la vie d’une femme enceinte (je te laisse réfléchir deux secondes au paradoxe entre l’intitulé de cet article et ce qu’il propose et on se retrouve juste après).
>> L’Afrique : un continent divisé sur la question
Dans une grosse partie du continent africain, l’avortement est illégal et n’est autorisé que s’il permet de sauver la vie de la mère (pas la santé : la vie). Ajoutons tout de même que le Protocole de Maputo sur le droit de la femme en Afrique a été adopté en 2003 dans le cadre de l’Union Africaine et qu’il préconise (entre bien d’autres choses) que « les États prennent toutes les mesures appropriées pour […] protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en légalisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère et du fœtus« . Ce protocole, datant de 2005, a actuellement été signé par 49 pays de l’Union Africaine et ratifié par 31 d’entre eux. Reste à savoir si des réformes verront réellement le jour.
Avortement clandestin et risques pour les femmes
Le principal problème des politiques restrictives en matière d’IVG, c’est que les femmes se retrouvent parfois forcées de se tourner vers l’avortement clandestin. D’ailleurs, quand on regarde les chiffres proposés par une étude de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et du Guttmacher Institute, on remarque que le taux mondial d’avortement a baissé entre 1995 et 2008, passant de 35 à 29 IVG pour 1000 femmes en âge de se reproduire. En revanche, toujours selon cette même étude, les avortements non médicalisés tendent à progresser : sur 100 avortements, 44 étaient non médicalisés en 1995. Ils étaient 48 en 2008.
L’avortement clandestin ou non médicalisé peut être extrêmement dangereux pour la santé de la femme, puisqu’ils présente des risques allant de la simple infection à la mort. En 2008, toujours selon l’OMS, les avortements non médicalisés ont causé 220 décès sur 100.000 actes, presque exclusivement dans les pays en développement.
La maternité
La mortalité maternelle est le fait pour une femme de mourir pendant sa grossesse ou pendant l’accouchement. Dans les PED (Pays En Développement), c’est la première cause de mortalité et d’infirmité des femmes en âge de procréer alors que beaucoup de décès maternels pourraient être évités avec un suivi médical minimal pendant la maternité. D’après les estimations, 1000 femmes meurent tous les jours en couche, dont 90% dans des PED, et tous les ans 15 millions de femmes ont une santé durablement détériorée à cause de leur grossesse. Quant aux bébés, on évalue qu’un bébé angolais de moins d’un an a 53 fois plus de risques de mourir qu’un enfant français du même âge.
La mortalité maternelle afflige principalement les femmes très jeunes ou trop âgées des pays peu développés où elles ne peuvent pas bénéficier d’un repos nécessaire et de soins adaptés à leur état. Les risques augmentent lorsque la femme a déjà eu plusieurs enfants et qu’elle vit dans un pays où la discrimination à l’égard des femmes est importante. Les décès sont principalement dus à des hémorragies ou infections pendant ou suivant l’accouchement.
La contraception et l’IVG sont des facteurs de réduction de cette mortalité puisqu’elles donnent la possibilité aux femmes d’éviter les grossesses à risque et sont souvent accompagnées d’efforts d’éducation sexuelle.
L’amélioration de la santé maternelle était l’un des Objectifs du Millénaire déterminés par les Nations Unis en l’an 2000. Le but de la communauté internationale est simple : réduire de 75% la mortalité maternelle entre 1990 et 2015. Si l’objectif ne sera pas atteint en 2015, on constate pourtant quelques progrès, notamment en Asie avec une baisse de 53% de la mortalité maternelle, alors que l’Afrique subsaharienne n’a connue qu’une baisse de 26%. Dans cette région, seules 2 naissances sur 5 sont assistées par une sage-femme. Au Niger, une femme a une chance sur sept de mourir à cause de complications suite à une grossesse, et le taux de fécondité dans ce pays est de 7,5 enfants par femme. En Afrique Centrale, le vocabulaire utilisé pour désigner une grossesse est traduisible par « maladie » et « être entre la vie et la mort ».
L’excision
L’excision fait partie de la catégorie, plus large, des « Mutilations Génitales Féminines » (MGF). Elle consiste en l’ablation du clitoris, et parfois des petites lèvres, voire de la suture des grandes lèvres, censée préserver la virginité des victimes. Je sais, c’est pas très rigolo.
Cette mutilation, illégale dans la plupart des pays du monde, ne perdure quasiment que sur le continent africain. Wikipédia dégage trois groupes de pays concernés :
- Ceux où plus de 85% des femmes sont excisées : l’Égypte, l’Éthiopie, la Somalie, le Mali…
- Ceux où l’excision touche des fractions spécifiques de la population (ethnies, zones rurales…) : le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Sénégal…
- Ceux où l’excision est minoritaire avec moins de 25% des femmes excisées : le Bénin, le Cameroun, la République Démocratique du Congo…
La question de l’excision est extrêmement complexe et mêle croyances religieuses, coutumes ancestrales et désinformation. De plus, le caractère très privé, voire sacré, de cette mutilation, principalement perpétrée par des femmes sur des femmes, brouille les pistes : les témoignages sont rarissimes, et les ONG se heurtent fréquemment à une méfiante hostilité lorsqu’elles tentent de sensibiliser les populations sur les dangers de l’excision, souvent pratiquée dans des conditions d’hygiène déplorables (une même lame utilisée sur plusieurs filles, généralement sans anesthésie, peu ou pas de désinfection des plaies…) qui mènent parfois à la mort des victimes.
N’ayant ni le temps, ni les compétences pour traiter tous les aspects complexes de ce problème, j’ai choisi de vous parler ce cas particulier qu’est l’Égypte, seul pays arabe d’Afrique du Nord à pratiquer l’excision de façon massive (avec 91% des femmes entre 15 et 49 ans excisées).
D’après le chercheur Cheikh Anta Diop, l’excision en Égypte trouve ses racines dans la culture pharaonique. Les dieux égyptiens antiques (communs à d’autres ethnies, comme par exemple celle des Dogons au Mali) étaient androgynes, tout comme les enfants : le prépuce était l’attribut « femelle » des garçons, et le clitoris l’attribut « mâle » des filles. À la puberté, les sexes devaient se séparer clairement et on supprimait donc ce caractère androgyne en circoncisant les uns et en excisant les autres.
Parce qu’une fille non excisée est considérée comme « impure » et peine à trouver un mari, parce que la loi est floue et interdit l’excision « sauf en cas de justification médicale » (et que la pratiquer peut permettre à un médecin de tripler son salaire), parce que les exciseuses invoquent l’Islam comme couverture, parce que les Frères Musulmans, qui occupent les deux tiers du Parlement, ont déclaré être contre l’excision mais que légiférer sur le sujet n’était pas une priorité, cette mutilation continue d’être infligée.
Cependant, de plus en plus d’Égyptien(ne)s luttent contre l’excision et font entendre leur voix à travers des pétitions, des actes de sensibilisation, en allant à la rencontre du pouvoir ou des femmes, qu’elles vivent dans les banlieues du Caire ou dans les villages ruraux. Espérons que d’ici une ou deux générations, plus aucune fille ne soit mutilée au nom d’une tradition insensée.
Récapitulatif :
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