Pour sa sixième saison, le festival Séries Mania a mis à l’honneur la thématique de la place des femmes dans les séries. Du 17 au 26 avril au Forum des Images à Paris, les débats et conférences se sont enchaînés pour creuser cette piste de réflexion, et faire le point sur la situation actuelle de la représentation de la femme dans le monde des séries.
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J’ai pour ma part assisté à une table ronde professionnelle qui s’intéressait plus particulièrement à l’envers du décor du côté de chez nous : « Quelle place pour les femmes dans l’industrie des séries en France ? »
Animée par Ali Rebeihi, journaliste chez France Inter, cette table ronde réunissait Laurence Bachman (directrice générale de Barjac Production et vice-présidente de l’USPA), Charlotte Brändström (réalisatrice), Nicole Collet (productrice, Images et Compagnie), Sophie Deschamps (présidente de la SACD), Aline Marrache-Tesseraud (directrice des acquisitions étrangères chez Canal +) et Sandra Ouaiss (Newen Content).
Le place des femmes de l’autre côté de la caméra : chiffres et constats
Premier constat en arrivant : si la salle était bien remplie, elle l’était principalement de femmes. Cela n’a peut-être pas un rapport immédiat avec le sujet de la conférence, mais je tenais à rappeler en toute amitié que « La place des femmes dans l’industrie des séries » est un sujet mixte, garanti sans perte de virilité. (Attention : peut contenir des traces de féminisme.) Ceci étant dit, nous pouvons passer à la suite.
Une fois les présentations faites, nous entrons dans le vif du sujet : l’étude du CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée) dévoilée en mars 2014 sur « la place des femmes dans l’industrie cinématographique et audiovisuelle », et qui a mis en évidence les quelques progrès à faire dans le domaine en terme d’égalité hommes-femmes.
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Contrairement à ce que l’on serait tenté-e de croire, il s’agit de la première étude sur le sujet réalisée par le CNC. Mais elle a le mérite de faire la lumière sur la situation actuelle des femmes dans les secteurs de l’audiovisuel… qui comportent toujours une majorité notable d’hommes. Les chiffres avancés par le CNC témoignent d’une légère évolution, mais on fait encore face à des disparités évidentes.
Ils dévoilent en effet que les femmes représentent 41,5% des effectifs, dont 58,9% occupent des « postes permanents », mais non cadres, avec moins de présence aux postes de technicien. On constate une majorité de femmes aux postes considérés comme plus « féminins », tels que scripts ou assistantes, contre 23% de femmes réalisatrices. On était à 18,4% en 2008, donc c’est plutôt pas mal niveau évolution… sauf du côté du salaire, où les femmes réalisatrices sont encore payées près d’un tiers de moins que les hommes. Dur.
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Des inégalités que les six invitées n’ont cependant pas vécues ou perçues de la même manière tout au long de leur carrière. Pour Aline Marrache-Tesseraud, qui occupe un poste important chez Canal+, elles n’étaient pas évidentes, et elle n’avait pas ressenti un machisme ambiant – tout en ayant le sentiment d’avoir été « protégée ». Elle admet cependant qu’avant d’y arriver, de façon inconsciente, elle ne s’était jamais projetée à un poste de direction.
Un « détail » sur lequel est revenue Sandra Ouaiss, en émettant l’idée qu’en tant que femme et dans un contexte majoritairement masculin, on était peut-être plus en proie au doute, et la réflexion ne manque pas d’intérêt. Le faible pourcentage de femmes aux postes de cadres pourrait-il s’expliquer par un cercle vicieux ? Plus le milieu s’affirme comme majoritairement masculin, moins les femmes se sentent légitimes, et moins elles visent les postes de direction ?
Pour imposer des quotas dans l’industrie des séries ?
Laurence Bachman, de son côté, si elle était consciente de certaines inégalités, ne serait-ce que pour s’être fait qualifier « d’arriviste » tout au long de sa carrière, là où un homme aurait été considéré comme « ambitieux »… s’est avouée choquée par les chiffres. Un peu comme la réalisatrice Charlotte Brändström, qui avait conscience d’évoluer dans un milieu masculin, mais n’avait pas le sentiment d’avoir eu plus d’obstacles sur sa route. Il est vrai que selon l’étude du CNC, les femmes réalisatrices bénéficient plus facilement d’aides à l’heure actuelle (43,8% en 2012).
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Pour autant, on retrouve plus de femmes dans le domaine commercial ou de négociation, dans l’achat plutôt que dans la réalisation. Or la présence réduite de femmes derrière la caméra, ou au scénario, semble se traduire par une représentation « biaisée » des femmes à l’écran, et en l’occurrence dans les séries, puisqu’écrites en résonance aux stéréotypes masculins.
Pour Sophie Deschamps, directrice de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, la solution est de recourir à une imposition de quotas, pour faciliter l’accès à ces métiers aux femmes. Cependant, et elle l’admet elle-même, imposer des quotas revient aussi à imposer des contraintes.
Le but du jeu est d’arriver à une égalité homme-femme en amont de la production de séries télévisées, pour, entre autre, parvenir à des personnages féminins plus intéressants et complexes. Moins de femmes systématiquement sauvées par le héros, ou de femmes assassinées lorsque le héros déconne, par exemple. La femme écrite par une femme a peut-être des chances d’être moins stéréotypée et de se situer en dehors des fantasmes masculins.
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Or justement, comme le fait remarquer Aline Marrache-Tesseraud, il y a de plus en plus de duos de scénaristes homme-femme. Une solution séduisante pour parvenir à une vision équilibrée du personnage, et faire la chasse aux stéréotypes les plus tenaces… Tant au niveau de la femme que de l’homme.
Pour conclure
Il y a encore beaucoup à faire pour permettre aux femmes et les encourager à viser les postes techniques, de direction ou de réalisation dans l’industrie de la série en France. Et il ne faut pas oublier que ce n’est pas pour le plaisir de râler que les femmes demandent moins de disparités dans ces secteurs. Au-delà du fait qu’hommes et femmes doivent pouvoir aspirer aux mêmes droits, il est important pour un domaine créatif de pouvoir se diversifier.
L’industrie audiovisuelle ne pourra que stagner si elle reste sur ses acquis et ses stéréotypes, sans chercher une nouvelle influence, ou une vision nouvelle en matière de création. Sans vouloir dire qu’une femme apportera forcément un vent de nouveauté sur la plaine aride de la production de séries, faire en sorte de donner sa chance à un plus grand nombre d’individus ne peut pas faire de mal.
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En attendant, pour conclure la conférence, Ali Rebeihi a demandé à ses invitées de citer chacune leur héroïne de série préférée. Sophie Deschamps et Nicole Collet ont toutes les deux opté spontanément pour Birgitte, la femme de pouvoir de la série danoise Borgen. Aline Marrache-Tesseraud a un petit faible pour Carrie Mathison dans Homeland et Laurence Bachman pour Alicia Florick, The Good Wife. Charlotte Brändström se réjouit de voir un personnage tel qu’Elizabeth Jennings dans The Americans, tandis que Sandra Ouaiss a surpris tout le monde en choisissant Bree Van de Kamp dans Desperate Housewives.
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Des réponses que l’on pourra interpréter à loisir, mais on peut remarquer pour commencer qu’elles ne mentionnent aucune série française…
Bonus :
En complément, n’hésitez pas à écouter l’épisode 33 de l’émission Pop Fiction d’Ali Rebeihi : « Les séries télé ont-elles vraiment libéré les femmes ? » (Merci à Thedreaming pour l’info !)
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