En partenariat avec Steinkis (notre Manifeste)
Il n’y a pas que Mulan qui a eu l’idée. Au fil de l’Histoire, les sociétés patriarcales ont banni les femmes de certains domaines. Certaines d’entre elles ont décidé de se grimer en hommes, parfois toute leur vie durant, et ont prouvé que le genre n’a rien à voir avec les compétences.
Voici le portrait de trois d’entre elles, à l’occasion de la sortie, le 27 août 2020, de la bande dessinée La vie mystérieuse, insolente et héroïque du docteur James Barry (née Margaret Bulkley), aux éditions Steinkis.
James Barry, le médecin qui ne pouvait pas être une femme
Insolente, héroïque : deux termes qui correspondent parfaitement, en effet, à James Barry, alias Margaret Ann Buckley, peut-être la plus mystérieuse des femmes qui ont dû se grimer en hommes.
Sa date de naissance exacte est inconnue, mais quelque part entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, Margaret Ann Buckley a vu le jour en Angleterre. Malgré une famille précaire et un père en prison, l’argent nécessaire pour l’envoyer étudier la médecine est réuni par ses proches.
Deux femmes, Margaret Ann et sa mère, embarquent dans un bateau pour Édimbourg. À l’arrivée débarquent Mme Buckley senior… et son « neveu », James Barry, la nouvelle identité adoptée par Margaret Ann — qui deviendra sous ce nom d’homme l’un des docteurs les plus brillants et éclairés de sa génération.
Inde, Afrique du Sud, bataille de Waterloo, Trinidad et Tobago, Malte, le Canada… « James Barry » parcourra le monde et y laissera sa marque. Bien que toute sa vie ne soit pas connue, on peut sans hésiter lui attribuer une des premières césariennes réussies (gardant en vie la mère et l’enfant), la refonte du réseau d’eau dans la ville du Cap, et une ouverture d’esprit qui l’honore.
Tout au long de son existence « James Barry » a aidé les pauvres, les opprimés, les femmes, les personnes noires, les malades de la lèpre, les prisonniers, les homosexuels. Peut-être que son empathie envers les minorités lui venait de cette féminité méprisée qui a forcé Margaret Ann à mentir pendant des décennies ?
Ce secret si lourd à porter, « James Barry » l’a emmené jusque dans sa tombe : c’est lors de l’embaumement que son genre est révélé… et vite enterré. Il faudra cent ans pour que les archives militaires, où la vérité a été enfermée, soient rouvertes, et pour que le monde entier découvre la talentueuse Margaret Ann Buckley.
Afin d’en apprendre davantage sur « James Barry » et les personnages hauts en couleurs qui l’ont accompagné au fil de sa drôle de vie, ne ratez pas La vie mystérieuse, insolente et héroïque du docteur James Barry (née Margaret Bulkley), une bande dessinée d’Isabelle Bauthian et Agnès Maupré disponible dès le 27 août 2020 !
Samuel Blalock, le soldat travesti de la Guerre de Sécession
Printemps 1862. La guerre de Sécession déchire les États-Unis, divisés entre l’Union, au Nord, gérée par Abraham Lincoln, et les confédérés, au Sud, dirigés par Jefferson Davis. L’abolition de l’esclavage, souhaitée par l’Union, n’est pas vue d’un bon œil par les exploitants sudistes.
L’opposition entre ces deux camps résonne jusqu’aux tréfonds du pays : dans une petite bourgade de Caroline du Nord, Keith Blalock et son épouse Malinda débattent à bâtons rompus… jusqu’au jour où un recruteur de l’armée arrive sur place.
Keith Blalock décide de s’engager, avec le projet de déserter les confédérés en faveur de l’Union dès qu’il en aurait la possibilité. En route vers le bureau d’enrôlement, il remarque un jeune homme silencieux qui marche à ses côtés. Un jeune homme au physique menu, aux traits délicats.
Malinda avait décidé, de façon tout à fait autonome, de s’engager dans l’armée aux côtés de son mari : elle est devenue Samuel « Sammy » Blalock.
Le plan de désertion tombe à l’eau, car les deux « amis » sont assignés à un poste bien éloigné des frontières de l’Union. « Ils » font ce qu’on leur ordonne de faire, et « Samuel » n’a pas démérité : « [Malinda] s’est entraînée, a accompli les devoirs d’un soldat aussi bien que tout autre membre de la Compagnie, et elle était très douée pour apprendre les manuels et l’entraînement », racontera plus tard un chirurgien militaire cité par Wikipédia.
Ce n’est que le jour où « Samuel » prit une balle dans l’épaule que la supercherie fut révélée : Keith ramena son épouse au médecin du campement, qui put la sauver mais remarqua, bien sûr, le léger « double détail » ornant sa poitrine, comme dit Mushu au sujet de Mulan…
Ayant obtenu un délai avant que ses supérieurs ne soient mis au courant, Keith feignit une maladie grave, espérant être rapatrié avec « Samuel ». Peine perdue : ce dernier était trop compétent pour le Colonel Vance, qui tenait à en faire son adjoint !
Acculée, Malinda dut lui dire la vérité. « Samuel » fut renvoyé sur-le-champ, et Keith lui emboîta le pas. Le couple erra en compagnie d’autres déserteurs, tentant d’échapper aux soldats qui les traquaient. Ils finirent par rejoindre l’Union, comme prévu, et combattre tous les deux pour l’abolition de l’esclavage.
Après la guerre, remportée par l’Union, Keith et Malinda Blalock retournèrent dans leur Caroline du Nord natale pour y vivre une vie d’agriculture avec leurs quatre enfants. Malinda s’est éteinte dans son sommeil, de causes naturelles, à 59 ans.
Rena Kanokogi, la championne de judo grimée en homme
« James Barry » et « Samuel Blalock » ont vécu au XIXe siècle. Il serait tentant d’imaginer qu’aucune femme n’a eu à se faire passer pour un homme dans l’histoire plus récente, que ces pionnières ont ouvert la voie et prouvé au monde entier que le courage et les compétences n’avaient pas de genre.
Tentant, oui. Hélas, cet ultime récit se déroule en… 1959.
Rena Kanokogi (née Glickman), une judoka américaine, a 34 ans. Elle se coupe les cheveux, se bande les seins pour les aplatir (ne faites pas ça chez vous, achetez un vrai binder) et concourt lors d’un championnat de judo organisé par le YMCA d’Utica, dans l’État de New York… en se faisant passer pour un homme. Bah oui, son club n’avait envoyé que des garçons, mais elle tenait à participer !
Et pas seulement à participer. Rena Kanokogi remplace un autre joueur blessé et remporte un combat décisif : son club gagne le championnat. Mais les juges annulent cette victoire en raison du genre de Rena. Elle doit renoncer à la médaille d’or qu’elle a pourtant méritée.
Qu’à cela ne tienne : si le judo américain ne veut pas d’elle, Rena se tire, direction le berceau de son sport : le Japon. Pionnière, elle y sera la première femme admise dans un dojo jusqu’alors réservé aux hommes, et y retrouvera même l’amour en la personne de Ryohei Kanokogi, lui aussi champion d’arts martiaux.
Toute sa vie, Rena Kanokogi a lutté pour l’égalité des genres dans le sport ; elle a organisé le premier championnat du monde féminin de judo, a entraîné l’équipe féminine de judo des États-Unis, et porte le judo féminin jusqu’aux Jeux olympiques.
Last but not least : l’Empereur du Japon himself l’a décorée de l’Ordre du Soleil Levant. Rien que le plus insigne honneur du pays.
Et elle aura fini par l’avoir, sa médaille d’or du YMCA… Cinquante ans après avoir dû se grimer en homme pour monter sur le tatami. Respect !
Ce ne sont que quelques-unes des femmes qui ont dû se faire passer pour des hommes à cause d’un monde perclus de stéréotypes de genre. Quelques-unes des courageuses héroïnes qui se sont déguisées en héros pour avoir le droit d’accomplir leurs ambitions et de réaliser leurs rêves.
Apprenez-en plus en dévorant, le 27 août 2020, La vie mystérieuse, insolente et héroïque du docteur James Barry (née Margaret Bulkley) !
À lire aussi : 5 femmes scientifiques d’exception… qui ne sont pas Marie Curie !
Les Commentaires
N'oubliez pas Mary Red et Anne Bonnie! Deux femmes pirates qui se sont fait passer pour des hommes pour continuer à naviguer librement et être libre tout simplement de vivre leur vie!
Et avant ça, il y avait Iphise! Une des gardes de Cléopâtre! Une femme qui s'est fait passer pour un homme pour être un de ses soldats et ne pas se marier avec homme qui l'enfermerait dans sa vie de "pondeuse". Elle a été libre jusqu'à ce qu'elle tombe amoureuse d'une des demoiselles accompagnantes de la Reine. Cette demoiselle a su son secret et a été d'accord de vivre avec elle et de se marier. ^^ Enfin, c'est l'un des histoires que je connais de Iphise. Je sais qu'il y a 2 autres histoires. Une en version égyptien mais avec la Déesse Isis et un autre qui vient de Crête. Mais j'aime bien cette histoire là.