Le soleil règne en maître sur cette troisième édition de CanneSéries, qui se tiendra jusqu’au 14 octobre dans la ville lumière.
Une aubaine pour les festivaliers qui s’alourdissent de quelques spécialités glacières de la french riviera entre chaque projection.
Cathy Verney, réalisatrice et scénariste invitée par CanneSéries
Chez madmoiZelle, on a joué les mauvais élèves en séchant la première projection du matin pour se rendre à une masterclass.
Ce lundi 12 octobre, date importante pour Canal+ (partenaire officiel et principal de l’événement) qui sort sa toute nouvelle création originale La Flamme, c’est Cathy Verney qui a été invitée par le festival pour discuter de son parcours, mais pas que.
Après avoir évoqué ses premières amours pour le théâtre et avoir insisté sur l’importance de la notion du collectif dans le processus de création de pièces ou de séries, l’ancienne actrice, devenue aujourd’hui la scénariste et réalisatrice toute la télé s’arrache, a évoqué la place des femmes dans le milieu de l’audiovisuel.
Dans la petite salle de cinéma de l’espace Miramar, au coin de l’une des rues qui borde La Croisette, Cathy Verney s’est installée avec aisance dans un fauteuil faisant face à celui d’une journaliste, qui la connaît bien pour l’avoir côtoyée l’année dernière pendant CanneSéries saison 2.
En effet, Cathy Verney était déjà venue au festival en 2019 présenter Vernon Subutex, adaptation des romans de Virginie Despentes pour Canal+.
Ainsi, la conversation a commencé sans stress, dans la détente la plus totale entre l’invitée du jour, et la journaliste.
On laisse moins leur chance aux femmes, dans le milieu de création de séries
Cette dernière a commencé par rappeler quelques chiffres effarants :
« Dans les écoles de cinéma, une personne sur deux est une femme. Au moment du premier court-métrage, c’est une sur trois, au moment du premier et deuxième long-métrage, on a plus qu’une femme sur quatre, et à partir du troisième long et plus, on passe à une femme sur six. Et ces chiffres là n’ont pas bougé depuis longtemps. »
Il y a de quoi rire au nez des hommes qui soutiennent mordicus que les femmes ont droit à un traitement tout à fait égalitaire dans le milieu de la télévision et du cinéma.
Bref, l’artiste aux multiples casquettes a ensuite évoqué la genèse de ses convictions féministes.
« Je suis féministe, mais je ne suis pas née féministe. C’est une multitudes d’évènements de prises de conscience, de podcasts, de témoignages, de films, qui ont mené ma réflexion vers le féminisme. »
Elle poursuit, toujours aussi à l’aise, devant un auditorium rempli de jeunes lycéens venus faire leur éducation (militante ?) :
« Je n’ai pas l’impression d’avoir dû me battre pour faire ma place. On ne m’a jamais dit : « Tu es une femme donc on ne veut pas de toi ». En revanche, on m’a dit : « Tu vas réaliser neuf épisodes d’une série ? Il va falloir que tu t’entoures. » On ne dirait jamais ça à un homme. Un homme, quand il est autoritaire et mène bien son équipe, on va dire : « Il sait ce qu’il veut. » D’une femme, on va dire : « Elle est hystérique. »
Un réalisateur sur six est une femme dans le milieu de la télévision
La bonne et éternelle dépréciation des qualités de leader des femmes, en somme. Car c’est en partie de cela dont il est question, quand on touche à la réalisation d’une série : de management.
En plus d’un degré purement relatif à la création, le poste de réalisateur implique de prendre des décisions, d’en donner, de superviser une équipe faite de dizaines de petites mains.
Un rôle impressionnant au sein d’un tournage, un rôle prisé, un rôle décisionnaire.
Autant dire, un rôle qu’encore beaucoup trop peu d’hommes acceptent de voir confié à des femmes.
La preuve avec les chiffres énoncés par la journaliste en début de conférence.
Parmi la majorité des projets créés chaque année, que leurs formats soient longs ou courts, seuls quelques rares contenus sont réalisés par des femmes.
Une réalité effarante, déjà soulignée en 2019 par l’édifiant documentaire de Tom Donahue : Tout peut changer, et si les femmes comptaient à Hollywood.
Dans ce film, des femmes illustres, comme Geena Davis elle-même, Meryl Streep, Taraji P. Henson, Chloë Grace Moretz, Sandra Oh, Natalie Portman et Reese Witherspoon, racontent le sexisme qui gangrène leur industrie à tous les niveaux, de sa production à sa diffusion.
Et la France n’est pas en reste à en croire les chiffres, puisque seul un réalisateur sur six est une femme.
« Rien que ça, ça n’est pas possible. », tempête la réalisatrice.
Pas de doute possible, il y a du pain sur la planche pour remettre (saviez-vous qu’elles l’étaient au tout début du cinémascope ?) les femmes au cœur du processus de création de films et de séries.
Cathy Verney explique que la décrédibilisation des femmes commence dès que celles-ci sont encore jeunes. Lorsque, petite, la scénariste voulait donner son avis, on lui intimait :
« Retourne plutôt jouer avec tes poupées. »
Le test de Bechdel, un bon outil pour le festival CanneSéries
La journaliste évoque toutefois les progrès qui ont été faits depuis la mise en place du test de Bechdel.
Le test de Bechdel permet la mise en évidence de la sous-représentation de personnages féminins dans une œuvre de fiction. Il soumet les créations à trois questions :
- Y a-t-il au moins deux personnages féminins portant des noms ?
- Ces deux femmes se parlent-elles ?
- Leur conversation porte-t-elle sur un sujet autre qu’un personnage masculin ?
Le b.a.-ba dites-vous ? Pourtant, parmi l’ensemble des séries que reçoit le comité de sélection de CanneSéries, moins de 30% passent le test !
La journaliste précise :
« On a formé le comité de sélection de CanneSéries à ce test. Tous les membres doivent remplir une fiche permettant de déterminer si le programme répond positivement au test de Bechdel. […] Au final, dans les séries qu’on a choisi, 60% répondent positivement au test. »
Un gros écrémage qui permet au festival de présenter une sélection faisant la part belle aux personnages féminins.
Il s’agirait de désormais laisser leur place aux femmes à l’écriture et à la réalisation. Cathy Verney sait qu’elle a eu de la chance :
« J’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment. »
Mais quid de celles qui n’ont pas joui de la même aubaine ?
Les écoles de cinéma sont blindées de femmes qui changeront de job une fois leurs études finies, parce qu’il n’y aura de place que pour leurs acolytes masculins.
Heureusement, et grâce au travail de femmes comme Geena Davis, qui a notamment fondé le Geena Davis Institute on Gender in Media visant à empouvoirer les femmes du milieu de l’audiovisuel et à mener des études chiffrées sur leur sous-représentation, grâce également aux mouvements féministes qui fleurissent, grâce aux prises de parole, grâce au courage des femmes, il y a aura peut-être de plus en plus de scénaristes et de réalisatrices.
Des femmes à qui Canal+ laisserait, à l’instar de Cathy Verney, si ce n’est carte blanche, au moins une chance.
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