Initialement publié le 1er juillet 2016
Drôle de concept que celui de la « féminité ». Il n’y a que les humain•es pour décider de façon arbitraire qu’un mec, ça se maquille pas, et qu’une femme, ça s’épile. Mais bon, comme tout le monde, j’ai grandi dans ce monde genré, donc j’en ai intégré les codes.
Au final, à 24 ans, mon rapport à la féminité est à la fois très serein… et un peu pété.
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La féminité pendant mon enfance : garçon manqué, plus qu’un style, un mode de vie
Quand j’étais petite, j’étais ce qu’on appelle un « garçon manqué » — une dénomination bien concon et un peu vieille France, mais vous voyez probablement de quoi je parle.
Je n’avais pas les cheveux courts, mais je n’étais pas à l’aise en robe ou en jupe : je leur préférais largement les pantalons et t-shirts, plus pratiques même si j’étais loin d’être du genre casse-cou qui grimpe aux arbres. Les loisirs de « petite fille » ne me rebutaient pas tous (je garde des souvenirs émus de mon énorme maison victorienne Playmobil), mais j’aimais aussi les jeux vidéo, les petites voitures et les dessins animés avec de la bagarre dedans.
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Quand j’étais petite, j’étais ce qu’on appelle un « garçon manqué ».
Plus ça allait, moins je me sentais à l’aise avec les filles de mon âge. Bon, cela dit, j’étais une énorme timide donc je ne croulais pas sous les amis de genre masculin non plus. Mais avec la puberté approchant puis s’installant, le gouffre entre ma Game Boy Color et les premiers Jeune & Jolie se creusait.
La féminité, territoire hostile
Je crois qu’au fond, j’avais peur de la féminité. C’était un monde dont je ne pigeais pas les codes ; j’avais l’impression d’être Simba contemplant la zone d’ombre que Mufasa lui interdit de fréquenter. Tout devenait compliqué, je me sentais malhabile, et j’avais peur d’être ostracisée au moindre faux pas.
Je crois qu’au fond, j’avais peur de la féminité. C’était un monde dont je ne pigeais pas les codes.
Les enfants comme les ados sont cruel•les, et les filles ne dérogent pas à la règle. Il était plus simple pour moi de m’exclure du groupe des « vraies filles » que de prendre un risque en tentant de m’y intégrer, surtout que j’avais plus de références Metal Gear Solid que Star Academy.
La féminitié et les filles « pas féminines » qui pètent la classe
Et puis il faut dire que les femmes qui me faisaient rêver étaient loin des dentelles et des froufrous. Je vous ai déjà parlé de ces héroïnes badass aux poings nerveux et aux cheveux courts ; depuis ma plus tendre enfance, les jeans savamment déchirés et les physiques androgynes me font plus rêver que les longues robes de princesse.
En gros, mon modèle, c’était plus Mulan que Cendrillon.
Ma définition du swag circa 2001
Du coup, plus je grandissais, plus j’essayais (avec toute la maladresse qui caractérise l’avancée vers
l’âge adulte) de me rapprocher de mes modèles. Ce qui voulait dire baggys râpés, Converse défoncées et un trait de khôl — qui bavait dès la deuxième heure de maths — en guise de morning routine.
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Mon rapport à la féminité et mes premiers escarpins ou la chronique d’un échec annoncé
En avançant dans la vie, j’ai eu envie de varier un peu mon style. Surtout qu’avec mes longs cheveux châtains (eh ouais, je suis pas née kaléidoscope capillaire) et mes grosses joues rebondies, j’ai toujours fait moins que mon âge, en plus d’avoir un an d’avance.
En gros, j’en avais marre d’être à la fac et que tout le monde me prenne encore pour une lycéenne balbutiante.
Du coup, j’ai testé des trucs. J’ai acheté des bas (qui se sont cassé la gueule au bout de quelques pas), des jupes (et pas juste plissées/à carreaux pour faire comme mes héroïnes de manga préférées)… et une paire d’escarpins noirs vernis, mes premiers talons.
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Je me suis toujours sentie déguisée en portant des vêtements vraiment connotés « féminins ». Les premières fois que je suis sortie avec mes nouveaux achats, j’étais très mal à l’aise. En plus, comme je suis zozo, je les avais mis pour aller visiter un musée avec ma nouvelle classe, soit la PIRE occasion pour remonter « discrètement » (mdr) mes bas tout en avançant avec la grâce d’un girafon.
Je me suis toujours sentie déguisée en portant des vêtements vraiment connotés « féminins ».
J’ai très peu profité de cette session shopping, finalement. Neuf matins sur dix, mon choix revenait à la facilité : un jean, un t-shirt, une chemise (à carreaux parce que pourquoi pas). J’étais passée aux cheveux très courts et j’ai rapidement rendu les armes : les trucs de filles, ok, le vernis et les singles de Beyoncé ça me va, mais niveau fringues on va s’arrêter là.
La féminité et moi aujourd’hui : bien dans mes baskets… et dans mes jupes patineuses
J’ai continué à grandir (c’est ça cette connerie d’âge adulte ça s’arrête jamais). J’ai appris à aimer mon corps. J’ai débarqué chez madmoiZelle où toutes les expérimentations vestimentaires sont acceptées.
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Preuve n°1
Du coup, j’ai peu à peu pris confiance en moi et testé des trucs que j’osais pas essayer en matière de style. Dans les deux sens du spectre « masculin / féminin ».
Je suis allée piocher des t-shirts au rayon « hommes » et j’ai porté les fringues de mon mec quand j’en avais un. J’ai acheté des Dr Martens (à fleurs !) et des jupes patineuses. J’ai mis du rouge à lèvres écarlate pour la #LipstickWeek et j’ai grave kiffé. Là j’ai deux projets : m’acheter une casquette fleurie et oser porter mes baskets pour autre chose que faire du sport (que j’ai pas encore commencé à faire) (LAISSEZ-MOI DANS MA FLEMME MERCI).
La féminité, une amie qui me veut du bien
À l’heure ou je vous écris ça, je porte des tennis, un pantalon kaki sans forme, un débardeur et une grosse casquette (oui c’est mon truc en ce moment). Mais dans mon sac, pour ce soir, j’ai une adorable robe vert d’eau et un blush à paillettes.
J’ai fait de ma féminité ce qu’elle aurait toujours dû être : un terrain de jeu
Je crois que j’ai fait de ma féminité ce qu’elle aurait toujours dû être : un terrain de jeu. J’oscille d’un bout à l’autre du spectre sans me démonter (même si vu la taille de mes seins, personne ne m’appelle « jeune homme »). Je m’aime autant en jean brut et perfecto trop large qu’en chemisier échancré et collants sexy.
Qui sait, à la fin de l’année j’aurais peut-être carrément appris à mettre de l’eye-liner ! (Par contre pour les talons c’est non, hein : ça fait mal aux pieds ces conneries.)
Et toi, tu la vis comment, ta féminité ?
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On a hâte de vous lire !
Les Commentaires
Je ne peux pas m'empêcher de me dire que cette "féminité" est un bourrage de crâne commercial pour nous pousser à consommer encore et encore (il suffit d'ouvrir n'importe quel magazine féminin pour voir que tout le contenu est dédié à nous faire acheter toujours plus, au nom de notre fameuse féminité.)
A l'opposé, la virilité, elle, tient plus à des détails purement physiques: muscles, poils au menton, assurance, et pas vraiment à des éléments liés à des objets de consommation.
Alors voilà... rien qu'avec ce sujet, pourtant pas bien méchant, je me dis que l'égalité hommes-femmes n'est encore et toujours pas gagnée, et que la place de la femme reste, comme dans l'enfance, une histoire de "sois belle et tais-toi", comme si tout ce temps consacré à notre beaûûûûté était un outil pour nous occuper-et-pendant-ce-temps-là-on-fait-pas-chier. (et les garçons, eux, pendant qu'on met du vernis à ongles, sont déjà dehors à jouer au foot, à faire des expériences scientifiques, ou à explorer la forêt, sans se préoccuper de leur physique. Bref, ils sont dans l'action pendant qu'on est dans l'autocritique et le camouflage de nous-mêmes.)
(je me pose ces questions, mais je suis un pur produit de cette construction sociale: je me maquille tous les jours, je porte des bijoux, du parfum, de jolis vêtements si le coeur m'en dit... mais j'aimerais tant me sentir bien sans tout ces objets superflus, qui n'ajoutent rien au fait que je suis bel et bien une femme ! Après tout, il me suffit de regarder entre mes jambes pour le savoir sans aucun doute, alors pourquoi vouloir en rajouter comme si je voulais m'en convaincre ? Comme si je voulais en quelque sorte "porter mon vagin sur mon visage" ?)