Sur le modèle des vidéos de Jimmy Kimmel, où des célébrités lisent des tweets méchants à leur sujet, des féministes lisent des tweets insultants qu’elles ont reçus. Comme il s’agit d’une vidéo américaine, et qu’il est apparemment plus acceptable de menacer quelqu’un de l’agresser physiquement plutôt que de dire « fuck » à la télé, les premières minutes sont teintées de fréquents « biiiip » censeurs.
Mais la partie intéressante commence ensuite.
https://youtu.be/UHC3VgsNXKg
Ah, c’est sûr que c’est beaucoup moins drôle quand ce sont des personnes ordinaires qui lisent des tweets d’insultes et de menaces, que la moue déconfite de Joseph Gordon-Levitt lorsqu’un twitto le compare à un coton-tige.
Pourquoi ça ne fait pas rire ? Parce que les célébrités ont droit à de la méchanceté gratuite, sans aucune raison, alors que les féministes qui s’expriment sur les réseaux sociaux sont harcelées parce qu’elles prennent la parole. Elles sont insultées non pas uniquement sur leurs attributs physiques, mais elles sont menacées pour leurs opinions.
Identities.Mic, à l’origine de cette vidéo (mettant en scène une partie de sa rédaction), précise que « si les hommes comme les femmes sont victimes de harcèlement, les jeunes femmes y sont particulièrement exposées, et notamment au harcèlement sexuel ».
Une étude menée sur le harcèlement en ligne a montré qu’il suffit d’avoir un pseudonyme féminin sur internet pour être davantage prise pour cible.
L’une des féministes de la vidéo a reçu des menaces de viol. Elle est allée porter plainte, mais la police n’a rien fait. Appeler à l’agression physique, en l’occurrence ici à l’agression sexuelle de quelqu’un, est pourtant loin d’être anodin. En France, c’est interdit et puni par la loi. La journaliste Rohkaya Diallo avait d’ailleurs obtenu la condamnation d’un internaute cette année pour des faits similaires.
Quand on a en plus l’audace de prendre la parole sur le féminisme, les réactions violentes pleuvent, et sont totalement disproportionnées. Cet été, nous avions critiqué l’ampleur prise par ce phénomène sur certains forums de JeuxVideos.com (lire ci-dessous).
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Les auteurs de ces tweets ou commentaires se défendent en brandissant la liberté d’expression, et c’est effectivement la clé du problème : pouvoir exprimer ses convictions militantes, ou tout simplement partager son expérience de la discrimination sur Internet EST bel et bien une question de liberté d’expression. Or les attaques lancées contre des féministes sur les réseaux sociaux visent précisément à empêcher l’expression de cette parole. De « Retournez dans la cuisine ! » pour les plus inoffensives, on arrive souvent très vite aux menaces physiques : « je vais te buter connasse ».
Récemment, Anita Sarkeesian a été contrainte d’annuler une conférence qu’elle devait donner, car des menaces d’attentat ont été lancées contre elle. La direction de l’université qui devait l’accueillir a été obligée de les prendre au sérieux. Et c’est loin d’être la première fois que des militantes médiatisées sont prises pour cible : Anita elle-même n’en était pas à sa première expérience de harcèlement en ligne…
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Voilà pourquoi « des féministes lisent des tweets méchants à leur sujet » ne fait même pas sourire, alors qu’on ne se lasse absolument pas des Celebrities Read Mean Tweets de Jimmy Kimmel (dont le 8ème épisode vient de sortir !)
Dans le cas des féministes, les « méchancetés » escaladent rapidement de l’insulte aux menaces. Et quand on s’arrête un instant pour réfléchir à ce qui vaut à ces femmes de recevoir autant de commentaires, d’une telle violence, il n’y a vraiment pas de quoi rire.
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