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Le terme « féminisme » est-il désuet ?

Et si le terme « féministe » n’était plus d’actualité alors que ses principes sont toujours nécessaires ? C’est la question que se pose Karie Kardasheman pour Thought Catalog – et nous aussi.

Ça fait un moment que nous sommes quelques-un-e-s dans la rédac à penser qu’il faudrait lancer un débat sur le terme « féminisme », sans vraiment savoir comment nous y prendre. Il est difficile d’exprimer son point de vue sur le mot sans passer pour une ingrate vis-à-vis des féministes (du passé comme contemporaines), de ces femmes – et de ces hommes, aussi – qui ont tant fait pour la cause des femmes. Et si, à titre personnel, je me sens féministe, si je loue les féministes qui ont oeuvré et qui oeuvrent encore pour faire progresser la condition des femmes, parfois, je me pose et me dis : « Ouais. Finalement, ce serait bien qu’on change de nom. Peut-être qu’il est un peu archaïque ». Il m’arrive de me demander si en revêtant l’idée d’une autre forme, le fond ne serait pas mieux compris.

Ce débat, qui commence à pointer le bout de sa truffe, rejoint finalement un peu celui qui avait accueilli la création du ministère des droits des femmes en mai dernier : « L’initiative est bonne, mais pourquoi ce nom ? Pourquoi ne pas l’avoir appelé « ministère de l’égalité des sexes/des genres » ? », ai-je pu entendre ou lire çà et là.

Alors quand j’ai vu cet article sur Thought Catalog (éïlle ké éïlle le meilleur site anglophone du monde), je me suis demandé si la façon la plus simple de lancer le débat ne serait pas de vous le traduire du mieux que je peux. Je ne suis pas à 100% d’accord avec tout ce qui y est dit, mais je rejoins ce que son auteure y exprime dans le fond. Car quand on y pense, à certains égards, le féminisme est potentiellement exclusif, presque contradictoire. Voici donc l’article de Karie Kardasheman qui analyse la question :

« En tant que femme qui défend l’égalité entre les genres, je crois que le terme féministe est devenu contre-productif. Voilà pourquoi.

Féministe – Je n’ai pas peur de dire que j’en suis une. Je crois en la majorité des principes du féminisme moderne : les mêmes droits, les mêmes salaires, un traitement égal des individus sans tenir compte de leur genre. Mais je me suis toujours sentie un peu mal à l’aise en m’identifiant comme telle. Et j’ai parfois l’impression d’être jugée, qu’on ne me considère pas assez « féministe progressiste » parce que je ne bondis pas de mon siège en revendiquant ce terme.

Certains ont remarqué ce qu’ils considèrent comme « une indifférence dérangeante envers le féminisme ». Il y a même à n’en pas douter un mouvement de recul vis-à-vis du féminisme. Prenez le mème feminazi qui semble s’être développé récemment, et qui balance à tout va des affirmations infondées, décrivant – à tort – les féministes comme des fascistes.

Mais en toute honnêteté, il y a une raison à cette indifférence, ce malentendu à propos du féminisme, et ce même si on met à part le sexisme et le machisme bien trop présents dans notre société. Il y a un vrai problème basique de rhétorique avec le féminisme, qui découle de la terminologie et de la sémantique. Fondamentalement, le terme « féminisme » est naze et dessert son propre principe fondateur : l’égalité entre les genres. Voici quelques raisons qui prouvent qu’il faut une bonne fois pour toutes se débarrasser des termes « féministe » et « féminisme ».

1. C’est un terme tendancieux. Vraiiiiment tendancieux

Et bien qu’il soit injuste que des misogynes réduisent les féministes à des femmes perpétuellement énervées qui détestent les hommes, on ne peut nier que certaines idées assez extrêmes ont déjà existé au sein de courants populaires du féminisme. Prenez le mouvement féministe radical des années 70, qui forme le socle de ses versions contemporaines. Andrea Dworkin est une des contributrices les plus connues de cette branche. Comme elle le décrit dans son livre Intercourse (Rapports), publié en 1987 :

Aucune réelle intimité avec son corps peut coexister avec le fait d’avoir des rapports sexuels, avec le fait qu’on rentre en nous. Le vagin lui-même est un muscle qui doit être écarté. Le fait de pousser est une invasion persistante. La femme est ouverte, déchirée en son centre. Elle est occupée – physiquement, mentalement, dans son intimité.

En utilisant ici les relations sexuelles hétéro comme une métaphore de l’oppression des femmes, Andrea Dworkin semble insinuer que la pénétration pénienne soumet de manière inhérente les femmes à la violence et à l’infériorité. Bien que je voie le lien entre les relations physiques hommes-femmes et les dynamiques fluctuantes du « gouffre entre les genres » qui existe dans notre société, le point de vue pertinent de Dworkin est perdu au milieu de l’accusation hyperbolique du corps masculin. Des vestiges de la période la plus extrémiste en terme de rhétorique des décennies précédentes, comme celui-ci, bien qu’il soit aujourd’hui renié par la plupart des féministes, peuvent réellement brouiller les messages sur l’égalité entre les genres et le sens du féminisme.

Bien que le féminisme soit actuellement décrit comme la promotion de l’égalité des genres, nous savons tous que la discrimination et la violence basées sur le genre n’affectent pas que les femmes.

2. Les hommes expérimentent aussi la discrimination et la violence

Les hommes peuvent par exemple être la cible de fausses accusations de brutalité sur enfants, et de viol. Et une étude datant de 2009 a prouvé que les gays sont davantage victimes de violences et de harcèlement au cours de leur vie adulte que les lesbiennes ou les bisexuel-le-s. Le féminisme ne saisit pas cette problématique. En fait, il obscurcit et amoindrit même la visibilité de ceux qui font face à la discrimination basée sur le genre mais ne s’identifient pas à la gent féminine. On attend des hommes qui sont pour l’égalité des sexes de se définir comme des féministes, pourtant le phénomène croissant des men’s rights movement (« mouvement pour les droits des hommes ») tend à prouver que beaucoup d’entre eux se sentent snobés par le programme féministe et qu’ils sont donc écartés de la question de l’équité.

3. La communauté transgenre vit une proportion importante de troubles sociaux, politiques et professionnels basés sur le sexe

Les transgenres ont souffert d’une litanie de harcèlements et de discriminations allant du refus de leur donner droit à la sécurité sociale au déni de propriété en passant par un fort taux de violences. Un rapport de The National Gay and Lesbian Task Force et du National Center for Transgender Equality dévoile des statistiques stupéfiantes : sur les 6 450 personnes transgenres ou « non conformes à leur genre » ayant répondu à l’enquête, 26% avaient déjà perdu un emploi à cause de leur identité, 53% avaient été harcelé-e-s ou avaient souffert de comportements irrespectueux à leur égard, en public, et 41% avaient déjà tenté de se suicider – un chiffre alarmant. Le vice-président, Joe Biden, a déclaré à juste titre en octobre que la discrimination envers les transgenres était « LE combat de « civil rights » de notre époque ». Les gens transgenres ou « non conformes à leur genre » affrontent des obstacles très importants pour obtenir des « civil rights », l’égalité dans la société, et les niveaux de respect les plus basiques. Alors que les considérations LGBT sont souvent privilégiées dans les discours féministes actuels, les personnes transgenres ou « non conformes à leur genre » sont implicitement marginalisées car le féminisme, dans son appellation même, met l’accent sur la victimisation des femmes.

Alors oui, pour réitérer, les versions modernes des théories et de l’activisme féministe incluent des réfléxions sur les hommes et la communauté LGBT. Mais avouons que le terme féministe est archaïque, trompeur et inapproprié à la situation actuelle. Je dirai que c’est comme utiliser le terme générique de blackism pour le mouvement anti-raciste. La priorisation symbolique d’un groupe de minorités aux dépends des autres est un problème, et nous devons donc employer des termes moins exclusifs et plus  productifs.

Il y a une solution très simple à ce dilemme linguistique : nous efforcer d’employer le terme d’égalité des genres. « Je suis pour l’égalité des genres ». Facile, non ? De nombreuses personnes utilisent déjà le terme d’égalité des genres, aux Nations Unies par exemple. Et ce changement s’avère parfois populaire, comme cette page Facebook choisie au hasard qui compte 307 fans à l’heure où j’écris (341 à l’heure où je traduis, NDLR). Mais nous faisons un changement collectif au niveau du langage, de façon consciente, et nous nous débarrassons pour de bon du terme « féminisme ». Parce que si on veut prendre l’égalité entre les genres au sérieux, on doit d’abord cesser de prétendre ou sous-entendre que c’est une bataille que seules les femmes peuvent mener. »

Alors vous me direz peut-être, « C’est chipoter, c’est une question de forme et on s’en fout, de la forme », mais cet argument était toujours rembarré dès qu’il était lancé pendant le débat sur la suppression de la case « mademoiselle » des documents administratifs. Peut-être que c’est une nécessité d’englober plus de genres dans le mouvement égalitaire, car, comme l’a très minutieusement démontré Karie, les femmes ne sont pas les seules victimes de la discrimination et certains hommes ont encore à l’heure actuelle beaucoup de mal à se définir comme féministes – bien qu’ils soient très nombreux à l’être, au fond.

Et vous, qu’en pensez-vous ?


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Les Commentaires

24
Avatar de Blackbyrd
2 février 2014 à 22h02
Blackbyrd
Notamment parce qu'il est plus large, qu'il colle à mes principes, ainsi qu'à certaines réalités (du moins à mes yeux) et qu'il n'est pas connoté, je me définis par le terme :
equivalentiste
0
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