L’affaire remonte à mai 2021. Chahinez Daoud, 31 ans, mère de trois enfants, est brûlée vive en pleine rue par son mari. Dix mois plus tôt, ce dernier avait été condamné pour violences conjugales et continuait de la harceler. Chahinez avait porté plainte à deux reprises, en vain.
Loin d’être un cas isolé, le féminicide de Chahinez Daoud révélait une fois de plus les défaillances d’un système de justice qui ne parvient pas à protéger les victimes de violence : en effet, on estime que pour 210.000 femmes victimes de violences conjugales, seul 33.000 auteurs font l’objet de poursuites judiciaires.
Vendredi 10 mars, l’avocat des parents de Chahinez Daoud, Me Julien Plouton, a donc annoncé à France Bleu Gironde qu’il allait lancer une procédure pour faute lourde contre l’État. En cause, une série de dysfonctionnements du service public de la justice qui ont joué un rôle déterminant dans le meurtre de Chahinez Daoud.
Un an « d’erreurs, de défaillances consternantes et de négligences cumulées »
Alors que son mari est incarcéré après des accusations de violences conjugales, il appelle à 36 reprises la jeune femme, affirmant qu’il reviendra au domicile du couple. Chahinez Daoud porte plainte une première fois, mais le juge d’application des peines n’en est pas avisé.
Peu de temps après, l’homme sort de prison, sans que Chahinez Daoud n’en soit informée. Il suffira de trois mois pour que le 15 mars 2021, la victime soit agressée par son ex-conjoint à la sortie d’un supermarché. Elle dépose une nouvelle plainte. Le lendemain, elle rappelle la police, qui émet une fiche de recherche. Rien à faire : l’homme n’est pas interpellé et continue de se promener librement dans la nature. Il confie même à son agent de probation avoir repris contact avec Chahinez.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Chahinez Daoud serait-elle toujours en vie si la justice avait fait son travail ? L’avocat de la famille de la victime dénonce dix mois « d’erreurs, de défaillances consternantes et de négligences cumulées ».
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Une démarche symbolique
Suite au féminicide de Chahinez Daoud, de nouvelles mesures contre les violences sexistes avaient été promises par le gouvernement. Deux ans plus tard, les chiffres restent pourtant inchangés, comme en témoignent (entre autres) le nombre de féminicides recensés par Nous Toutes depuis le début de l’année ou le dernier rapport du Haut Conseil à l’Égalité sur l’état du sexisme en France.
La semaine dernière encore, une femme girondine était tuée par son ex-conjoint, contre lequel elle avait déposé deux plaintes. L’homme n’était pas suivi depuis sa sortie de prison en 2017.
« On n’a pas encore réussi à endiguer ce phénomène », déplore Me Julien Plouton auprès de nos confrères de France Bleu. Pointant du doigt des défaillances consternantes au sein du système public de justice, il réclame à l’État un million d’euros de dédommagement pour les parents de Chahinez Daoud. Une démarche avant tout symbolique : « Malgré les efforts entrepris par le gouvernement, malgré des dotations en termes de matériel, il y a encore un travail important à faire, notamment au niveau de la sensibilisation des services d’enquête, sur la réactivité qu’il faut avoir dans ce genre de dossier ».
Quand l’État prendra-t-il ses responsabilités ? Si le gouvernement a réaffirmé mercredi 8 mars son intention d’ériger la lutte contre les violences faites aux femmes en priorité quinquennale, les mesures présentées par la Première ministre Élisabeth Borne dans le cadre du Plan 2027 pour l’égalité femmes-hommes sonnent encore (trop) creuses.
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