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Exhibition sexuelle : une ex-Femen condamnée, une ex-Femen relaxée

L’ex-Femen Iana Zhdanova a été relaxée en appel, tandis qu’Eloise Bouton, ex-Femen également, a été condamnée en cassation pour exhibition sexuelle. Un délit anachronique ? Commentaire et explications.

Deux ex-FEMEN en procès pour exhibition sexuelle

Mise à jour du 10 janvier 2019

Deux salles, deux ambiances.

Le 10 décembre 2018, l’ex-militante Femen Iana Zhdanova, condamnée en première instance pour exhibition sexuelle, avait été relaxée par la 10ème chambre de la cour d’appel de Paris.

Et ce 10 janvier 2019, une autre ex-militante Femen, Éloïse Bouton, a vu sa sentence confirmée pour les mêmes motifs. Elle avait été condamnée en première instance, fait appel, et s’était pourvue en cassation.

La Cour de cassation a confirmé la décision du tribunal d’instance, et celle de la cour d’appel.

Surprenante décision de la Cour de cassation, qui condamne Eloïse Bouton à un mois de prison avec sursis et 2 500€ d’amende, un mois après la relaxe prononcée par la cour d’appel de Paris, sur une affaire très similaire.

Une ex-FEMEN condamnée pour une action dans une église

Une différence majeure distingue cependant les 2 actions des 2 ex-Femen : Iana a attaqué la statue de cire de Vladimir Poutine au Musée Grévin, tandis qu’Eloïse s’est tenue droite, torse nu dans l’église de la Madeleine, avec un foie de veau dans chaque main et le slogan « Christmas in cancelled » (« Noël est annulé »).

Elle symbolisait l’avortement de Jésus en critique de l’interférence du Pape et de l’Église dans le droit des femmes à disposer de leur corps.

D’un côté, une destruction de propriété (la statue de cire), et de l’autre, une attaque symbolique contre l’ingérence religieuse…

Et c’est la destruction de propriété qui est relaxée ? Qu’est-ce qui justifie alors qu’Eloïse Bouton écope d’une amende et d’une peine de prison ?

Iana Zhdanova a été condamnée à payer 600€ de dédomagements au Musée Grévin, pour avoir décapité la statue de Poutine. Mais elle n’en a pas fini avec la justice : le parquet général a formé un pourvoi en cassation.

Je serais surprise que la Cour se déjuge elle-même, il y a donc fort à parier que l’ex-Femen voie sa relaxe cassée prochainement.

Et pourtant, j’aimerais que la Justice s’interroge sur l’interprétation et l’application qu’elle fait d’une loi datée d’un temps où le corps des femmes ne leur appartenait pas.

Affaire à suivre ?

Clémence Bodoc

Iana Zhdanova sera-t-elle la première femme condamnée pour exhibition sexuelle en France ?

Publié le 11 janvier 2018

Iana Zhdanova pourrait être la première femen condamnée pour exhibition sexuelle, suite à un arrêté rendu mercredi 10 janvier 2018 par la Cour de cassation.

Iana Zhdanova, membre des Femen, avait été suite à l’une de ses actions condamnée pour « dégradations et exhibition sexuelle » en octobre 2014. Cette démarche avait consisté en une attaque à coups de pieu contre la statue de cire de Vladimir Poutine au Musée Grévin, effectuée seins nus. Elle avait eu lieu le 5 juin 2014.

Suite à une procédure d’appel, la militante ukrainienne avait été relaxée pour le chef d’exhibition sexuelle en janvier 2017.

Cependant, un arrêt rendu le mercredi 10 janvier 2018 par la Cour de cassation a annulé la relaxe et ordonné un troisième procès devant la Cour d’appel de Paris.

De l’action « féministe » à l’« exhibition sexuelle »

La Cour de cassation est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Elle n’a pas pour rôle de juger une affaire, sa mission consiste à « contrôler l’exacte application du droit par les tribunaux et les cours d’appel, garantissant ainsi une interprétation uniforme de la loi », comme indiqué sur son site Internet.

Cela signifie donc qu’au regard du droit français, l’action de Iana Zhdanova est qualifiée d’« exhibition sexuelle ».

À lire aussi : « Pourquoi – La poitrine des femmes c’est tabou ? », vu par le YouTubeur Brice Duan

Cela peut s’expliquer factuellement étant donné que la jurisprudence en date du 4 janvier 2006 complète l’article 222-32 du code pénal relatif à l’exhibition sexuelle, et dispose : « le délit d’exhibition sexuelle suppose que le corps ou la partie du corps volontairement exposé à la vue d’autrui soit ou paraisse dénudé ».

La décision de la Cour de cassation contestée

Cette décision scandalise une partie de la population française. Pour exemple, ce tweet d’Audrey Pulvar, ex-journaliste radio et télévision, aujourd’hui présidente de la Fondation pour la Nature et l’Homme, et féministe convaincue :

Maître Dosé, l’avocate de la militante femen, a indiqué que celle-ci « est prête à saisir le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité, puisque les hommes et les femmes ne sont pas égaux face à cette infraction, ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme ».

Ces questionnements sont également partagés par Eloïse Bouton, ancienne militante Femen, qui indique dans un post Facebook du 20 décembre 2017 avoir été également condamnée pour exhibition sexuelle.

Le problème n’était pas le contenu de son action mais « le simple fait que [s]on propos existe »

Elle indique avoir participé à « une action silencieuse et pacifique […] dont le seul but était de dénoncer les positions de l’église catholique et son ingérence dans la liberté des femmes à disposer de leur corps ».

Elle a cependant été poursuivie en justice et condamnée avant de faire appel puis de porter l’affaire au niveau de la Cour de cassation, dont elle attend la décision.

À lire aussi : Quand les femmes manifestent pour le droit d’être seins nus

Elle critique également cette condamnation, qu’elle pense inégalitaire et qu’elle voit comme un frein à sa liberté de faire ce qu’elle veut de son corps. Elle reproche ainsi à la société d’avoir « réduit [s]on militantisme à un aspect psychologique et invalidé [s]on engagement en le dépolitisant »

Le corps des femmes est-il donc un objet sexuel ou peut-il se détacher de ce rôle qui lui a été attribué ?

Le corps féminin, une arme politique ou artistique

Maître Dosé, l’avocate de Iana Zhdanova a estimé que la Cour de cassation « marque une nette régression en choisissant de punir les femmes se servant de leur corps comme d’une arme politique ou artistique », puisque selon elle la jurisprudence commençait à « considérer que les femmes qui utilisaient leur poitrine dans un but politique ou artistique ne pouvaient être déclarées coupables de ce délit ».

Dans sa publication, Eloïse Bouton partage cette idée :

« Pendant des années, j’ai perçu la nudité comme un outil politique ou artistique. Mais cette condamnation m’a fait réaliser que c’était un combat en soi. »

Et pourtant ! Les femmes ne sont pas les premières à avoir utilisé leur corps comme une arme.

L’ONU a effectivement reconnu en 2008 – bien tard à mon goût – le viol comme étant un crime de guerre, comme le détaille cet article publié sur Le Monde.

Il n’est donc pas nouveau que le corps des femmes soit transformé en arme, seulement que ces corps soient utilisés comme des armes par des femmes paraît beaucoup plus inédit.

À lire aussi : Deborah de Robertis, qui pose le sexe à l’air dans les musées, annonce « Ma chatte mon copyright »

Les femmes aussi ont utilisé leur corps comme une arme

Et je dis bien « paraît plus inédit », car oui, les femmes ont déjà par le passé recouru à leur chair comme outil et levier de changements. Que la notoriété des actions passées est moindre ne rend pas celles des Femen révolutionnaires.

Une compilation de toutes ces actions (entre autres), ces renversements du pouvoir (si, si !) à travers une réappropriation par les femmes de leurs corps existe : il s’agit du livre La Chair Interdite de Diane Ducret.

Si tu ne l’as pas encore lu, je te le conseille vivement, car il traite justement des rôles que peut prendre le corps des femmes ou qui peuvent lui être attribués.

Cette décision de la Cour de cassation et les marques de désaccords qui l’ont suivie mettent selon moi en avant une question non seulement d’actualité mais aussi historique : le corps des femmes peut-il être autre chose qu’un objet sexuel ? Peut-il être autre chose sans être un objet sexuel ?

Pour moi il est évident qu’il devrait l’être, et j’ai malgré cela l’impression pessimiste que la vision que la société a du corps des femmes empêche sa dé-sexualisation. J’attends en tous cas la décision de justice qui suivra le procès à venir avec attention.

Quoi qu’il en soit, l’équipe de madmoiZelle te tiendra au courant à ce sujet !

À lire aussi : Dina, réfugiée digne et bouleversante de la guerre en Libye, raconte son histoire dans EXILÉES


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

21
Avatar de grenouilleau
10 janvier 2019 à 11h01
grenouilleau
@CaraNougat C'est vrai, mais à quoi sert une loi vague?
Je réponds parce que l'article vient d'être rafraîchi par la rédaction, et que ce point me semble vraiment intéressant (j'espère que ce n'est pas considéré comme impoli de répondre un an plus tard ? sinon je supprime) :
une loi vague, à mon avis (et en partant du principe que ce n'est pas une loi mal écrite faite par des incompétents) ça sert justement à laisser aux acteurs (policiers, magistrats, ou n'importe quelle personne qui peut agir sur le fondement de la loi vague en question) à "adapter" son action, a avoir une marge d'appréciation de la loi. Cela permet de donner une marge d'action en fait (pour ne pas entraver l'action par des règlements trop pointilleux).
Ce qui, comme on peut s'en douter, peut évidemment déboucher sur des abus de la part des acteurs en question.
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