C’est notre premier coup de cœur de l’année 2024. Diffusée sur Showtime aux États-Unis et proposée en France sur Canal +, Fellow Travelers suit la rencontre, dans les années 50 en plein MacCarthysme, entre le charismatique Hawkins Fuller (Matt Bomer), héros de guerre qui travaille dans les coulisses politiques de Washington, et le plus jeune et idéaliste Tim Laughlin (Jonathan Bailey), fervent catholique qui voit ses valeurs mises à rude épreuve. C’est le coup de foudre. Les deux hommes entament une liaison à haut risque, alors que le sénateur McCarthy et ses sbires traquent les communistes et les “déviants”.
Si Hawkins est passé maître dans l’art de la dissimulation, s’épanouit dans les lieux de pouvoir et choisit de se marier avec une amie, Lucy (excellente Allison Williams dans un rôle ingrat), pour conserver les apparences, Tim devient militant contre la guerre du Vietnam, puis travailleur social à San Francisco. Les amants maudits se retrouvent et se quittent jusque dans les années 80, où Hawkins se rend au chevet de Tim, atteint du Sida.
La répression homophobe des années McCarthy
Aux manettes de cette adaptation du roman éponyme de Thomas Mallon, on retrouve Ron Nyswaner, le scénariste du film Philadelphia (1993), qui avait marqué un tournant dans la représentation gay à Hollywood. Fellow Travelers est entre de bonnes mains, les mains d’une personne concernée : Nyswaner est gay et il a fait appel à un casting LGBTQ+ pour incarner des personnages LGBTQ+.
Composée de huit épisodes, la série reste classique sur la forme, le récit avance par flashbacks. La reconstitution des différentes époques est soignée. On passe quatre épisodes au cœur des années 50, dans les couloirs de Washington et les cours des tribunaux, où règne une ambiance paranoïaque et étouffante. Tel un Don Draper gay, à la ligne de conduite individualiste, Hawkins se meut avec aisance dans ce nid de serpents, où chacun dénonce son·sa collaborateur·ice. Tim a beaucoup plus de mal à dissimuler sa vraie nature et à prendre des décisions moralement terribles pour sauver sa peau.
La parano culmine avec une scène d’interrogatoire à l’ambiance irrespirable, durant laquelle Hawkins doit passer au détecteur de mensonge. Les cours d’Histoire sur cette époque ont retenu la chasse aux “rouges”, mais trop peu la terrifiante chasse aux homosexuel·les. Fellow Travelers effectue un travail de revisibilisation important à ce niveau.
L’histoire d’amour entre deux personnages secondaires Afro-Américains, Frankie Hines (Noah J. Ricketts), une drag queen fière et déterminée, et Marcus Gaines (Jelani Alladin), un journaliste engagé dans les droits civiques, nous ouvrent les portes des lieux queer clandestins des années 50, et aux brutales descentes de police. L’histoire de ce couple intersectionnel, qui fait face toute sa vie à l’homophobie et au racisme, sert de miroir à celui, au placard, formé par Hawkins et Tim.
Les premiers épisodes mettent aussi en scène un couple de lesbiennes qui subissent les ravages du MacCarthysme. Les décennies et les combats politiques défilent au rythme des retrouvailles entre Tim et Hawkins. On passe du MacCarthysme à la guerre contre le Vietnam, au meurtre d’Harvey Milk suivi des émeutes à San Francisco, jusqu’à la naissance des associations de lutte contre le Sida…
Des scènes de sexe novatrices
Si un soin particulier a été apporté aux personnages secondaires, la série repose sur les performances de Matt Bomer et Jonathan Bailey. Parfaits dans leurs rôles respectifs, ils font des étincelles ensemble. Leur alchimie explose dans des scènes de sexe particulièrement audacieuses et réussies. Jeux de rôles dominant-dominé, fellation, fétichisme des pieds, masturbation à deux sans se toucher, moments d’intimité plus doux, cruising filmé comme un jardin d’Eden gay…
La sexualité gay est dépeinte dans toute sa variété et sa sensualité. Celle de Tim et Hawkins évolue avec le temps et éclaire la dynamique changeante de leur relation amoureuse. “Les scènes de sexe sont très importantes pour moi. Bien sûr, nous avions des coordinateurs d’intimité pour s’assurer de la sécurité des acteurs. Chaque scène de sexe dans notre série fait avancer l’histoire. C’est une histoire d’amour enveloppée dans un thriller politique.” détaille Ron Nyswaner à Pinknews.
La série n’élude pas les sujets moins sexy. Les risques d’addiction, plus élevés chez les personnes LGBTQ+, sont abordés à travers le personnage d’Hawkins, qui lutte contre son alcoolisme toute sa vie. L’épidémie du VIH, qui décima des générations d’hommes gays dans l’indifférence des années Reagan, est au centre de l’épisode final, déchirant. On vous défie de ne pas verser une larme pendant le visionnage de Fellow Travelers, magnifique histoire d’amour contrariée dans la grande histoire LGBTQ+ américaine.
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