C’est une proposition de Manuela Swesig, la ministre allemande aux affaires familiales, membre du SPD, le parti social démocrate : réduire la semaine de travail pour les parents d’enfants de moins de 3 ans. Elle propose une réduction de la durée légale de la semaine de travail de 40 à 32 heures, sans baisse de salaire.
« Équilibrer vie professionnelle et vie personnelle a toujours été difficile, mais nous devons faciliter cet équilibre pour les familles allemandes. Les parents ne devraient pas être désavantagés au travail, et les politiques devraient montrer l’exemple. »
Le parti Chrétien-Démocrate d’Angela Merkel s’oppose à cette proposition, essentiellement pour des raisons financières. Le porte-parole de la chancelière, Steffen Seibert, a répondu que les efforts du gouvernement se porteront plutôt sur le financement de places de crèche et d’allocations.
L’argument de la compétitivité
Ce qui effraie les opposants à cette proposition, outre le financement, c’est l’atteinte à la compétitivité des entreprises allemandes. Une inquiétude exprimée en ces termes par Joachim Pfeiffer, de la CDU : « obliger les entreprises à payer à temps plein des employés travaillant à temps partiel [serait] une attaque à la compétitivité de l’économie allemande ». Rien que ça.
En face, la ministre aux affaires familiales avance également la défense de la compétitivité pour appuyer sa proposition. Selon elle, réduire le temps de travail légal des parents d’enfants en bas-âge « profiterait à l’économie, si davantage de travailleurs formés restaient sur le marché du travail, parce qu’ils peuvent concilier leur activité professionnelle et leur vie de famille ».
« Concilier » n’est pas hiérarchiser
Augmenter la capacité d’accueil des crèches et réduire le temps de travail légal des parents répond à deux visions distinctes :
- Favoriser la garde des enfants est une solution pour les parents qui souhaitent poursuivre leur vie professionnelle. Mais ces parents choisissent de privilégier leur carrière.
- Mais adapter les horaires de travail pendant les premières années de l’enfant, cela relève de la conciliation. Ce que défend la ministre aux affaires familiales, c’est une configuration dans laquelle les parents n’ont pas à choisir de privilégier l’un ou l’autre aspect de leur vie, mais peuvent poursuivre leur carrière professionnelle tout en s’investissant également auprès de leur(s) enfant(s).
Sans compter que cette proposition s’adresse « aux parents » sans distinction, des hommes et des femmes, et vise autant à permettre aux femmes de ne pas subir de décrochage de carrière qu’à permettre aux jeunes pères de profiter eux aussi de leur(s) enfant(s) en bas âge.
Cela change de la situation actuelle, dans laquelle le développement des moyens de garde est surtout une solution avancée pour permettre « aux mères » de confier leurs enfants pendant les horaires de travail, car la garde des enfants reste encore majoritairement la responsabilité des mères.
Une revendication générationnelle
La proposition de la ministre allemande répond tout à fait à la revendication d’un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Comme l’explique Emmanuelle Duez, fondatrice de WomenUp, il ne s’agit pas d’une revendication « féministe » (au sens où elle ne concernerait que les femmes), mais bien générationnelle : les jeunes hommes revendiquent eux aussi le droit à un équilibre entre poursuivre une carrière professionnelle et s’occuper de leur(s) enfant(s).
L’enjeu pour l’économie et la compétitivité des entreprises n’est donc pas de donner aux parents les moyens de « faire garder leurs gosses », mais bien de pouvoir avoir une vie de famille épanouie en parallèle de leur carrière professionnelle.
Et les entreprises feraient bien de comprendre cet enjeu, car s’il faut choisir, il n’est pas dit que « la carrière » l’emporte systématiquement sur « la famille », comme l’attestent les cas personnels de deux personnalités allemandes haut placées :
- Joerg Asmussen a quitté son poste à la Banque Centrale Européenne pour « passer plus de temps en famille ». Il a accepté un poste au sein du ministère du travail.
- Ronald Pofalla a démissionné de son poste de chef du cabinet d’Angela Merkel, pour « raisons familiales » (même s’il s’est, en parallèle, porté candidat à un poste à haute responsabilité au sein de la Deutsche Bahn.)
En France : l’équilibre vie pro/perso au centre du plan d’action pour l’égalité professionnelle
Le 2ème Comité Interministériel aux droits des femmes a débouché sur l’annonce de 45 mesures, dont certaines en faveur de l’égalité professionnelle.
Ce plan d’action prévoit à la fois l’augmentation de la capacité d’accueil en crèches et garderies, mais également une réforme du congé parental, permettant « au 2ème parent » (très majoritairement aux hommes, donc) de pouvoir également consacrer du temps à leur enfant.
Extrait de « 45 mesures qui changent la donne », p. 11
La solution française, portée par le ministère des droits des femmes, tend donc plutôt à la conciliation des temps : la réforme du congé parental telle qu’elle est présentée dans le projet de loi égalité permettrait justement aux deux parents de choisir un temps partiel pendant une durée limitée, tout en bénéficiant du « complément de libre choix d’activité ».
Compte tenu de la position du parti démocrate chrétien au pouvoir en Allemagne, la semaine de 32 heures chez nos voisins, ce n’est pas pour demain…
Les Commentaires
Je ne sais pas comment marche le congé parental en France mais en Belgique mais c'est une bonne alternative : nous avons la possibilité d'avoir jusqu'à 4mois temps plein de congé parental (avec allocation de +-700€ par mois) ou équivalent en 4/5ème, ou en 1/2 temps et ce pour chaque parent de l'enfant. C'est une alternative à laquelle je réfléchis, le seul soucis c'est que si on souhaite un 4/5ème c'est uniquement avec un jour de travail en moins, hors ce qui m'intéresserait ce serait de prester moins par journée de travail.
J'ai lu plusieurs commentaires concernant le télétravail, malheureusement c'est quasiment inexistant (en tout cas en Belgique, je connais quelques personnes qui y ont droit un jour par semaine mais ce sont des exceptions) et encore faudrait-il que l'on exerce une fonction compatible avec le télétravail, ce qui n'est pas mon cas.
Pour en revenir au système belge il est quand même pas trop mal foutu mais ça n'empêche pas en tant que femme d'être discriminée par rapport au sexe quand même. Je me souviendrais toujours de cette recruteuse qui m'avait demandé si j'avais le projet de faire des enfants parce qu'elle avait besoin de savoir si elle pouvait "compter sur moi" ou si j'allais lui poser un congé maternité à peine formée et opérationnelle