Il y a longtemps, je voulais être un homme.
Leur club me paraissait infiniment plus cool que celui des meufs, toujours jugées sur leur apparence, privées de sexe et assignées à des rôles secondaires.
Puis, j’ai ouvert mon esprit au concept de masculinité et j’ai compris que les stéréotypes de genre n’épargnaient personne.
Une bagarre pour une petite bitte
Aujourd’hui, j’ai beaucoup d’empathie pour les hommes, et je pense que les progrès du féminisme passent nécessairement par une remise en cause de ce que le système patriarcal leur impose, à eux aussi.
Un jugement rendu par le tribunal correctionnel de Nantes ce weekend m’a rappelé une fois de plus que les normes de virilité qui pèsent sur les hommes n’ont rien d’enviables, et peuvent être lourdes de conséquences.
L’histoire est celle d’un quiproquo qui serait presque marrant si il n’avait pas basculé dans la violence.
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Les faits, relatés par 20 Minutes, remontent à mai 2018.
En pleine nuit, trois jeunes en voiture tombent sur un véhicule accidenté que deux hommes tentent de redémarrer.
Le trio s’arrête pour leur filer un coup de main mais les deux hommes leur signifient qu’ils ne sont pas les bienvenus.
En voulant repartir, les jeunes sont gênés dans leur manœuvre par l’un de ces plots en béton qui bordent la voie et que l’on appelle aussi des bittes (vous la voyez venir ou pas ?).
Un des jeunes signale aux deux passagers en panne qu’ils ne peuvent pas repartir à cause de « la petite bitte »…
Ces derniers, alcoolisés, pensent alors avoir été traités de « petite bite » et tabassent les bons samaritains jusqu’à l’arrivée de la police.
La violence est telle que les trois victimes auront entre 15 et 45 jours d’interruption totale de travail.
Quant aux deux agresseurs, ils ont été condamnés ce weekend à six mois de sursis avec mise à l’épreuve pour l’un, et six mois d’emprisonnement ferme pour l’autre.
La bite, enjeu principal de la virilité
Être violent (et finir en prison !) pour une histoire de taille de bite, ça peut paraître dingue.
Malheureusement, c’est la conséquence presque logique de la culture de la virilité.
Cette notion, qui est une construction sociale, encourage la dissimulation des émotions masculines (donc la violence) et glorifie la domination physique (donc la violence).
Bref, rien ne doit retenir un homme d’être performant.
La sexualité cristallise ces injonctions, et la taille du sexe passe pour le baromètre de la virilité.
Peut-être à cause du mythe de Priape, ou peut-être en raison d’une fainéantise intellectuelle flagrante, gros pénis = grosse virilité ?
Au club des vrais mecs, la carte de membre (ahahah membre, ahahah) a la forme d’une grosse bite qui pilonne un maximum de vagins. Elle non plus ne doit jamais faillir : elle doit bander dur, longtemps et sur commande.
Au passage, les femmes que doivent conquérir les zizis deviennent des instruments de leur pouvoir, des proies destinées à pénétrées, passives, pour affirmer la puissance du mâle.
Avoir un (relativement) petit sexe serait donc l’apanage de ces hommes pas virils qui, par extension, manquent de force, de courage donc de propension à casser la gueule des autres…
Au point que « petite bite » soit devenu une insulte.
Quand on se retrouve suspecté de ne pas posséder un énorme pénis, il faut donc jouer des poings pour prouver qu’on est bien un vrai homme.
C’est désespérant mais assez logique, finalement.
Requiem pour des hommes sereins
Je sais que pour certaines femmes, conscientes des injustices qui frappent leur genre au quotidien, il peut être difficile d’entendre que les hommes, mêmes les plus violents, sont eux aussi victimes du système.
Je n’ai pas envie de hiérarchiser les souffrances, simplement de rappeler que le système patriarcal qui dessert les femmes dessert aussi les hommes.
Ce sont les deux faces d’une même pièce.
La masculinité toxique ne donne pas aux hommes une excuse pour mal agir, mais cela ne leur donne certainement pas non plus les bonnes conditions pour devenir des personnes respectueuses des autres, et avant tout d’eux-mêmes.
Je continue de croire que c’est en donnant de l’empathie, en déconstruisant les clichés, en reconnaissant la souffrance que ces clichés génèrent, que nous pourrons avancer tous et toutes ensemble.
Bien sûr, il est facile d’être en empathie avec les hommes qui ne correspondent pas aux normes de virilité et en payent les conséquences, ou avec ceux qui se sont fait tabasser à Nantes.
Mais je crois qu’il faut en donner aussi à ceux qui en viennent aux mains pour un quiproquo aussi absurde.
Je ne peux pas croire que se déchainer dans la violence puisse être épanouissant pour qui que ce soit. Pour moi, ces hommes qui se battent pour défendre leur virilité souffrent aussi, de manière évidente.
Je voudrais qu’aucun de mes frères humains n’ait plus à se réduire à ce genre d’extrémité.
Je voudrais rappeler aux hommes qu’ils n’ont pas à se plier à cette pression viriliste, que je les aime tels qu’ils sont.
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Messieurs, vous n’êtes pas votre bite, vous êtes des personnes !
À ce titre vous avez une personnalité, des émotions, des talents… Bref, toutes ces choses fantastiques qui font ce que vous êtes, et pour lesquelles j’accepte encore de vous fréquenter (JE RI-GO-LE).
Votre valeur en tant que personne n’est pas définie par votre capacité à être viril, mais par votre aptitude à être pleinement humain.
Cela commence par vous donner l’amour à vous-même, pour avoir confiance en vous. Ainsi votre ego ne sera pas ébranlé par la moindre petite bitte qui passe, et tout le monde s’en portera mieux.
Et toi, qu’est-ce que tu as envie de dire aux hommes qui souffrent de la masculinité toxique ?
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Les Commentaires
2) C'est quand même un terme de marine ("Billot de bois ou de fonte, à tête renflée, fixé sur le pont des navires, le plus souvent par paires, autour duquel sont enroulées les amarres de bord" qui est passé pas mal dans le langage courant, pour désigner aussi les amarres de quai, comme dans la chanson de Renaud, que cite fort à propos @Artemistigri.
3) Effectivement, "bitte" n'est peut être pas le nom officiel du truc, mais on s'en fout : je parlais de connaître le terme, pas forcément de l'employer à bon escient.
4) Quand je disais "la culture peut parfois nuire gravement à la santé", je pensais assez évident que c'était du 2nd degré... (à propos de "Faut peut-être pas pousser"