J’ai niqué devant une caméra. Qu’on s’entende bien : pas une petite caméra numérique posée sur ma table de chevet, motivée par l’envie de garder mes ébats sexuels en mémoire VHS un dimanche soir où mon mec et moi on se tournait les pouces. Non. J’ai niqué devant une caméra de sécurité, le genre de petits appareils de surveillance discrètement nichés dans les coins sombres des parkings sous-terrains. Enfin, « discrètement nichés » : quand tu as un coup dans le nez et donc, le karma d’une actrice de films X, les petites caméras sont effectivement le cadet de tes soucis.
J’étais en Erasmus, à plus de mille kilomètres de l’homme de ma vie. Ça faisait 6 mois que ma vie sexuelle se réduisait à des petites sessions de sexcam avec mon éphèbe. Du coup, quand il m’a annoncé qu’il venait de prendre ses billets d’avion pour venir me voir, j’ai eu les hormones en ébullition. Je ne vivais plus que dans l’attente de sa venue, à base de petites croix sur mon calendrier comme les enfants qui comptent les dodos qui les séparent de Noël.
Le soir où mon cher et tendre est arrivé, une fête avait lieu dans la grande résidence universitaire de la ville. Après m’être enquillé quelques verres de whisky-coca et avoir bécoté goulûment mon mec façon « sortie de collège à 17h » dans un coin de la salle de réception, ses mains baladeuses sous mon tee-shirt ne m’ont plus suffit. Alors je l’ai pris par le bras et lui ai proposé une excursion dans les sous-sols de notre cité universitaire, direction les parkings sous-terrains.
Je ne me souviens plus du nombre de couloirs que l’on a traversés pour y arriver (j’étais toute guillerette) mais à la fin du labyrinthe, mon dos était comme enfariné par le crépis de tous les murs sur lesquels mon mec venait de successivement me plaquer. J’étais chaude comme la braise, et le petit vent qui caressait ma peau entre mes bas et ma culotte me paraissait être une bourrasque de frissons sur mon corps tout entier. Je n’en pouvais plus. Oui, il nous fallait un endroit où entrelacer nos corps ; pour de bon.
Quand on est tombés sur le grand parking désert à la lumière vacillante, on a su que c’était le bon endroit. Un coup d’oeil malicieux et lourd de sous-entendus en direction de mon copain, et cette fois-ci c’est lui qui m’arrachait le bras pour m’entraîner vers le coin des motos. Non pas que l’univers far-west des bikers du Nevada était notre point faible ; mais il nous fallait un spot pratique, facile à enjamber pour moi, et suffisamment stable pour que l’acte sexuel puisse se faire confortablement.
J’ai choisi la première cylindrée qui s’offrait à nous, et le reste, vous le devinez aisément. Je me suis allongée dessus, et délicatement, mon mec a remonté ma jupe, baissé son pantalon, et nos corps se sont entrechoqués pendant plusieurs longues et délicieuses minutes.
Pile à la fin de notre échange de fluides corporels, on a entendu un grondement sourd qui venait de loin. C’était nos potes, à notre recherche depuis près de deux heures, qui déboulaient de l’autre côté du parking. Ils avaient des extincteurs à la main, qu’ils s’amusaient à actionner partout autour d’eux. En effet, l’esprit embué par l’alcool, ils avaient cru malin de jouer avec les extincteurs dans tous les sens, pour faire du bruit dans le sous-sol et nous retrouver facilement. On a eu le temps de se rhabiller rapidement avant qu’ils ne viennent vraiment à notre rencontre. Puis on est remontés tous ensemble, l’air de rien, pour poursuivre la fête là-haut, laissant des nuages d’eau pulvérisée derrière nous et les bouteilles rouges vidées de leurs agents extincteurs au sol. Je vous livre cette précision, parce qu’elle est très importante pour la suite.
En effet, vous le savez, un extincteur, ça coûte cher – plusieurs centaines d’euros. Aussi, quand le lendemain, les gardiens ont retrouvé les extincteurs gâchés, ils se sont vite mis en tête de retrouver les petits malfrats que mes potes ont été, pour leur faire payer les dégâts. Sauf que ce jour-là, alors que je me remettais péniblement de la soirée de la veille, ce ne sont pas mes potes que la direction a appelé au téléphone. C’est moi.
Au bout du fil, ma coordonnatrice Erasmus me convoquait dans les salles de surveillance du parking. J’étais à la fois inquiète (pour mes potes) et sereine (après tout, je n’avais rien fait). Quand je suis arrivée, elle m’a d’abord accueilli avec le sourire, et m’a demandé, sournoisement :
« On a visionné les vidéos de surveillance pour retrouver les jeunes qui ont joué avec les extincteurs. Mais il y a tellement de fumée autour d’eux qu’on ne distingue que vaguement leurs silhouettes. Vous pouvez peut-être nous aider. Vous avez une idée de l’identité de ces jeunes ? »
J’ai pris alors mon air le plus sérieux et j’ai rétorqué que je n’en savais rien. « Je ne suis pas allée dans les sous-sols hier soir »
.
« Vraiment ? », lança t-elle en me fusillant du regard, avant de m’emmener dans une salle remplie d’écrans de surveillance. Je me suis retrouvée alors entourée d’elle-même, de deux gardiens, du président de l’université et de 3 intendants du bâtiment C. Tous me regardaient sévèrement et quand on m’a fait finalement comprendre qu’une expulsion (autrement dit, un retour en France en fanfare) me pendait au nez, j’ai compris que je m’étais foutue dans de sales draps.
Sans quitter son regard lourd de suspicions, ma responsable directe et son regard pincé ont lancé une vidéo sur un des écrans, images que je n’ai pas tardé à reconnaître : il s’agissait de mon copain et moi, main dans la main, enthousiastes (c’est le moins qu’on puisse dire), se dirigeant vers le coin moto du parking, en titubant joyeusement. CQFD.
Autour de moi, l’inquisition a choisi de lever les yeux, me laissant seule devant ces images en noir et blanc de moi-même, la croupe posée contre le siège en cuir de la cylindrée, les jambes soigneusement écartées, mon copain, debout, au milieu de mes deux pattes. J’étais seule à fixer l’écran, bouche-bée, abasourdie, rouge pivoine, tandis que les autres feignaient d’analyser la semelle de leurs chaussures, comme partagés entre la pudeur devant ces images indécentes dignes d’un film de cul petit budget et la lassitude face à une vidéo qu’ils connaissaient déjà probablement par coeur à force de l’avoir visionnée pour me reconnaître dessus. Heureusement pour moi, la caméra de surveillance n’avait pas enregistré les bruits. Sans la bande-son (et mes vocalises de circonstance), la séquence m’a paru un chouïa moins porno qu’en live, bien que je me suis surprise à trouver ma façon de dégrafer mon soutien-gorge et le balancer derrière plutôt épique. Voilà donc comment je me suis retrouvée à visionner ma partie de jambes en l’air de panthère noire lubrique et assoiffée, dans le contexte le moins excitant et charnel possible.
Évidemment, j’ai failli demander la cassette en partant. Mais là, on m’aurait ptêt vraiment renvoyée en France. Dommage.
— Illustration Timtimsia
Les Commentaires
Et puis je ne parle même pas de l'illustration qui est super réussie