Alice* a fait du cirque pendant sept ans, et elle s’est souvent rendue compte des nombreux stéréotypes qui entourent cette pratique :
« Lorsque l’on dit que l’on pratique le cirque, la première réaction est souvent : « Ah ouais ? Tu sais jongler du coup ? ». Contrairement aux idées reçues, non je ne sais pas jongler, je ne porte pas de nez rouge et je ne me déplace pas en monocycle pour acheter une baguette de pain.
La plupart des gens ne considèrent même pas la pratique du cirque réellement comme un sport : l’image générale est que l’on se fait des blagues à longueur de journée en essayant des chaussures de clowns. Et pourtant, après avoir essayé un certain nombre de sports, le cirque est celui que j’ai trouvé le plus complet ! »
C’est quoi exactement, faire du cirque ?
La pratique du cirque regroupe de nombreuses activités selon les compagnies, les professeurs et les salles. Ainsi, d’après la Fédération Française des Écoles de Cirque et l’Avise :
« Que leurs activités soient fixes ou itinérantes, les écoles de cirque proposent en général des apprentissages autour des cinq grandes familles des arts du cirque : acrobatie, jonglerie, équilibre sur objets, art clownesque, aérien. Cette famille est toutefois moins représentée car elle nécessite des équipements spécifiques. Sont également intégrées, de façon transversale, des activités d’expression et de créativité.
Les enseignements se déroulent sous forme de cours réguliers – dans ce cas l’engagement de l’élève se porte sur une saison –, de stages en fin de semaine ou lors des vacances scolaires (ces formules peuvent être concomitantes). Les niveaux vont de la découverte au perfectionnement. Le travail des élèves est ponctué par une rencontre avec le public, sous forme de séances publiques, de travaux en cours, de spectacles de fin de cursus. »
Alice* a commencé le cirque presque par hasard :
« J’ai découvert ce sport au hasard, en voulant arrêter de glandouiller. J’en avais entendu parler comme quelque chose d’amusant et de passionnant, alors je me suis lancée, n’ayant rien à perdre à part beaucoup de temps ! Les cours sont souvent le mercredi après-midi pour les associations sportives, mais pour les compagnies, les entraînements peuvent être n’importe quand dans la semaine. Ça m’a amenée à avoir cours le dimanche matin de 10 à 13h, ce qui peut parfois s’avérer compliqué…
Il peut se pratiquer dans peu d’établissements en général, la hauteur de plafond devant être suffisante pour suspendre des aériens. Mais sinon il peut se pratiquer dans les maisons de quartier, les gymnases ou encore des chapiteaux pour les plus courageux et résistants au froid !
On y trouve des exercices visant à travailler la souplesse, la force, la grâce. Un échauffement est toujours nécessaire, qu’il soit traditionnel ou sous forme de yoga, et des exercices de musculation font aussi partie du boulot ! Mais le plus intéressant pour moi, et ce pourquoi on fait ces exercices, est le travail sur les aériens : apprendre des figures et les mettre en place, ce qui peut parfois prendre jusqu’à des mois ! »
Amalia s’est quant à elle tout de suite spécialisée dans une pratique circassienne, le fil, avant de se mettre également à la slackline :
« Mon sport, c’est marcher sur un espace très très restreint… C’est-à-dire du fil, qui se pratique dans des écoles de cirque, ou de la slackline, qui se pratique partout. Donc je vais parler de deux sports plutôt qu’un, mais ils sont assez proches.
J’ai commencé par le cirque de 2008 à 2010, il y avait un atelier avec vraiment beaucoup de matos dans mon lycée. J’ai ensuite repris l’année dernière (2013/2014) au Centre Régional des Arts du Cirque de Lomme, où il y a des formations professionnelles mais aussi des cours amateurs, comme celui que je suis. Et j’ai une slackline depuis cet été, parce que je suis partie m’installer à Lisbonne et que j’avais peur que ce soit compliqué de trouver un cirque : la slack, c’est une bonne alternative. »
D’après Wikipédia :
« La slackline ou slack (corde lâche) est une pratique sportive récente s’apparentant au funambulisme. Elle s’en distingue cependant clairement par l’utilisation d’une sangle élastique en polyester, ainsi que par l’absence d’accessoire de type balancier. La sangle utilisée, appelée slackline, est tendue entre deux ancrages (tels qu’arbres, poteaux, points d’ancrage d’escalade …) à l’aide d’un système de tension facilitant sa mise en place. Cette facilitation permet la pratique en milieu naturel ou urbain, voire en intérieur. »
Petit aperçu.
Cela se rapproche donc du fil, une discipline à part entière. Amalia raconte son apprentissage :
« Le fil, c’est beaucoup plus qu’un sport, dans le sens où il y a une part artistique et une méditative. Il faut distinguer deux types de fils : le fil-de-fer est plus court et plus bas que le fil des funambules. Je me situe du côté des fildeféristes et non des funambules. J’ai commencé comme tout le monde avec un fil assez bas, peut-être 50 ou 60cm de haut. Parfois on en voit dans des animations de rue ou dans des centres commerciaux.
Et après, sans compromis, je suis passée à un fil à 1m50. Au début, ça déroute pas mal, le vertige se fait déjà sentir, et surtout il faut apprendre à chuter, pour éviter les accidents. En effet, le fil c’est quand même un câble d’acier, donc ça peut faire mal… Le plus haut fil sur lequel j’ai marché était à deux mètres, et c’était pas si agréable parce que le vertige prenait vraiment trop le pas sur le reste.
J’aime beaucoup pratiquer entre 70cm et 1m, on est déjà un peu en hauteur mais sans que ce soit paralysant, on peut tout tenter à cette hauteur. C’est qu’être fildefériste, ce n’est pas juste marcher. Il y a plein d’exercices et de figures possibles : on peut jouer sur différents rythmes de marches, différentes longueurs de pas, on peut sautiller, sauter, danser ; on peut s’asseoir, on peut s’allonger, se mettre sur les genoux, on peut faire des demi-tours de plusieurs manières, on peut en faire à un, à deux, à plein, avec des accessoires !
Pour ça, le truc, c’est l’équilibre ! Je ne pense pas que ce soit quelque chose d’inné, peut-être que certains ont plus de facilités que d’autres mais ça se travaille. Et ça fait bosser pas mal de muscles. »
Il y a d’ailleurs d’autres pratiques d’équilibres dans le cirque, comme le monocycle, et l’équilibre sur boule ou rouleau américain.
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Des pratiques exigeantes
Alice* a pendant ses sept années de pratique testé plusieurs activités circassiennes, et surtout de l’aérien. Il lui a aussi fallu beaucoup d’entraînements, qui pour elle révèlent que c’est un sport d’équipe :
« Je dirais qu’il est presque impossible de pratiquer le sport seule : la magie vient principalement de la relation que les gens entretiennent. On apprend des autres comme ils apprennent de nous, on s’entraide, on se soutient, et c’est ce qui permet de progresser car on est soutenus et non pas évalués, du moins à notre niveau, en récréatif.
J’ai pratiqué le cirque pendant sept ans et au fil des années je n’ai rencontré que des personnes formidables, qui ne portaient pas de jugement lorsque vous chutiez ou que vous aviez peur de monter sur tel ou tel aérien (vous savez, les trucs qui tombent du plafond, comme le trapèze ou l’anneau). Au contraire, il n’y avait que des personnes qui poussaient à se surpasser, pour donner confiance, nous accompagner jusqu’à ce que l’on réussisse.
J’étais dans une compagnie, et nous n’étions pas asdes sportifs, nous étions pratiquement une famille. C’est cette union qui lors des spectacle décuple la beauté des choses, embellit tout : ce n’est pas que l’amour du sport, c’est l’amour qu’il y a entre nous ! »
Pour Amalia aussi la pratique du fil et de la slackline a été un vecteur de rapprochement :
« Comme pas mal de sports, ce sont des pratiques qui créent des petites communautés. Le fait de pratiquer le fil dans un cirque m’a permis de rencontrer des gens qui sont comme une petite famille, et je pense que ce n’est pas un aspect secondaire, ça fait partie de la pratique !
Il y a beaucoup de communautés de slackline dans diverses villes : même quand on débute c’est facile de trouver des groupes sur Facebook où des gens proposent régulièrement de se retrouver. Et même si vous pratiquez seul•e, vous ne le restez pas bien longtemps car ça attire une foule de curieux qui veulent tester, se renseigner ou juste vous regarder. »
Les filles insistent toutes les deux sur l’intensité du cirque, qui demande un investissement physique important. Alice* s’est ainsi très vite rendue compte de l’intensité de ce sport, et du dépassement de soi qu’il induit :
« Tous les sports mènent à un but, celui de progresser, et je pense pouvoir dire que le cirque n’est pas le dernier dans le domaine. Quand je suis arrivée au premier cours, je me suis sentie un peu bête en voyant les autres virevolter et faire moult cabrioles. J’ai pleinement réalisé que je ne savais que tenir sur mes deux pieds (ce qui est certes déjà bien).
Alors il faut tout apprendre et acquérir des muscles, car contrairement à certaines idées reçues, on n’imagine pas l’énergie et la puissance qu’il faut ne serait-ce que pour monter à cette foutue corde. Il faut aussi combattre la peur, comme lorsqu’il faut se lancer dans le vide avec comme seul appui les mains sur une barre à deux mètres de hauteur.
Et il faut de la souplesse, qui s’acquiert avec un travail long, douloureux et pas franchement agréable sur le moment, ainsi qu’avec ce qui constitue bien évidemment le noyau principal : les différentes figures et enchaînements. En plus de ça, il faut travailler la grâce, le côté artistique.
Alors je crois pouvoir dire que le cirque pousse à se dépasser : en voyant les « grands » on se dit qu’un jour nous aussi on y arrivera… mais on ne se rend pas compte du travail que cela représente, du temps que cela prend et de l’énergie qu’il faut y mettre ! Certains finissaient en pleurs et parfois en vomissant, mais ce n’était pas de la tristesse ou une nausée : c’était seulement que le corps était à bout. Et pourtant on revenait chaque dimanche, pour s’épuiser pendant trois heures.
Car c’est un sport qui prend aux tripes, qui nous fait croire en nous et voir les progrès petit à petit : il pousse à se passionner et tout donner pour progresser. »
Avec le fil et la slackline, le défi est un peu différent :
« Ma slackline fait 2,5cm de large, mais on en trouve de plus larges (5cm) pour débuter.
J’ai l’habitude d’accrocher ça entre deux arbres, c’est très facile, mais la première fois il faut demander conseil. C’est un sport à la mode et facile d’accès, mais il ne faut pas oublier la sécurité ! Sur la slackline aussi on peut faire pas mal de choses, mais il y a beaucoup de types de lignes, et chacune a son usage. Il y en a pour sauter ou faire des tricks, d’autres pour marcher sur de longues distances, d’autres pour débutants…
Ce sont dans les deux cas de bons sports pour renforcer les chevilles, mais c’est dangereux à ce niveau-là aussi ! Je me suis déjà foulé la cheville en tombant mal. »
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Entre sport et art, des pratiques uniques
Pour Amalia, le fil et la slackline sont uniques :
« Ce que j’aime avec le fil, c’est que c’est une pratique conviviale mais qu’il y a aussi un aspect méditatif, parce qu’il faut se concentrer et bien ressentir le fil.
La slackline, c’est encore plus une histoire de méditation de mon point de vue, parce que ça demande vraiment de faire corps avec la ligne. Ce que j’aime, c’est qu’il faut chercher l’équilibre en permanence, et c’est vraiment un jeu entre toi et la ligne, plus que sur un fil. Il y a moins de « spectacle » sur une slackline, je pense que c’est plus sportif de ce fait. »
Alice* insiste sur la dimension artistique de la pratique du cirque :
« La part d’artistique dans ce sport est non négligeable : elle représente pratiquement la moitié des compétences à travailler. Car si on enlève la beauté aux spectacles, il ne reste qu’une troupe de gens en lycra qui grimpent un peu partout et sautent en faisant les fous. Tout a un côté poétique — pas pendant l’apprentissage évidemment, où on ressemble à des crapauds qui gigotent, mais la mise en scène découle des actions effectuées par ces petits batraciens !
Chaque geste, chaque déplacement, lorsqu’il est travaillé et bien effectué, doit être impressionnant, beau ou poétique. Tout est question d’apparence, le but étant de faire rêver, de laisser penser aux spectateurs que la figure que l’on répète depuis deux ans s’acquiert en un claquement de doigts, et c’est cela qui est difficile : faire oublier nos heures d’épuisement ! C’est frustrant, et en même temps c’est la plus belle des satisfactions. Que peut-on espérer de plus que de faire rêver les gens ? »
Pour Alice*, le cirque est un sport qui vaut clairement le détour :
« C’est un sport comme un autre pour certains, une réelle passion pour d’autres. Suite à un problème de santé j’ai dû couper court à mon activité, mais cela reste sans doute l’expérience la plus humaine, la plus vraie et la plus riche que j’ai pu vivre lors de ma courte existence sur cette planète (du moins pour le moment : je ne compte pas lever le pied de sitôt).
Alors venez, venez observer la magie qui s’opère là-bas, prenez-en plein vos mirettes et surtout, continuez de rêver ! »
*Le prénom a été modifié.
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Les Commentaires
Bref, oui ! Un grand oui! On peut débuter le cirque à tout âge. N'hésites pas à te renseigner, sur les clubs mais aussi les stages, on peut en trouver pas mal et ils s'adressent essentiellement aux débutants, donc ça sera l'occasion de voir si c'est vraiment ton truc (parce que des fois entre la théorie et la pratique) . Personnellement j'ai déjà fait un stage de trapèze volant sur une journée, la majorité des gens étaient adultes (et c'était top).
Vive le cirque