Depuis quelques jours, Facebook fait face à une vive polémique. En cause : une modération bien particulière par le réseau social qui ferme les yeux sur la violence émise par certains contenus disponibles sur le site.
En une semaine, plusieurs dizaines de miliers de tweets ont été partagés sur Twitter sous le hashtag #FBRape et pas moins de 40 associations se sont serré les coudes pour militer sur Internet, menées par Lara Bates, fondatrice du Everyday Sexism Project, par Soraya Chemaly, auteure et militante et Jaclyn Friedman, membre de Women, action and the media. Retour sur cette campagne qui a finalement réussi à faire plier Facebook et qui a récolté 220 000 signatures dans une pétition.
Point de départ
La colère a commencé à gronder en début de semaine dernière sur Twitter. En cause, les règles de modération sur Facebook qui interdisent les discours haineux mais ne précisent aucune punition en cas d’incitation à la violence contre les femmes, que ce soit par statuts, photos ou groupes. Parmi ces derniers, on compte « Frapper sa copine parce qu’elle refuse de te faire un sandwich » ou « Viole ton amie pour rire » qui tendent à banaliser les violences faites aux femmes. À ce sujet, Laura Bates explique au Dailymail :
« Je ne peux pas m’empêcher de penser que Facebook doit prendre la responsabilité de s’élever contre la normalisation du viol et des violences domestiques créée par ces pages qui ferment les yeux dessus et les dépeignent.
[…]
Bien sûr les choses ne sont pas aussi simples que de dire « l’un mène à l’autre », mais ça crée certainement une culture dans laquelle le viol et les violences domestiques sont des choses dont on peut rire et se vanter, que ce n’est pas quelque chose à prendre au sérieux. »
Certains de ces groupes ont été supprimés, mais l’arbre ne cache pas la forêt et de nombreux contenus (page ou encore photographies) y sont encore disponibles, dans le même esprit que cette photo accompagnée d’une légende signifiant « Les femmes méritent l’égalité des droits. Et des droites
» :
Mardi 21 mai dernier, une lettre ouverte était publiée ; signée par de nombreux collectifs, associations ou sites féministes, elle expliquait les tenants et aboutissants de cette campagne et sommait Facebook de revoir sa façon de modérer. En voici un extrait traduit en français :
Nous, soussigné-e-s, écrivons pour demander une action rapide, totale et efficace envers la représentation du viol et des violences domestiques sur Facebook. Plus spécifiquement, nous en appelons à vous, Facebook, pour agir sur trois points :
- Reconnaître les discours qui banalisent ou glorifient la violence envers les filles et les femmes comme des discours de haine et s’engager à ne pas tolérer ces contenus
- Former efficacement les modérateurs/modératrices et supprimer les discours de haine basés sur le genre
- Former efficacement les modérateurs/modératrices à comprendre comment le harcèlement en ligne affecte différemment les hommes et les femmes, entre autres en raison de la pandémie de violence faites aux femmes qui a lieu dans le monde réel.
Dans ce but, nous en appelons aux utilisateurs de Facebook : contactez les annonceurs dont les publicités apparaissent sur Facebook à côté de ces contenus qui utilisent la violence envers les femmes, pour demander à ces compagnies de retirer leurs publicités de Facebook jusqu’à ce que le site prenne les décisions ci-dessus pour interdire la haine basée sur le genre.
Un mouvement rejoint par les marques
Et une quizaine de marques (toutes citées sur le site de Women Action Media) ont justement choisi de rejoindre le mouvement, à l’image de Nissan UK, Candypolis, J Street ou encore Nationwide UK. Leurs publicités avaient été vues juste à côté de contenus tournant en dérision les violences faites aux femmes, dans l’encart Sponsored à droite de l’image.
Contactés par des milliers d’utilisateurs du réseau social, ces quelques annonceurs ont alors décidé de ne confier à nouveau leur campagne publicitaire au réseau social qu’une fois qu’il aura pris des mesures à l’encontre de ce genre de contenus. Le but étant donc, tu l’auras compris, de faire du chantage financier : en retirant les pubs, c’est de l’argent qui leur échappe.
Parmi les marques qui ont décidé de ne pas retirer leurs campagnes de Facebook, celle qui a fait le plus parler d’elle, c’est Dove – que certains s’attendaient peut-être à voir réagir en premier tant la marque semble concernée par les femmes et leur acceptation d’elles-mêmes. Sur le site anglais Marketing Magazine, Nicola Kemp nous explique qu’après réception de mails, messages sur leur mur Facebook et sur Twitter sans avoir répondu directement aux utilisateurs des réseaux sociaux, la marque a envoyé un mail expliquant qu’elle ne pouvait pas choisir les pages sur lesquelles leur publicité apparaissait ou non :
« Comme les publicités sur Facebook ciblent des personnes, pas des pages, nous ne pouvons pas sélectionner les pages sur lesquelles apparaissent nos publicités. […] Plus tard, nous allons affiner notre cible pour amoindrir les chances que nos pubs apparaissent sur des pages similaires. »
Facebook plie promet de plier
La campagne soutenue par le hashtag #FBRape n’aura pas été complètement vaine puisque Facebook a promis de prendre des mesures hier, mardi 28 mai, dans un communiqué officiel rappelant qu’ils ont toujours répondu quand on leur a demandé d’intervenir en cas d’attaques haineuses, faisant la rétrospective de leurs engagements. Dans ce communiqué, le réseau social annonce les différentes mesures qu’il va prendre, non sans évoquer la complexité de la situation et combien il aura besoin de la communauté toute entière. Des décisions parmi lesquelles :
- Compléter et mettre à jour les instructions générales que l’équipe en charge des actions des utilisateurs utilise pour évaluer les signalements de violations des standards relevant de discours haineux de la communauté.
- Mettre à jour l’entraînement des équipes en charge de traiter les signalements.
- Prendre en compte de plus en plus fréquemment ceux qui créent du contenu qui n’est pas qualifiable comme « discours haineux », mais qui est cruel ou insensible envers autrui, en insistant pour que les auteurs se montrent derrière le contenu qu’ils créent.
- Encourager la ligue anti-diffamation/anti-haine en ligne et d’autres groupes internationaux avec qui Facebook travaille à inclure des représentantes de la gent féminine pour travailler avec eux sur le sujet.
La campagne #FBRape n’est donc pas restée vaine et espérons que le réseau social au milliard d’utilisateurs trouvera le moyen de régler cette question au plus vite.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires