Amélie vous en parlait déjà dans cet article : aujourd’hui Facebook sort la Bamba et les cotillons pour fêter ses 10 ans sur la Toile. Vous pensez, 10 ans, toutes ses dents, trois tonnes d’articles, des scandales à la pelle, des memes, un film et plus d’un milliard d’utilisateurs… Il y a de quoi faire la danse du soleil.
Après, vous pardonnerez mon manque d’enthousiasme et de frétillement des fesses, mais j’ai une longue histoire de rejet et de déni avec Facebook. Ben tiens : une histoire, c’est exactement ce qu’il me faut pour écrire un article en l’honneur de cette bête des réseaux sociaux, ce nouveau Skyblog, ce rival jaloux et jalousé de Twitter — que dis-je, ce pourfendeur de MSN qui ira pisser sur la tombe de MySpace.
Pour toi, lectorat : retour sur un parcours parsemé d’embûches, de la découverte de l’ère Facebook jusqu’à aujourd’hui.
2009 : « No I don’t fucking have Facebook »
Ce titre n’est pas de la provocation : la provocation, c’était le t-shirt, sur lequel cette phrase s’étalait en grosses lettres, que des amis m’avaient offert afin d’alléger un peu le quotidien chaotique de ma vie sociale, ou plutôt de mon manque de vie sociale. Perle rare que j’étais alors, qui refusait de céder son identité au nouveau monstre bleu et blanc hantant les réseaux ! Brr.
Je n’étais alors pas seule dans mon combat. Nous représentions en 2009 une minorité, certes, mais une minorité qui résistait encore et toujours à l’envahisseur ! Que ce soit, d’ailleurs, par pur esprit de contradiction ou par ignorance et je-m’en-foutisme complet de tout ce qui touche à un ordinateur ou un téléphone trop pointu (comprendre : qui va sur Internet).
En ce qui me concerne, soyons honnête, il y avait une grosse part d’esprit de contradiction. On ne se refait pas. Mais je m’étais pourtant bien inscrite sur Twitter, et je faisais déjà profiter le monde de mes réflexions des plus profondes aux plus inopinées (« Est-ce que les papillons font caca ? »).
D’autres éléments me faisaient tiquer avec Facebook, qui me confortaient dans l’idée que je menais une lutte honorable :
- « Je t’ai cherchée, je ne t’ai pas trouvée » : c’est peut-être juste moi et ma paranoïa de fangirl au passé louche (chut), mais l’idée que des gens que je ne connaissais pas me recherchent fébrilement sur internet suffisait à frapper de tétanie tous les poils de mon corps. Même aujourd’hui, alors que le poids du temps et de la vieillesse qui n’apportent guère la sagesse ont eu raison de mon esprit de résistance juvénile, je ne suis pas inscrite sur Facebook sous mon vrai nom.
- « T’as un 06 ? » n’était déjà pas particulièrement romantique, « T’as MSN ? » me faisait grincer des dents, mais alors « T’as Facebook ? »… Tu vois Katy Perry qui fait sentir son haleine à un tigre dans Roar ? Ben moi, le tigre, j’le bouffe.
- « Pour créer un compte, rentrez votre numéro de téléphone » : une condition sine qua non sur laquelle je faisais pipi de manière métaphorique. Et une condition que je n’ai jamais comprise non plus, parce qu’elle n’apparaissait pas tout le temps et à tout le monde. Je n’ai jamais cédé mon numéro à Facebook. C’EST DÉJÀ ÇA.
- « La protection de la vie privée est périmée » : ce n’est pas la citation exacte de Zuckerberg, mais ça résume ses propos… et ça m’a toujours collé de l’urticaire. Oui, c’est aux gens de faire attention aux informations qu’ils partagent sur le Web sauvage. Mais qu’au moins on ne nous prenne pas pour des dindons : au lieu de balancer des réflexions à deux balles sur l’importance du partage dans la communication… dites « voilà, on va vendre vos infos personnelles pour se faire de la thune ».
- J’aime pas la gueule de Mark Zuckerberg. OUI, DÉLIT DE SALE GUEULE, ET ALORS ?
Oui, je sais que c’est pas vraiment lui, mais MÊME.
2011 : La découverte d’un monde jusqu’ici inconnu
Et puis la défaite arriva. J’avais pourtant résisté à une année en Erasmus où il m’avait été expliqué que «
si tu n’as pas de Facebook, tu n’as pas de vie sociale ». Mais voilà, l’année d’après j’étais encore en vadrouille, je rencontrais des gens géniaux mais fourbes qui crevèrent ma carapace de révolutionnaire ratée à coup de « mais quand tu partiras, comment on fera pour tous rester en contact ? ». La réponse « par mails/Skype » ne fonctionne pas devant des yeux de chaton battu.
En 2011 je créai donc — après moultes réflexions, je vous prie — mon compte Facebook, et tombai ainsi dans la déchéance et le monde perdu du partage de la vie privée. Vous le dites si j’en fais trop. Mais pour moi, une porte s’ouvrit alors sur un monde à part, que j’avais ignoré pendant trop longtemps.
Facebook… Ses moutons et ses quizz bizarres, ses gens qui likent l’annonce d’un décès et ses gens qui annoncent un décès sur Facebook. Sans oublier la typologie des statuts qui n’est pas sans rappeler nos subtils statuts MSN, du message cryptique que personne ne peut comprendre sans aller demander « keski va pa ? » au mode connecté agrémenté du statut « je ne veux pas parler ». AH, MSN. La nostalgie.
Facebook, là-dessus, c’est encore mieux, parce que tout le monde peut réagir en public. Je ne résiste d’ailleurs pas à l’envie de vous (re)partager cette magnifique vidéo de Golden Moustache par (et avec) Adrien Ménielle :
2014 : « Ce que Facebook a changé dans ma vie » et autres joyeusetés
Aujourd’hui, je suis aussi active sur Facebook que je le suis sur les autres réseaux sociaux. Les gens continuent de me chercher, mais depuis que j’ai découvert la tendance du stalking — et que je l’ai testée — ça me touche un peu moins.
Oui, oh, ne regardez pas ailleurs, hein, je sais que vous l’avez fait aussi. Et peut-être pas plus tard qu’hier. Si ! Je vous ai vu, alors que vous passiez l’air de rien sur le compte de votre ex pour aller checker qui c’est cette personne qui rigole à tous ses statuts ! Vous aussi, là, tout le monde sait que vous avez passé deux heures à chercher le compte Facebook de cette ami-e d’ami-e et imaginé des scénarios improbables pour l’« ajouter » sans lui faire peur !
Vous ne trompez personne.
Accessoirement, Facebook, c’est bien pratique pour organiser des trucs, garder le contact avec des gens et leur souhaiter un joyeux anniversaire sur leur mur quand le site vous le rappelle, et ainsi cultiver cette fibre d’amour et de sincérité dans votre amitié à tout jamais. Sauf quand le petit bâtard fait une crise existentielle et décide de rentrer une fausse date d’anniversaire pour tester la force de votre amour.
Aaah, mais je ne serai pas hypocrite, ou du moins sans dépasser mon quota de la journée : aujourd’hui je passe ma vie sur Facebook. Eh oui, elle est loin, la jeune femme au coeur révolté qui jurait qu’elle mangerait des aubergines bouillies avant de souiller ses convictions et son intégrité. Bon, elle ne mange toujours pas d’aubergines (faut pas déconner). Elle est devenue une vieille de 24 ans, pervertie par la société comme le prouve l’iPhone sur lequel elle reçoit la moindre notification, personnelle comme professionnelle.
Au bout d’un moment, il me faut me rendre à l’évidence : Facebook m’a autant marquée que les autres, et nous préférons (presque) tou-te-s oublier MSN et nos Skyblogs comme les ingrat-e-s que nous sommes. Ô rage, ô vieillesse ennemie !
Facebook, happy birthday to you. On n’est pas des chiens.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Je sais que pour les trucs Google on est obligé mais Fb... ?