Aujourd’hui, nous allons causer de ces expressions que nous employons tous les jours – mais qui, cependant, sont aussi vides de sens que n’importe quel discours de remerciements aux César.
« Je n’ai pas mangé depuis mille ans »
À chaque fois que quelqu’un prononce cette phrase pleine de vils mensonges, une licorne meurt dans d’atroces souffrances, quelque part dans le monde. En effet, selon ma voisine de pallier et doctissimo (sources fiables s’il en est – moi y en a rédactrice Web sérieuse (bref)), le corps humain ne peut survivre que trois jours sans boire et quarante cinq jours sans manger (QUARANTE-CINQ JOURS. J’aurais plutôt dit douze heures, mais bon, passons). Par conséquent, lorsque ton estomac criera famine, aie l’obligeance de dire que tu n’as rien mangé depuis un mois et demi. Ça ne sert à rien, mais quand même.
« Mon cuistre de copain ne m’a pas envoyé de SMS depuis 24 heures. Il y a baleine sous gravier. »
Baleine. Sous. Gravier. Dérivée de la mignonne expression « anguille sous roche », qui, elle, se tient parfaitement, ces trois mots ne veulent absolument rien dire du tout. Une baleine ? Sous du gravier ? Seriously ? Tout le monde sait depuis l’invention de Wikipédia que le mot « baleine » est un terme générique qui s’applique à plusieurs espèces appartenant aux sous-ordres des mysticètes et des odontocètes. Et que ces derniers vivent dans l’océan – et non dans un environnement constitué de graviers.
« Ça fait des lustres que je n’ai pas vu Jacques-Henri. Il a toujours de l’herpès ? »
Comme vous le savez sans doute, un lustre n’est pas qu’un truc qui tombe sur la tête de la femme du président dans Mars Attacks luminaire, mais désigne également un intervalle de cinq ans – on peut donc dire « Cela fait des lustres que les locataires de l’Elysée sont de fieffés coquins », mais pas « Il faut d’urgence que je trouve le petit coin, je n’ai pas épanché ma vessie depuis des lustres
». Sauf si vous êtes une force de la nature, bien sûr.
« J’ai refusé d’ingurgiter la bouillie du restau U, ce midi. Du coup, j’ai l’estomac dans les talons. »
Je n’ai pas fait médecine – ni passé un bac S, mais la probabilité pour que, terrassés par la faim, nos estomacs se décident à migrer vers nos talons me semble assez réduite, quoi qu’en dise ma grand mère lorsque nous lui faisons part de notre état d’inanition (« Si tu veux avoir l’étalon dans l’estomac, mange du steak de cheval (ou des lasagnes surgelées) », nous dit-elle sans cesse). Toutefois, cette expression me fait penser à une charmante histoire que nous contait mon prof d’histoire médiévale : un chevalier, un jour, se réveilla fort malade : ses intestins étaient descendus au niveau de ses testicules, ce qui était bien douloureux pour monter à cheval. Il alla voir une sainte dont j’ai oublié le nom, qui lui dit d’aller voir le premier forgeron, de poser ses bijoux de famille atrophiés sur son enclume et de lui demander de les frapper avec sa plus grosse masse. Le chevalier obéit, car il est sans peur et sans reproche : et à l’instant fatidique, ses organes se rétractent sous le coup de la terreur. Ainsi, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
« Mes résultats aux partiels ne vont pas casser trois pattes à un canard »
Le canard est, comme tout zoziau qui se respecte, pourvu de DEUX pattes. Pour casser trois pattes à un canard, il faudrait donc convoquer un généticien fou qui changerait ses données biologiques et lui ferait pousser une papatte supplémentaire – un sacré boulot, en somme.
« Tu as un rhume ? Mais, ma pauvre fille, on s’en fout comme de l’an quarante ! »
L’origine de cette expression est relativement trouble : selon Nelson Monfort et Wikipédia, elle viendrait du fait que nos ancêtres les Gaulois-es avaient très peur de l’an mille – et ne se considéraient comme sauvés de la fin du monde que quarante ans après le nouveau millénaire. Aujourd’hui, rendons grâce à l’an quarante, qui n’a pas été des plus rébarbatifs : Caligula a fait assassiner Ptolémée ; au Vietnam, les Annamites se sont révoltés contre les Chinois, et Octavie, fille de Messaline et Ptolémée, est née. La prochaine fois que vous parlerez d’un évènement anecdotique, dites plutôt « Je m’en fous comme du 1er mars 1994 » (date de naissance de Justin Bieber).
« J’ai la tête dans le cul séant »
Désolée, mais non, ce n’est pas possible. Contrairement aux stylommatophora (autrement connus sous le nom d’escargots), nous n’avons pas cette chance qu’ont les mollusques de se contorsionner dans tous les sens. Toutefois, si tu tiens vraiment à plonger ton nez dans des latitudes exotiques, tu peux toujours demander des cours à une contorsionniste. Bon courage, jeune Padawan. Et prends garde à ne pas t’étouffer.
En me nommant Alfrédette, mes parents m’ont donné un prénom « à coucher dehors »
À l’origine, cette expression désignait ces gens qui n’avaient pas un prénom chrétien, et qui, il y a quelques siècles de cela, se faisaient bouter de chez tous les aubergistes – jusqu’à n’avoir d’autre choix que celui de dormir dehors. Par la grâce de la modernité, cette époque barbare est révolue : d’ailleurs, aujourd’hui, nous pouvons tout à fait nous nommer Jean-Kévin sans que cela ne porte à conséquence.
« J’ai fait des yeux de merlan frit à mon chargé de TD pour qu’il aie pitié et qu’il augmente ma note en exposé »
OÙ SONT-ILS ?
Et toi, quelles sont les expressions que ton premier degré ne peut supporter ? Viens nous narrer tout cela dans les commentaires. Bisous bisous.
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Les Commentaires
Très bon article