C’est une victoire pour la militante féministe et journaliste Éloise Bouton. Ce jeudi 13 octobre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu son arrêt : la France a été reconnue coupable d’une violation de l’article 10 de la Convention, qui garantit le droit à la liberté d’expression, et devra verser à la requérante 9 800 euros (dont 2 000 pour dommage moral).
Un soulagement pour Éloïse Bouton, qui a salué ce verdict en sa faveur, qui reconnait que son action avait bien une visée politique :
Neuf ans de combat devant la justice
Petit retour en arrière : alors membre des Femen, Éloïse Bouton avait tenu le 20 décembre 2013 un happening dans l’église de la Madeleine à Paris pour dénoncer les positions anti-IVG de l’Église catholique. Devant l’autel, elle était apparue la tête coiffée d’un voile bleu et d’une couronne de fleurs, seins nus et la poitrine marquée d’un « 344e salope », en référence au Manifeste des 343. L’image avait été largement reprise dans les médias et s’inscrivait dans un contexte de dénonciation des atteintes au droit et à l’accès à l’IVG :
Une plainte avait été déposée contre elle par le prêtre de la paroisse.
Éloïse Bouton a été condamnée en décembre 2014 pour exhibition sexuelle à un mois d’emprisonnement avec sursis et à payer au représentant de la paroisse un montant de 2 000 euros au titre du préjudice moral. Une peine confirmée en appel en février 2017. En 2019, la Cour de cassation a finalement rejeté son pourvoi.
Seule issue possible pour la militante : se tourner vers la CEDH afin de faire condamner la France, démarche qu’elle a donc entamée dès 2019 dans le but de faire entendre la dimension politique de son action.
Dans son appréciation, la CEDH a déclaré considérer que « que la condamnation litigieuse, qui s’inscrivait dans le contexte de la « performance » militante de la requérante, a constitué une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression protégé par l’article 10 § 1 de la Convention. »
La CEDH a aussi rappelé que « l’action de la requérante à laquelle aucun comportement injurieux ou haineux n’a été reproché, quelque choquante qu’elle ait pu être pour autrui eu égard à la nudité qu’elle a imposée dans un lieu public, comportement sanctionnable en vertu du droit pénal interne, avait pour seul objectif de contribuer, par une performance délibérément provocante, au débat public sur les droits des femmes, plus spécifiquement sur le droit à l’avortement. »
Après avoir quitté Femen en 2014, Éloïse Bouton a fondé Madame Rap, média indépendant consacré aux femmes et aux minorités de genre dans le rap.
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Crédit photo : Madame Rap (capture)
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