Le 29 octobre 2018
Si je témoigne aujourd’hui c’est pour parler de mon ex.
J’ai eu le privilège de passer deux ans de ma vie en sa compagnie avant que, finalement, il ne décide d’entrer au séminaire. Pour devenir prêtre.
Alors, comment se retrouve-t-on dans une situation si cocasse ?
Est-ce que je savais que mon ex allait devenir prêtre ?
D’abord, il est important de préciser que je n’ai pas rencontré l’ancien élu de mon cœur dans un cadre religieux. Nous nous sommes connus pendant nos études. J’étais au courant ses croyances et j’étais étonnée de rencontrer quelqu’un de pratiquant. Jusqu’à lui, je n’avais rencontré que des croyants agnostiques.
Avant que nous nous mettions ensemble, je lui avais demandé s’il avait envisagé de devenir prêtre et il m’avait répondu « oui, il y a longtemps ».
Puisqu’il en parlait comme d’une période révolue, j’ai cru que ça lui était passé.
Les relations sexuelles et charnelles avec un futur prêtre
Au début de notre relation s’est posée une question : celle des relations sexuelles. Pour moi, c’était une évidence qu’une fois en couple, on allait pratiquer du sexe.
Pas pour lui : il faisait partie de ces personnes qui attendent le mariage. Pourquoi pas… Sauf que moi, je ne m’étais jamais posé cette question, qui me confrontait déjà à des problématiques d’avenir. La sexualité sous-entendait un engagement fort.
Finalement, je lui ai laissé le temps et c’est lui qui a désiré faire sa première fois avec moi. Il a très vite parlé mariage, ce qui me faisait peur au début.
Avec le temps, je suis tombée follement amoureuse de lui ; passer toute ma vie en sa compagnie devenait une évidence. Je me souviens que la deuxième fois que nous avons couché ensemble, il m’a dit au réveil : « J’ai de la chance de t’avoir épousée ». Lapsus révélateur…
Les relations charnelles que nous pratiquions étaient très épanouissantes. Néanmoins, son rapport à la religion a fini par me faire culpabiliser.
Voyant cet acte hors mariage comme un péché mortel, il me remettait la faute du désir sur les épaules, j’étais une espèce de tentatrice. J’essayais de me mettre à sa place mais je ne comprenais pas sa position. J’ai mis beaucoup de temps après notre séparation à me reconstruire sexuellement à cause de cela.
Son rapport à la religion dans notre couple
Quand je l’ai rencontré, j’étais agnostique. J’ai été baptisée jeune, mais je n’ai pas été élevée dans la religion avec les cours de catéchisme et cætera.
Aller à la messe, c’était une habitude qu’il avait tous les dimanches. Moi, à part deux fois au collège catholique où j’étudiais, je n’avais jamais vraiment assisté à un office. Mais pour lui, la base d’un couple était autour de la foi, et j’ai commencé à l’accompagner à la messe le dimanche. C’était important pour lui, il était important pour moi, il fallait donc que je m’intéresse à cette part de sa vie.
De fil en aiguille, la contrainte est devenue une habitude. J’ai reçu la première communion et la confirmation parce que j’avais vécu une incroyable conversion.
Avec du recul, c’est difficile pour moi de dire si je l’ai fait pour lui ou pour mes réelles convictions…
J’ai changé durant cette relation, pas forcément en mal, plutôt en ce qu’il voulait que je sois. J’ai changé ma façon de m’habiller, de me maquiller, de voir le monde. J’ai été absorbée par un univers qui m’était étranger, dont je devais apprendre les coutumes pour m’intégrer.
Mais il était l’amour de ma vie. Enfin, c’est ce que je croyais.
Vivre « dans le placard » d’un futur prêtre
Je n’ai jamais rencontré sa famille.
Mes parents sont divorcés, ça ne correspondait pas à son schéma de vie idéal, au modèle auquel il aspirait. Chez lui, on ne présente pas sa copine, on présente sa fiancée. Mais on ne peut pas se fiancer si on n’a pas une situation, il faut attendre la fin des études.
Donc j’attendais… C’était long.
C’était difficile de savoir que personne ne connaissait mon existence chez lui. Que pour ses proches, je ne faisais pas partie de sa vie, je n’existais pas. J’ai cru que je n’étais pas assez bien, donc je voulais encore plus être acceptée, apprendre les codes.
Je sentais que quelque chose n’allait pas mais je ne savais pas quoi. Je pensais que c’était moi le souci. Alors que le souci, c’était qu’il était bloqué dans une vie qu’il ne désirait pas.
Mon ex avait un grand sens de l’engagement. Pour lui, on était pratiquement mariés.
Si je n’avais pas posé la question, peut-être qu’il ne m’aurait jamais dit qu’il se demandait s’il n’aspirait pas plutôt à une vie religieuse…
Je l’aimais tellement et pourtant il m’échappait. Il s’éloignait.
Je sentais qu’il subissait notre situation. Quand je lui ai demandé ce qui n’allait pas, on s’est mis d’accord sur un délai pour qu’il puisse prendre sa décision.
Au bout d’un mois de réflexion, il m’a dit que sa vocation était trop forte, qu’il devait essayer.
Que faire ? Eh bien l’aider.
Je l’ai accompagné dans son choix de séminaire, de la communauté qui lui conviendrait le mieux, celle dans laquelle il pourrait s’épanouir.
Ce que cette relation m’a apporté
Ça fait deux ans que nous sommes séparés.
Je n’ai plus de nouvelles et je n’en veux pas. J’espère sincèrement qu’il s’épanouit dans ce qu’il fait. J’en suis pratiquement convaincue.
Quand je repense à notre histoire, aujourd’hui, j’en tire principalement du positif. Je suis heureuse de l’avoir connu, et d’avoir appris à me connaître. Je suis fière aussi d’avoir réussi à le laisser partir.
Aujourd’hui j’ai rencontré quelqu’un. Je me sens bien. J’ai mis un an avant de pouvoir considérer être avec quelqu’un d’autre. Je crois que je l’attendais. J’attendais de savoir s’il était sûr, ou si l’allait revenir.
Cet homme m’a aidée à m’aimer, à aimer mon corps que je ne respectais pas — certes à travers sa vision religieuse, mais c’était une belle vision, de mon point de vue.
Peut-être qu’un jour, on se reverra. Peut-être qu’il baptisera mes enfants.
Qui sait ? Après tout, mon ex va devenir prêtre.
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