— L’image d’illustration a été prise avec l’application FaceApp
Assurément, vous êtes une personne — et vous pourriez décrire votre personnalité, là, tout de suite, au moment où je vous parle, vous pourriez vous définir comme quelqu’un d’extraverti, de timide, d’inquiet, d’enthousiaste, d’aimable…
Si je vous demande de vous projeter, pensez-vous rester la même personne dans le futur ? Vous me voyez sans doute venir : notre personnalité est-elle stable ?
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Les sciences humaines étudient depuis longtemps l’idée de « personnalité » — si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à jeter un œil aux articles de Cerveau&Psycho ou à ce manuel qui envoie du bois.
Une recherche de 63 années sur le changement de personnalité
En 2016, une recherche sur le sujet (dont les résultats sont accessibles dans la revue Psychology and Aging) suggère que notre personnalité pourrait être bien différente à 14 ans ou à 77 ans…
Pour parvenir à cette analyse, le chercheur Matthew Harris et son équipe ont mesuré des personnalités sur une période d’étude exceptionnellement longue : 63 ans.
Notre personnalité pourrait être différente à 14 ou à 77 ans.
Tout a commencé en 1950 (sans Matthew Harris et son équipe) : à l’époque, un groupe de chercheur•ses propose à des enseignant•es d’évaluer la personnalité de 1208 élèves âgé•es de 14 ans.
Pour ce faire, un questionnaire (qui mesure la confiance en soi, la persévérance, la stabilité de l’humeur, la conscience, l’originalité et le désir d’apprendre) et des tests « d’intelligence » ont été mis en place.
Plus d’un demi-siècle plus tard, en 2012, l’équipe menée par Matthew Harris parvient à retrouver une partie de ces ancien•nes élèves (635, pour être précise). Parmi eux, 174, âgé•es alors de 77 ans, sont partant•es pour prendre part à une nouvelle expérience…
Cette fois, les chercheur•ses proposent aux 174 volontaires d’évaluer eux-mêmes leurs propres personnalités : chacun doit répondre aux mêmes questions qu’en 1950, puis remplir un test d’intelligence et, enfin, est interrogé sur son « bien-être général ».
En parallèle, les participant•es doivent également demander à un•e proche de les évaluer sur ces mêmes échelles. De cette manière, les scientifiques obtiennent deux types de données.
Les personnalités évolueraient au fil du temps
Au moment de l’étude, Matthew Harris s’attend à ce que la personnalité soit relativement stable au cours de ces 63 années ; c’est l’hypothèse sur laquelle est construite l’étude. Mais, à la surprise générale, les résultats suggèrent plutôt l’inverse…
Dans cette recherche, il ne semble pas exister de corrélation significative entre les évaluations de personnalité à l’âge de 14 ans (réalisées par les enseignant•es en 1950) et celles à l’âge de 77 ans (faites par les sujets eux-mêmes et par leurs proches).
La vie nous changerait !
Est-ce que cela veut dire que nos personnalités changent du tout au tout entre notre adolescence et le jour où l’on devient un senior ?
Pas tout à fait : pour l’équipe, cette recherche pourrait simplement signifier que nous évoluons, que nous ajustons nos personnalités en fonction de ce que nous traversons — nous ne sommes ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait différents.
Pour l’équipe, la personnalité semblerait stable si on la mesure à de courts intervalles — entre 18 et 20 ans, puis à 23 ans, etc. Plus l’intervalle entre deux mesures serait long, plus la personnalité pourrait sembler différente : la vie nous changerait !
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Un résultat à nuancer
Toutes les études scientifiques ont un certain nombre de limites — celle-ci n’y échappe pas. D’abord, depuis les années 50, les théories liées à l’idée de personnalité ont beaucoup évolué.
Aujourd’hui, il existe un « consensus » (relatif, hein — et discutable selon certain•es) autour de l’idée que la personnalité pourrait être constituée de cinq traits, mais ce n’était pas le cas dans les années 50 : est-ce qu’il est possible qu’avec des outils de mesure plus modernes, la corrélation existe toujours ?
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Le deuxième bémol est d’ordre méthodologique et les chercheur•ses n’y pouvaient pas grand-chose.
En 1950, ce sont les enseignants qui évaluaient la personnalité des élèves.
Le fait est qu’en 1950, ce sont les enseignant•es qui ont évalué la personnalité des adolescent•es, ce qui peut amener certains biais (les professeur•es peuvent avoir des préjugés à l’égard des élèves, leurs perceptions peuvent être teintées par les performances scolaires des enfants, etc.).
Vous allez me dire : mais pourquoi donc en parler si ce n’est pas sûr-sûr-gravé-dans-la-roche ?
Parce que la recherche c’est aussi (surtout ?) ça : tâtonner, trouver des choses qui amènent des questionnements et de nouvelles études… pour, peut-être, obtenir une meilleure connaissance de notre propre espèce, de ce qui nous meut, de ce qui nous façonne !
Pour aller plus loin :
- Un article du Research Digest
- Un article de Science Alert
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Les Commentaires
Ça aurait été interessant aussi de voir les réponses au questionnaire, ou des bribes de témoignage genre "quand j'avais 17 ans mon père est mort et j'ai compris que la vie était courte et j'ai fait le tour du monde et suis devenu beaucoup plus ouvert", ou "je me suis retrouvé sans un rond suite à une partie de poker et j'ai commencé à voter à gauche" ou "j'ai rencontré quelqu'un qui au fil des discussions m'a fait voir le monde autrement" ou "je déstestais les gays mais en fait je refoulais mon homosexualité" ou "un chinois a tué ma soeur et je suis devenu raciste", soyons fous, les changements se font pas toujours dans le bon sens.