Publié initialement le 3 août 2012
Si tu es une madmoiZelle, il y a aussi de fortes chances pour que tu sois/ait été/devienne bientôt une étudiante. Un peu comme Séverine, qui a achevé ses études d’ingénieur, Tatiana, qui termine son DUT de chimie, et Justine, qui est en école d’infirmière. Sauf que ces trois nanas portent un chapeau à pin’s pendant les soirées et ont des surnoms chelous.
Du coup, j’ai demandé à Séverine a.k.a Qqi T, Tatiana a.k.a Koupirovf 117 et Justine a.k.a Joach de me causer un peu de leur vie !
La faluche, premier contact !
Dis bonjour à la dame !
- Salut les filles, ils sont sympas vos chapeaux à pin’s ! C’est quoi exactement ?
Séverine : C’est une faluche, la coiffe des étudiants français. Elle est apolitique, aconfessionnelle, indépendante et asyndicale. Elle aurait été rapportée en France après un congrès d’étudiants qui a eu lieu à Bologne, en Italie, le 12 juin 1888. Ils portaient des coiffes aux couleurs de leur fac, et ils ont trouvé le concept sympa.
Tatiana : Les faluchards, c’est d’abord des étudiants ! C’est une grande famille, un grand réseau de personnes qui portent un chapeau, se rencontrent, font la fête et perpétuent une tradition.
- C’est pas très connu tout ça. Comment vous avez eu l’idée de faire partie des faluchards ?
Séverine : On ne fait pas d’affichage, ça fonctionne par le bouche-à-oreille. J’ai connu des faluchards en médecine, j’aimais le concept, mais je n’avais pas accroché avec les personnes. Par la suite, j’ai rencontré des gens super et l’ambiance m’a plu. J’ai attendu 9 ans avant de me faire « baptiser ».
Tatiana : Si je n’avais pas fait d’associatif, je n’aurais peut-être pas de faluche. J’ai rencontré ces gens à chapeaux pendant la formation du BDE de mon IUT, je leur ai posé plein de questions. J’ai traîné avec eux pendant 3 ans et demi avant de me faire falucher.
Justine : Au moment de mon intégration en médecine, j’ai vu des gens avec des chapeaux qui avaient l’air sympa. À l’époque, j’avais pas le temps mais je m’étais renseignée sur Internet et ça me plaisait. Je suis allée à un apéro faluchard et j’ai accroché.
Devenir falucharde, mode d’emploi
- Okay, donc vous avez kiffé et décidé d’être faluchardes. Concrètement, on fait quoi ?
Justine : À ce moment-là, on nous appelle les impétrants. On doit se trouver un parrain et une marraine de faluche, des faluchards avec qui on s’entend bien ! C’est des confidents, on aura vraiment une relation privilégiée donc il faut les choisir soigneusement, même si dans certaines villes ils sont imposés. On a la notion de famille en faluche : avec Tatiana, on est « cousines » parce qu’on a un parrain en commun.
Tatiana : Mon parrain, c’est lui qui m’a lancé dans l’associatif, il m’avait dit qu’il aimerait bien avoir ce rôle ! Et sa marraine, c’est Séverine !
Séverine : Ma marraine, c’est un mec ! Ils ont un rôle un peu éducatif, ils sont là pour te préparer à ton baptême.
- Ça se passe comment, un baptême faluchard ?
Séverine : Son déroulement est tenu au secret ! Il faut que ce soit la surprise pour l’impétrant qui se fait falucher, sachant que le but, c’est qu’il s’en souvienne de façon positive. Chez nous ça se passe sur une soirée, il y a quelques épreuves, on va te demander d’apprendre des chansons et de connaître le code de la faluche.
Tatiana : J’en garde un super souvenir. Tu n’en connais pas toujours la date, même si on s’en doute un peu ! Les gens qui deviennent faluchards le même jour que toi sont tes « frérots » ou « sœurettes ». Pendant le baptême, ou après, on te donne ton surnom, par rapport au déroulement de la soirée, à ta vie perso, tes origines… C’est plein d’acronymes et de jeux de mots.
Décryptage de la faluche, cet objet mystérieux
- Après votre baptême, vous portez un truc pas du tout discret, la faluche. Ça ressemble à quoi ?
Séverine : C’est un chapeau en velours avec des pin’s et des rubans qui ont une signification, un peu le « CV » de l’étudiant. Il y a un code national et des particularités pour les villes. La mienne, je l’ai achetée vierge.
Justine : Avec Tatiana, notre faluche a été « faite maison » par notre parrain ! Et on doit tout coudre à la main dessus ! C’est un souvenir, on y est super attachées, pour sa valeur sentimentale mais aussi pécunière (on achète les pin’s), et parce qu’on en a bavé sur les coutures !
- Et ça veut dire quoi, tous ces pin’s et ces rubans ? À toi Séverine !
C’est la faluche de Justine qui joue les mannequins !
- La base, le circulaire : avec le nom de la personne, ses initiales, quel bac elle a passé et l’année où elle l’a eu. Pour le ruban, il y a un code couleur selon ta filière. Il est en velours pour les étudiants en santé, en satin pour les autres. Par dessus, il y a les emblèmes de discipline, qui décrivent ta scolarité (réussite, redoublement, etc.)
- Une partie personnelle : il y a les surnoms de tes parrains, les insignes de ce que tu aimes, éventuellement ta devise.
- Une partie (souvent un écusson) avec ta province ou ville de naissance.
- Une partie associative, avec des rubans de couleur : si tu fais partie d’une association étudiante ou d’un BDE.
- Une partie avec tes villes d’études.
- Une partie officielle, avec ce qu’on te décerne.
- Une partie pour les voyages et échanges.
- Une sécurité, pour éviter de se la faire voler : il y a des gens qui ne nous aiment pas et qui piquent les faluches.
- L’intérieur, le « potager » : l’endroit où tu mets ce que tu ne veux pas que tout le monde sache. Théoriquement il faut l’autorisation de son proprio pour regarder dans une faluche.
La vie de la falucharde : let’s get the party started...
- Maintenant que vous avez votre chapeau sur la caboche, vous faites quoi ?
Séverine : C’est du partage, de l’entraide, et de la fête. Dans chaque ville, il y a des associations faluchardes qui organisent des événements. À Lyon, il y a un apéro faluchard une fois par semaine. C’est pas du tout obligatoire et tu peux aussi venir si tu veux juste poser des questions. On se déplace parfois pour faire les apéros des autres villes ! Il y a aussi les repas de filière, l’anniversaire de la faluche chaque année, et les week-ends de congrès organisés par chaque ville.
Justine : Le congrès, c’est souvent en camping, l’hiver dans des gîtes. On est habillés complètement à l’arrache, parfois déguisés. Ça commence par une soirée le vendredi. Le samedi, on fait des activités, l’après-midi il y a des événements de faluche, genre « mariage » (pour le délire, entre faluchards de plus de six mois) ou « enterrement » (quand tu décides d’arrêter). Le samedi soir, c’est apéro avec toutes les spécialités locales, puis soirée.
Le code du faluchard
- En tant que faluchardes, vous avez des obligations, des règles ?
Justine : On doit respecter nos aînés faluchards, et notre faluche. Elle doit rester dans son domaine étudiant. Et on doit se tenir bien dans les événements publics : si tu as une conduite déplorable, on peut te reprendre ta faluche (même si c’est très rare). En fait, on passe pour des marginaux alors qu’au final c’est assez structuré. On se fait falucher par choix, donc on accepte les contraintes, et puis c’est pas le bout du monde.
- Est-ce qu’il y a une hiérarchie « officielle », un support écrit qui vous aide ?
Séverine : Beaucoup de choses se transmettent à l’oral, d’où l’importance de la tradition, mais le code évolue. Il y a un code écrit des faluchards (que tu peux trouver sur Internet), national et par ville. Il n’y pas de vraie hiérarchie, mais des « grands maîtres » (GM) dans chaque filière, qui officient aux baptêmes, recadrent les gens. Ce sont des gardiens de la tradition.
Pour Justine, « la plus grosse contrainte, c’est le regard des autres »
- Est-ce que vos parents savent que vous êtes faluchées ? Qu’est-ce qu’ils en pensent ?
Tatiana : Ils ont un peu flippé, mon père trouvait ça un peu sectaire. Je ne leur ai dit qu’après, quand j’ai demandé à ma mère de m’expliquer comment coudre ma faluche. Je leur ai expliqué, et puis ils savent que ça ne m’empêche pas de travailler donc ils me font confiance.
Séverine : Ils sont au courant, tant que je passe mes diplômes ça va. Mais mon frère est violemment anti-faluche, il m’a dit que j’allais être « la honte de ma famille ».
- Et vos potes d’avant la faluche, quelle a été leur réaction ? Est-ce que vos relations ont changé ?
Tatiana : Certains gardent en tête le préjugé du faluchard alcoolo. D’autres sont un peu sceptiques mais voient que je suis bien dedans. Mais je n’ai pas l’impression de voir moins mes amis non faluchards comme certains le craignaient, et je ne pense pas avoir changé, ou alors plutôt en bien.
Séverine : On s’est éloignés, mais c’est plus une question d’horaires incompatibles et de distance géographique. Mais ils viennent aux apéros, ils se mélangent aux faluchards, ça ne gêne personne.
- Cette image d’étudiants fêtards, gros buveurs… Vous la vivez comment ?
Séverine : Tout le monde a des détracteurs, nous c’est parce qu’on a un chapeau et que c’est pas dans la norme. Forcément, entre deux étudiants qui finissent dans un sale état, tu retiendras celui qui avait un truc sur la tête. Mais il y aussi des faluchards qui ne boivent pas, par choix ! Ils ont un insigne spécial, le Bacchus troué.
La faluche bienheureuse face à la réalité étudiante
La faluche regarde vers l’avenir !
- Aller aux apéros, aux congrès, aux baptêmes… Tout ça prend du temps, vous faites comment pour gérer la faluche avec vos études ?
Justine : Le premier commandement, c’est « un bon faluchard est un faluchard qui réussit ses études » et qui est diplômé. Par exemple, j’avais demandé à ce que mon baptême soit après mes partiels, qui étaient ma priorité.
Séverine : Que tu aies une faluche ou pas, si t’as envie de faire la fête, tu trouveras le moyen de la faire. C’est sûr qu’avec la faluche, il y a plus de tentations, mais c’est la responsabilité de chacun qui entre en jeu. Et c’est rare qu’on aille à tous les apéros et tous les week-ends.
- Financièrement, acheter des pin’s et faire des voyages, ça revient pas trop cher ?
Justine : C’est souvent là que se trouve la limite. On reste des étudiantes fauchés. Du coup, on va peut-être travailler pendant les petites vacances pour pouvoir se payer ça, parce que ça nous fait plaisir.
Séverine : Le prix d’un week-end est relativement accessible : à 40-50 euros avec logement, repas et boisson, on se débrouille. Et les gens s’organisent en covoiturage pour réduire les frais.
- En résumé, la faluche, ça vous apporte quoi par rapport à une étudiante « lambda » ?
Tatiana : Je suis peut-être un peu plus ouverte, un peu plus sûre de moi. Et c’est un vrai réseau, on passe beaucoup par Facebook et ça facilite les choses. L’année prochaine, je vais faire mon alternance à Paris, donc je vais faire marcher les pin’s pour trouver un coin de canapé où dormir ! Il y a une confiance mutuelle, on se connaît tous plus ou moins. Je pense rester en faluche au moins 2-3 ans après avoir fini mes études. Mais il y a même des faluchards de 80 ans !
Justine : C’est la famille qu’on s’est choisie. On est tous arrivés dedans parce qu’on avait envie de rencontrer des gens, ça permet de s’ouvrir, surtout en école d’infirmières où on reste assez fermés sur nous-même. Et pour voyager, tu passes 3 coups de fil et c’est parti !
Séverine : C’est une autre manière de vivre sa vie étudiante. C’est l’occasion de sortir de ta filière et de rencontrer les gens que tu n’aurais pas forcément côtoyés à la fac. Je pense que tu es falucharde parce que tu as l’esprit ouvert et que tu veux connaître des choses.
Il y aussi beaucoup d’entraide et c’est un réseau qui perdure dans la vie active. Même si forcément, tu ne peux pas aimer tout le monde, ça crée un contact facile. Chacun sa vision de la faluche. Pour moi, il faut avoir de l’humour, et être tolérant vis-à-vis des autres. On n’est pas sectaires, on a juste un chapeau !
Merci à Séverine, Tatiana & Justine pour leur participation !
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Les Commentaires
Étant une "expatriée" française en Belgique (coeur), j'ai découvert les baptisés à mon arrivée la bas. Alors cet article à un goût de mignonnerie. C'est marrant parce qu'en France très peu de gens connaissent alors qu'en Belgique c'est vraiment très répandu, malgré que tu sois baptisés ou non.
Persoles fêtes estudiantines belges restent une étude sociologique que j'adore. C'est tellement différent de ce que je connaissais en France.
Je discutais des pennes/faluche avec une personne qui est baptisée et je n'arrivais pas à comprendre comment on pouvait continuer à porter ça après la fin de ses études, ne pas le laver (NE PAS LE LAVER, j'en serais incapable), être super fier de tout ça.
Je trouvais ça hyper intéressant en tout cas. C'est tout un folklore.