Une sage-femme, c’est quoi ?
On va commencer par mettre un terme à deux idées reçues : nous ne sommes ni des infirmières spécialisées, ni les assistantes du médecin.
La profession de sage-femme (ou maïeutique, pour les intimes) est une « profession médicale à compétences limitées », comme nous l’apprend le Code de la Santé Publique ; on nous appelle d’ailleurs « les Reines de la Physiologie ». Les sages-femmes s’occupent :
- du suivi médical de la grossesse
- de la préparation à la naissance et la parentalité,
- des échographies obstétricales
- du suivi du travail et de l’accouchement (80% des accouchements en France sont effectués en totalité par les sages-femmes !)
- des sutures (épisiotomies et autres joyeusetés)
- de la réanimation néonatale (si pas de pédiatre sur place)
- des suites de couches, du retour à domicile et et du suivi du bébé (surveillance du poids, de l’allaitement maternel…)
- de la rééducation du périnée
- du suivi libéral
- ainsi que de nombreux « plus » : acupuncture, sophrologie, etc. !
Mais aussi, depuis quelques années, du suivi gynécologique de la femme, quel que soit son âge. Une sage-femme peut prescrire n’importe quel type de contraception, donc les madmoiZelles peuvent les consulter pour leur suivi gynécologique, tant qu’aucune pathologie n’est détectée !
Le rôle d’une sage-femme est donc de suivre la femme, enceinte ou non, et de dépister d’éventuelles pathologies, afin de l’orienter le cas échéant vers le spécialiste concerné.
De bien beaux conseils sont au rendez-vous
Pour devenir sage-femme, on fait comment ?
Il faut d’abord passer par la Première Année Commune aux Études de Santé (la PACES), plus communément appelée « Première année de Médecine ». Une fois cette étape validée, on entre en école de sage-femme où nous est dispensée une formation de 4 ans, alliant cours et nombreux stages sur le terrain !
Nous avons des partiels tous le long de l’année, pendant les semaines de cours qui ponctuent nos stages.
Durant ces stages, on fait des gardes de 12h, de jour, comme de nuit, week-end et jours fériés compris ! On est donc très vite amenées à vivre de très belles expériences (mon premier accouchement, ou le moment où j’ai le plus tremblé de ma vie — je redoute ma première réanimation de bébé…), mais aussi d’autres, plus dures (des naissances où le bébé ne va pas bien, ou bien celles où il n’est pas vivant du tout…).
On est très vite confronté-e-s à tout ça, on apprend à le gérer, et surtout à accompagner les couples dans ce moment si particulier qu’est la naissance.
Et puis il y a les petits aléas du quotidien : on acquiert une vessie de compétition, et une grande capacité à brûler les graisses (vive les repas à 17h et les pipis en rentrant de garde – qui manquent à la typologie des pipis d’ailleurs !)… même si ces graisses sont très vite récupérées, grâce aux boîtes de chocolats offertes par les couples et aux croissants au beurre de la garde du dimanche matin.
Une journée au bloc d’accouchement
En salle de naissances, on peut faire des jours comme des nuits, alors que dans les services comme les suites de couches ou les grossesses à risque, on ne fait que les journées. Du coup, il n’y a pas vraiment de journée-type, tant celles-ci sont riches et toutes différentes, et les habitudes changeantes d’un service à l’autre ! Il me sera donc difficile d’être exhaustive, mais je vais essayer de vous donner un petit aperçu de ce que l’on vit au quotidien.
Aujourd’hui, je vais vous parler d’une journée au bloc d’accouchement.
Grosso modo, c’est lever 5h, départ de la maison 5h45, et prise de la garde à 7h (parfois 8h, mais c’est plus rare) (oui, j’habite un peu loin de tout). On arrive, on se change pour enfiler nos seyantes tenues de bloc, en papier ou en tissu (une vraie leçon de style), et on file au bureau des sages-femmes.
Première étape : la relève. C’est une sorte d’état des lieux du service, avec une présentation de chaque patiente, et un résumé de son dossier. Une fois la relève terminée, on choisit les patientes que l’on souhaite suivre, et c’est parti !
On passe se présenter, puis on jette un œil au dossier, histoire de faire le point sur les soins et gestes à venir. On réévalue toutes les heures l’avancée du travail, tout en surveillant constamment le rythme cardiaque du bébé (seul indicateur direct de son bien-être pour nous), ainsi que l’état général de la mère, bien sûr ! Une sage-femme nous accompagne à chaque fois les premiers temps, un peu moins lorsque l’on a plus de bouteille.
Toucher vaginal, accouchement et autres joyeusetés
Notre arme fatale pour constater la dilatation du col : LE TOUCHER VAGINAL. Toute une technique.
Avec deux de nos petits doigts, nous sommes par exemple capable de vous dire (outre la dilatation du col) de quelle manière se positionne la tête (ou les fesses, ou les pieds !) d’un bébé dans le bassin de sa mère, de façon à adapter notre conduite en conséquence (on préfère quand le charmant bambin regarde vers le sol, le menton collé au cou, question de vitesse de descente, parce que le nez en l’air ou la tête en arrière, c’est plus compliqué pour lui – et donc pour sa mère et pour nous aussi).
Puis vient enfin le temps de l’ACCOUCHEMENT.
Ton premier accouchement seule, c’est à peu près ça.
Une fois la table prête, les gants chaussés, on peut commencer à faire pousser la future maman : ça peut durer de 30 secondes à plus d’une demi-heure (selon le nombre d’enfants qu’elle a déjà mis au monde, entre autres). Il faut donc s’armer de patience, et coacher sa patiente jusqu’au bout !
Puis vient le moment où l’on dégage la tête, tout doucement pour éviter les déchirures, on la tourne ensuite dans l’axe du dos, «
poussez un peu pour les épaules », et hop, voilà notre nouveau-né dehors (les premières fois, attention… ça glisse) ! On le pose alors sur sa maman, peau contre peau, avec parfois de jolies premières mises au sein si les parents le souhaitent.
Reste ensuite à couper le cordon — « Monsieur ? Madame ? » — puis à attendre la sortie du placenta, qu’on examinera attentivement.
Enfin, on peut recoudre si besoin ; sinon, on laisse la petite famille profiter de leur nouvelle intimité à trois. On examinera le bébé, histoire de vérifier que tout va bien, à l’issue des 2h de surveillance post-accouchement (s’il n’y pas de nécessité de le faire avant).
Les consultations
Beaucoup arrivent en pensant accoucher, et repartent un peu déçues (« comment ça, mon col est fermé ? »), avec, du Spasfon, du repos, ou alors on leur demande de revenir en cas de contractions douloureuses ou de perte de liquide, parce que là tout de suite maintenant, elle ne sont pas en travail.
On conseille même parfois (et selon les endroits) à certaines une bonne partie de jambes en l’air avec leur José histoire de mettre la machine en route (eh oui : le sperme contiendrait une hormone pouvant aider au déclenchement du travail) !
On finit la garde à 19h, épuisées, mais heureuses la plupart du temps (personne n’est malheureusement à l’abri d’une mauvaise garde…), avec à la clé une bonne nuit de sommeil bien méritée, et un retour au bloc en pleine forme le lendemain — ou un jour de repos (béni, et apprécié).
On ressent quoi, au juste, en tant qu’étudiante ?
On rencontre toutes sortes de femmes et de couples, avec un projet et des envies différent-e-s. C’est ce qui fait la richesse de cette profession : la relation humaine. On entre dans la vie de gens, à un moment particulier, en les accompagnant du mieux possible, et en étant là pour eux.
Ça peut aller du pari avec le papa sur le poids de naissance du bébé, à la main de la (toute jeune) maman seule que j’ai tenue pendant toute une césarienne en urgence… Et puis il y a ceux qui ont perdu leur bébé (mort in utero, interruption médicale de grossesse…) dont l’accompagnement est différent, et très fort au niveau émotionnel, et aussi ceux pour qui tout ne se passe pas vraiment comme prévu (césariennes en urgence, réanimation du nouveau-né, hémorragie de la délivrance…).
C’est là toute la complexité de ce métier : la richesse des relations humaines que l’on construit, la force et l’intensité des situations et des émotions, la beauté d’accompagner un couple lors de la mise au monde de son enfant… tout en étant en première ligne en cas de problème, responsable de la santé de la mère et de son bébé.
Nous sommes 98% de filles, pour seulement 2% de garçons… Donc je lance un appel aux potentiels intéressés : Messieurs, n’ayez pas peur, on est pas méchantes (on parle juste souvent de placenta, c’est tout), et puis, c’est quand même un chouette métier !
Vieeeeeeens, on est bieeeeeeeen !
Pourquoi faire grève ?
Depuis plusieurs mois, la profession est en grève illimitée pour la reconnaissance de son statut et de ses compétences : en effet, même s’il est écrit dans le Code de Santé Publique que la profession de sage-femme est une profession médicale, la réalité est toute autre dans les services !
Nous sommes en effet dans le « titre IV » du règlement de l’hôpital, nous conférant un statut paramédical (et la rémunération qui va avec : 1650€ net en début de carrière, moins de 3000€ à l’approche de la retraite) ; or, nos compétences et nos responsabilités ne cessent de s’accroître ! Un peu contradictoire non ? Sachant par exemple que nous avons la pleine responsabilité de nos actes devant les tribunaux lors d’un procès…
Les sages-femmes militent donc depuis des mois avec deux revendications principales :
- la reconnaissance de notre statut de praticien médical, à BAC + 5, et un passage dans le « titre II » (celui des professions médicales). Cela nous ouvrirait les portes du statut de praticien hospitalier, et donc d’une véritable autonomie, et d’une vraie reconnaissance de notre valeur et de notre travail
- le fait de devenir le praticien de premier recours des femmes.
Je m’explique : vous avez de la fièvre, des frissons, des nausées, vous vous sentez mal ? Vous allez donc voir votre médecin généraliste, votre praticien de premier recours lors des pathologies et des accidents du quotidien. Et actuellement, ce sont majoritairement les gynécologues, pourtant médecins spécialistes (et donc par conséquents aptes à soigner des pathologies) qui s’occupent du suivi gynécologique physiologique de nombreuses femmes.
Or, les sages-femmes sont à ce jour parfaitement aptes à effectuer ce suivi chez une femme sans pathologie, de la puberté à la ménopause, et à prescrire tout type de contraception. Nous souhaitons donc devenir le praticien de premier recours des femmes dans ce domaine-là.
Ça se passerait ainsi : tout va bien, je suis suivie par une sage-femme, qui me fait mon frottis et me prescrit ma contraception. Ah, une pathologie est dépistée ? Ce n’est plus dans ses compétences, elle me redirige donc vers un gynécologue, spécialiste des pathologies de la sphère génitale, qui effectuera la suite de mon suivi, jusqu’à ma rémission. C’est une utopie pour le moment, mais on ne désespère pas !
Vous nous avez ainsi vues en footballeurs, nues derrières nos banderoles, camper devant nos maternités, ou encore défiler dans les rues parisiennes en blanc et noir … Et ce n’est pas terminé, car les propositions du Ministère sont pour le moment très décevantes pour la profession, donc le Collectif appelle à continuer le mouvement !
Il existe une pétition sur Internet pour nous soutenir. Donc, si vous pouvez aller y faire un tour, et y laisser un autographe, c’est cool !
La Marche des Sages-Femmes, le 19 février 2014 à Paris
Demain, mercredi 19 février, les sages-femmes marcheront à nouveau dans Paris pour faire valoir leurs droits. Voici les explications autour de l’évènement :
Rendez-vous donc à Denfert Rochereau à 13h si vous voulez soutenir les sages-femmes ! Le dress-code est : vêtements noirs, blouse blanche et masques blancs portés derrière la tête, mais vous n’êtes pas obligées de le respecter bien sûr. Si la Marche est libre de ses mouvements, elle ira jusqu’au ministère de la Santé.
— Merci à Erialc12 pour ces infos !
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Ajoutez Madmoizelle à vos favoris sur Google News pour ne rater aucun de nos articles !
Les Commentaires
Une consultation de SF coûte 23 euros, remboursée comme chez un généraliste! J'en ai jamais vu qui pratiquaient de dépassement d'honoraire et le délai de RDV est souvent très court (1 semaine max).
Il faut par contre leur demander si elle font le suivi gyneco, toutes ne sont pas formées (même si elles sont de plus en plus maintenant).