J’ai pu le constater dans mes visites de classes de lycées : étudier le cinéma, ça fait rêver. C’est pourquoi je me dévoue aujourd’hui pour partager mon expérience du schmilblick, moi qui ai bravé tous les obstacles pour pouvoir me faire un pendentif avec mes diplômes (c’est pour l’instant leur seul usage, mais j’ai bon espoir).
École ou université ? Pour moi, ce sera la fac
Après le bac, qui peut même être «option cinéma » (spécialité qui, même si elle n’apporte pas énormément d’un point de vue académique sur le sujet, doit être beaucoup plus rigolote que ES), deux choix s’offrent aux cinéastes et ciné-spécialistes de demain : l’école de cinéma et la fac.
Je ne m’attarderai que peu sur la première catégorie, car je n’en ai une connaissance que par procuration.
Une première scission s’effectue donc entre les élèves, puisque certain-e-s se destinent à la pratique et à une insertion professionnelle chaotique mais éventuellement possible, alors que les autres se lancent dans le domaine du savoir qui procure autant d’auto-satisfaction que d’amertume.
Ainsi, l’étudiant-e fringant-e décide de s’inscrire en licence de cinéma (elles se ressemblent toutes plus ou moins, en forme comme en substance) et passe sa première année à apprendre les rudiments de la théorie tout en suivant, l’oreille souvent amusée, des TDs tenus par des thésards pleins de bonne volonté (souvent). C’est selon moi l’âge d’or des études de cinéma, les moments les plus agréables et joyeux du parcours.
En L1, c’est même comme ça, parfois
Une filière très théorique qui en fait fuir plus d’un
À la suite de cette première année d’université, les effectifs commencent déjà à décliner, beaucoup préférant s’orienter vers des filières plus potentiellement lucratives (le droit en tête, nettement moins funky mais d’apparence plus sérieuse), ou fuyant la fac comme la peste en vomissant ses rouages.
Je constate également d’expérience que beaucoup changent complètement d’idée, ou bifurquent vers des BTS, voire des CAP (une ancienne collègue, diplômée, vient de s’inscrire pour son plus grand bonheur en CAP de pâtisserie), effrayés à l’idée de ne jamais être employables par personne.
La licence… et après ?
La seconde année de licence de cinéma, en tous points similaire à la première, n’a comme seul but de consolider les acquis et d’arriver à la troisième et dernière année.
Le niveau se corse un peu, mais la plus grande difficulté pour gagner le sésame du diplôme réside plus dans les approximations administratives et le manque de reconnaissance de l’étudiant en tant que personne adulte que dans le niveau théorique (car oui, peu ou pas de pratique dans les murs de l’Université) des cours magistraux et appendices.
C’est pas trop le genre de la maison.
Une bonne flopée d’étudiants, un peu moins fringants qu’à leur arrivée, se voient ainsi diplômés d’une licence de cinéma. Jolie satisfaction mais sans grand retentissement d’avenir…
Notons par ailleurs que c’est lors de cette ultime année qu’un bon nombre d’étudiants tente le concours de la Femis, une des seules écoles de cinéma publiques (donc peu coûteuses) et promettant une immersion suivie dans le milieu (du coup, il y a embouteillage). Notons à ce propos que normalement, une autre école gratuite devrait voir le jour à la Cité du Cinéma rêvée par Luc Besson.
Plutôt désemparés par l’aspect absolument pas professionnalisant de la formation qu’ils viennent de recevoir, beaucoup retournent ainsi chez leurs parents le vague à l’âme, changent de cap, ou, comme moi, s’inscrivent en Master. Quitte à être dans la panade, autant continuer à faire ce qu’on a appris à faire avec plus ou moins de succès : réfléchir, organiser des pans de connaissances, être opérationnels pour tout un tas de choses plutôt inutiles dans la société actuelle…
Et puis, qu’on s’entende bien, je trouve qu’il n’y a pas assez de gens qui en prennent la peine ou qui y sont encouragés.
Apparemment, c’est pareil aux States (« Avant de partir pour mon job de stripteaseuse, j’aime me motiver en pleurant sur mon diplôme »)
Le master de cinéma : théorie ou pratique
À nouveau, deux choix pour l’étudiant : le master de recherche (qui ne sert à rien d’autre qu’à offrir la possibilité de devenir chercheur et de jouir d’une culture cinématographique plutôt conséquente, donc source potentielle d’une auto-satisfaction infinie), et le master professionnel.
Mais là encore, à moins de payer pour une formation privée équivalente, l’entrée en master pro est extrêmement difficile (sur dossier, puis concours, entretiens, et avouons-le, un peu au petit bonheur la chance), alors une bonne partie des étudiants s’inscrivent en master 1 de recherche et connaissent le ravalement de moelle procuré par la rédaction en bonne et due forme d’un mémoire universitaire de Lettres (depuis la réforme LMD, le cinéma est intégré à ce département).
On ne fait toujours pas de trucs aussi cool, non.
Dans l’enfer du mémoire… ou du Pôle Emploi
Cet élément est très polarisant, et beaucoup abandonnent avant de venir à bout des quelques 50 pages requises (donc deux fois moins qu’en deuxième année). En milieu d’année de première année de master, il ne reste plus grand-chose des grosses promotions de L1 de cinéma rigolardes.
Pour mon cas personnel, sachez que je suis arrivée en master 2 (avec comme condition l’obtention d’une mention bien à l’année précédente) accompagnée de pas plus de six ou sept camarades en début d’année. J’ai terminé l’année presque seule en cours, en tête-à-tête avec le professeur (l’étudiant de M2 est généralement gratifié de « vrais professeurs » grisonnants dont la motivation est généralement proche du néant).
Voilà comment en 5 ans, les trois quarts des élèves sont partis ailleurs, entre les autres formations et le Pôle Emploi. Je pense pouvoir affirmer qu’il y a un problème, dans un monde occidental structuré autour de l’image, concernant les formations publiques.
Les études de cinéma, ça vaut le coup ?
Pourtant, je ne regrette pas tout ce que j’ai pu apprendre pendant ces cinq années, et je ressens sincèrement que mon cerveau a bien travaillé durant les deux ans de rédaction de mon mémoire.
Je conseille donc ce parcours à ceux qui, armés d’une volonté d’acier, se fichent de savoir s’ils vont avoir une valeur directe sur le marché du travail et ont envie de consacrer un peu de leur temps à l’approfondissement d’une discipline qui les passionne. Car oui, un étudiant en cinéma est souvent regardé de travers, comme s’il passait son temps à s’amuser et à regarder des films (sachez d’ailleurs qu’à un certain point, cela devient un exercice proche de la torture mentale).
Un étudiant de cinéma et le Pasolini de trop
Je note enfin (et cela doit concerner toutes les disciplines enseignées à l’université) qu’il y a un réel problème de communication et d’orientation qui est à l’origine de pas mal de déconvenues et d’angoisses pour les jeunes adultes.
Au prochain épisode, la joyeuse vie de la doctorante de lettres et études cinématographiques (ça vaut le détour et c’est plein de petites anecdotes très croustillantes, je vous l’assure).
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