Le chemin est souvent long entre les rêves de métier que l’on a et leur accomplissement. Des madmoiZelles qui exercent ou vont exercer le métier de leurs rêves nous ont raconté la naissance de cet idéal, et sa confrontation à la réalité.
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Un rêve ancien ou plus tardif
Certaines ont trouvé leur vocation très jeunes. Camille sait ainsi ce qu’elle veut faire depuis toute petite :
« Quand j’étais petite, comme plein d’autres petites filles, je disais « Quand je serai grande, je serai maîtresse ». Je jouais avec ma mamie, dont la table à repasser faisait office de bureau d’école. Plus tard, je faisais faire des exercices à ma petite sœur (elle était ravie).
Au collège, je m’amusais à recopier des vieilles encyclopédies de ma mère et à créer des questionnaires pour mes « élèves ».
En troisième, j’ai choisi de faire le fameux stage d’usage en école. Je me suis retrouvée dans mon ancienne école maternelle, mais malheureusement, à observer côté ATSEM et non des instituteurs… Ça m’a quand même permis d’avoir un premier aperçu du métier.
Arrivée au lycée, j’ai fait mes choix en fonction de mon but : devenir maîtresse. J’ai choisi un bac littéraire (le fameux !) option maths, après avoir écouté mes profs qui m’avaient conseillé de garder un équilibre entre français et maths (équilibre impossible à cause d’un prof incompétent refourgué aux littéraires, mais bref passons). »
Ça a été à peu près la même chose pour Anabelle :
« J’ai commencé les cours d’anglais à l’âge de 9 ans. L’enseignante n’était pas particulièrement amusante et sympathique, mais peu m’importait, je trouvais fantastique de pouvoir comprendre et parler une autre langue !
J’étais tellement heureuse d’avoir fait cette découverte que je voulais la partager avec tout le monde, et la meilleure façon de transmettre une langue était pour moi de l’enseigner. Depuis, cette volonté de devenir prof ne m’a pas quittée.
Ma vocation étant apparue si tôt, le choix de mes études n’a pas été très compliqué. Je faisais partie des chanceux et chanceuses qui savaient déjà où aller et comment.
Dès le collège, je savais que j’allais passer un bac littéraire et que je finirais en fac d’anglais. Finalement, je suis d’abord passée par une classe préparatoire de province, avant de terminer par une licence d’anglais. »
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Mais pour d’autres le rêve ne s’impose pas forcément, comme Yasmine le raconte :
« Quand j’étais à l’école primaire, je rêvais d’être médecin. Arrivée au collège, je me suis rendu compte que les matières scientifiques ne me plaisaient pas plus que ça. Au lycée, grâce à l’option audiovisuel, j’ai découvert les métiers du cinéma, qui m’ont un temps fortement tentée (monteuse en particulier), mais la précarité du métier m’a un peu rebutée.
Je cherchais un métier plutôt orienté littéraire, avec une part de créativité mais également une approche scientifique et un contact humain, et puis quelque chose qui soit varié, qui me fasse un peu bouger. Bref, un beau melting-pot !
C’est un ami qui m’a parlé du métier d’orthophoniste, que je connaissais de loin. Je me suis renseignée, j’ai pris contact avec une orthophoniste, et au fur et à mesure des témoignages et des recherches, je me suis rendu compte que ça pourrait carrément me convenir !
Aujourd’hui je ne suis qu’en deuxième année, mais les études et les stages confirment ma conviction que ce métier est fait pour moi ! La patientèle va du nouveau-né à la personne vieillissante. Les pathologies sont très variées, et on a la possibilité de travailler en libéral, en tant que salarié·e dans une structure ou bien entre les deux. »
Découvrir ce qui nous plairait peut ainsi prendre du temps, et le métier qui nous fait rêver n’est pas toujours celui auquel on pensait enfant. Nemesis explique :
« Dire que je fais un métier de rêve, ce serait un peu exagérer. Je ne réalise pas mon rêve d’enfant puisque, comme beaucoup d’enfants, mon envie c’était de devenir vétérinaire.
Mais après mon stage de troisième, je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout mon truc, que je m’ennuyais et que mettre des bichons maltais morts au congélateur sous les yeux humides de leur maîtresse n’était pas ma vocation.
Bref, j’ai bifurqué vers les filières littéraires et j’ai entamé un parcours de lettres modernes. Ce fut pour moi ennuyeux comme les après-midi bridge au camping des pissenlits en compagnie de tes grands-parents nonagénaires (je ne juge pas, mais non merci).
Au début de ma L2, on m’a parlé d’un parcours en communication accessible à partir de la L3. La communication c’est, pour beaucoup de gens, trop mainstream. Mais voilà, le fait est qu’après être entrée dans cette année de licence, j’ai découvert ma voie : la communication d’entreprise, le social management, les projets Web, etc.
Actuellement, je bataille pour intégrer le master communication d’entreprise qui est sur concours afin de pouvoir intégrer le marché du travail dans deux ans (93% d’intégration dans les six mois EH OUAIS). J’aime le monde de l’entreprise, avec ses prises de tête et ses bons moments. Je suis une pure génération Y, ma p’tite dame !
C’est donc au détour d’un site Internet et d’une lettre informative de la fac que j’ai trouvé ma voie là où je ne l’attendais pas. »
Laurie aussi a construit son parcours petit à petit, et découvert relativement tardivement par rapport à d’autres ce qui la faisait rêver :
« Alors bon, je sais que ça fait cliché de dire ça, mais je suis passionnée de cinéma depuis toute petite. J’adore ça depuis toujours, je n’y peux rien. Il était donc évident pour moi que je devais travailler là-dedans, mais je ne savais pas encore trop comment. Alors j’ai fait une spécialisation cinéma au lycée ; j’ai dû réaliser un film et écrire un scénario pour le bac. Plutôt cool, non ?
Après, n’étant pas très au fait des formations là-dedans et ayant 18 ans, j’ai un peu laissé tomber. J’ai travaillé, fait des petits boulots, et tenté différentes formations. Quelques années plus tard, je me suis lancée dans une formation en alternance pour être assistante de direction et bosser dans la chimie — à l’opposé de ce que je voulais (ou en tout cas ce que je sentais devoir) faire.
Un jour, une dame m’a appelée pour passer un entretien dans une école que je ne connaissais pas. Il s’avérait que c’était une école de dessin et qu’il y avait un poste de secrétaire de libre. J’ai foncé et dit oui direct ; ça me rapprochait un peu de mon secteur. Là-bas il y avait entre autres des intervenant en BD, en dessin et en cinéma d’animations.
Un jour, l’un d’eux m’a demandé : « Comment ça va le boulot ? » . Je m’ennuyais un peu. Je voulais travailler dans la production, dans le cinéma, être chargée de production tiens, pourquoi pas ? Un truc en rapport avec le ciné, quoi. Il m’a dit : « Ben tente les Gobelins ! Ils ont une super formation en gestion de production ! Puis moi je te vois bien là-dedans, je vais t’aider ! ».
À partir de là, tout s’est éclairé. J’ai préparé mon dossier dans l’ombre, mes entretiens, mon déménagement. Puis un jour, à 28 ans, j’ai été prise aux Gobelins. Jamais, JAMAIS, je n’aurais cru que ça m’arriverait. J’allais avoir une formation en production dans la meilleure école et travailler dans un grand studio d’animation !
Bien sûr ça n’a pas été facile : je me retrouvais avec des personnes plus jeunes que moi qui avaient suivi le bon BTS avant, qui étaient super cultivées, alors que moi je ne connaissais que mes films favoris et ce que j’avais appris sur le tas en voyant les étudiants de mon école de dessin travailler.
Mais on a pu rencontrer des professionnels formidables, participer à des festivals, et j’ai même pu être jurée pour un festival en Allemagne !
J’ai cependant dû me confronter au « monde de l’animation », qui n’était pas si sympa que ça – à tel point que j’ai mis plein de choses de côté dont une bonne grosse partie de moi-même.
À la fin du diplôme et de mon contrat au studio, je ne savais donc pas si j’avais bien fait. J’étais lessivée, je ne savais plus si je voulais continuer à travailler là-dedans, si je n’étais pas un peu trop en sucre.
J’ai postulé vite fait à des postes à Paris sans rien trouver pendant cinq mois. J’ai commencé à retourner doucement vers le secrétariat « basique ». Après tout, je verrais bien où ça me mène.
Puis un studio à Angoulême m’a appelée : ils aimaient mon profil administratif s’y connaissant en animation. Ils me proposaient un poste d’assistante, puis « pourquoi pas chargée de production ? ». J’y suis allée, j’ai vu que ce n’était pas comme le précédent studio ; c’était pile ce qu’il me fallait, et j’ai déménagé il y a un mois à Angoulême.
Ça m’a pris dix ans pour trouver ma voie, mais je l’ai trouvée, de travail en formation. Je trouve ça super que des personnes sachent à 15 ans ce qu’elles veulent faire, et y arrivent. Mais si ça n’est pas votre cas, ne soyez pas trop dures avec vous-mêmes. Laissez-vous du temps, et saisissez les opportunités qui s’offrent à vous : elles vous mèneront toujours à bon port. »
Le rêve se crée souvent avec la découverte du métier par les études, comme pour cette madmoiZelle :
« Je suis kinésithérapeute. Ma mère est elle aussi kiné-ostéopathe, et je suis donc littéralement née dans ce monde ; j’ai grandi bercée par l’anatomie et la physiologie, et depuis toute petite j’ai toujours été passionnée par le corps humain.
Ma mère est passionnée par son métier : après trente ans d’exercice, elle continue à se former deux week-ends par mois. Elle l’a toujours fait, y compris quand elle était enceinte et jeune maman. Elle a toujours travaillé quarante-cinq heures par semaine, quarante-huit semaines par an, et en y prenant du plaisir.
C’est aussi sûrement ce qui m’a fascinée : on est loin du cliché du travail ennuyant, du « Oh non on est lundi, je vais devoir aller travailler ».
J’ai fait mon stage de troisième à moitié dans son cabinet, à moitié au boulot de mon père (qui est architecte). Sans me poser trop de questions, j’ai donc choisi de faire un bac S option SVT, pour ensuite tout naturellement m’inscrire en fac de médecine.
Je ne savais pas encore vraiment si je voulais être chirurgienne ou kiné, mais j’étais sûre de vouloir faire un métier de soin ET un métier manuel.
La première année de médecine m’a chamboulée : après un « burn-out » à la fin du premier semestre, j’ai fait des tests d’orientation pour être sure d’être sur la bonne voie. Il en est sorti comme métiers notaire et kinésithérapeute.
J’ai donc décidé de tout faire pour réussir à faire le métier qui me semblait destiné.
Pour faire kiné en france il y a deux solutions : la première année de médecine, qu’on ne peut redoubler qu’une fois à condition d’avoir au moins 8/20 la première année (je ne suis pas allée au concours et ai donc eu un zéro), ou les écoles privées sur concours avec prépa. J’ai choisi les solutions alternatives : l’étranger.
En Belgique, l’université est (presque) gratuite, sans concours, mais sur tirage au sort. Sur les 147 candidats, ils ont pris le 25 premiers tirés au sort. J’ai été tirée en 145ème position : cela faisait beaucoup trop de candidats à assassiner pour avoir une chance d’entrer… Vu mon niveau d’allemand, l’Allemagne (dont une connaissance m’avait parlé) était hors de question.
Restait la Suisse : les Hautes Écoles Suisses proposaient quelques places aux étrangers sur dossier, un dossier énorme avec entre autres une autobiographie de dix pages que j’ai donc commencé à rédiger, jusqu’à ce qu’une connaissance d’une connaissance me parle d’un école dans le Tessin (la Suisse italienne) sans concours, mais payante.
Ni une ni deux, j’ai été voir mon banquier, fait un prêt étudiant de 40 000€ (eh oui…), et c’était parti pour quatre ans d’études !
Les cours étaient en italien, à 500km de chez moi ; je ne connaissais personne et je suis même partie sans avoir d’appartement, ayant découvert cette école début janvier pour une rentrée en février !
Durant ces quatre ans j’ai vraiment découvert ce qu’allait être mon métier, et plus j’en apprenais plus ça me plaisait. Quand les stages ont commencé, j’ai d’abord été déçue à cause de maîtres de stage pas très passionnés, qui étaient du genre à faire semblant d’être très occupé·es quand la cadre était dans le coin, et à faire des mots fléchés le reste du temps…
Puis j’ai fait d’autres stages, et j’ai commencé à pouvoir vraiment pratiquer, et donc à avoir aussi le côté très gratifiant de voir que ce que je faisais soignait vraiment les gens ! »
Lis a quant à elle mis du temps à réaliser que sa passion était le métier de ses rêves :
« Jeune j’étais plutôt très scientifique, attirée par la physique et la chimie ; je me suis donc lancée dans des études STL (Sciences et Techniques de Laboratoire) option chimie génie biologie au lycée.
Un beau jour (lorsque j’étais en seconde), mon père a sorti la machine à coudre pour faire un ourlet à ma maman (pas de stéréotypes dans ma maison !). Cet instrument m’a vite obsédée ; j’ai voulu savoir comment ça marchait, et j’ai fini par passer mon temps libre à faire mes propres vêtements (moches).
Je les portais sans honte, j’aimais ce que je faisais. L’idée d’en faire mon métier ne m’avait pourtant pas du tout traversé l’esprit.
Je n’aimais pas la mode à proprement parler, les défilés m’ennuyaient, pour moi c’était du vu et du revu. Je n’avais aucune affinité avec ce milieu, les seules choses qui m’intéressaient, c’était les costumes de films (comme dans Peau d’Âne par exemple).
C’était l’excentrique, le punk, les corsets qui me rendaient folle. J’ai donc continué le lycée sans trop me poser de questions.
Élève moyenne, je m’épanouissais dans la rigueur scientifique et ma soif d’apprendre était toujours présente.
C’est en terminale, avec l’approche du bac et les sérieuses préoccupations sur les métiers et les études que nous allions poursuivre, que j’ai commencé à réaliser que je me trompais de chemin… Je ne voulais pas arrêter d’apprendre la science, mais aucun métier ne me plaisait vraiment.
Je faisais toujours des vêtements en ressentant sans cesse une frustration terrible, celle de ne pas comprendre comment on pouvait bien suivre correctement les lignes du corps humain, de ne pas comprendre les matières que je voulais utiliser.
J’étais toujours frustrée et avide de savoir comment on pouvait fabriquer TOUTES les sortes de vêtements du monde ! C’est là que j’ai réalisé que je devais devenir modéliste du vêtement. »
Parfois il faut en effet du temps pour découvrir ce que l’on veut faire, et la difficulté du rêve peut fait dire qu’effectivement, il fallait peut-être mieux attendre un peu d’avoir les armes pour se lancer :
« Après des études dans le domaine de l’ingénieurie sociale (soit chargée de projet en économie sociale et solidaire) et un début de carrière en tant que cadre dans ce domaine, j’ai décidé de prendre un peu de recul sur mes attentes en général.
Le métier de fleuriste est remonté de mes souvenirs d’enfance : mes parents sont férus de plantes, de jardinage, etc. Je me suis dit « Pourquoi pas moi ». Cela n’a pas été un choix facile de quitter un confort matériel et financier pour se payer une formation de niveau CAP et toucher le chômage malgré le soutien de mes amis et de ma famille.
Mais je suis aujourd’hui diplômée et je travaille dans l’une des plus coquettes et délicates boutiques de Lyon. Ce projet a été aussi beau que difficile, par les démarches à faire mais aussi le métier : on ne fait pas que des bouquets de 9h à 17h, plutôt des achats à 6h et des pièces mortuaires à 20h30 ou des fêtes symboliques bien préparées). Mais c’est tellement épanouissant sur les plan perso et pro que cela vaut le coup ! »
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Un parcours pas forcément idyllique
Une fois le métier de ses rêves trouvé, tout n’est pas pour autant facile. Nos rêves ne conviennent par exemple pas forcément à nos parents, qu’il faut convaincre. Yabou raconte :
« On ne va pas se mentir, j’ai galéré ! D’abord à convaincre mes parents qu’orthophoniste était le métier que je voulais exercer. Ils m’ont répondu qu’avec mes notes je pouvais aller en prépa littéraire, intégrer de grandes écoles etc.
Ensuite, les places sont chères. Chaque école a son concours, qui lui est propre (même si bien sûr il y a des épreuves de grammaire, vocabulaire… dans chacune), et certaines écoles font passer leur concours le même jour (et hop, une chance de moins d’entrer…).
Avec tout ça, il y a un numerus clausus chaque année, qui devrait d’ailleurs baisser l’an prochain, alors qu’on a de plus en plus besoin d’orthophoniste.
Sachant que pour chaque école le prix de passation est aux alentours de 80€ non remboursés, auxquels il faut ajouter les frais de déplacement, et si en plus vous décidez d’entrer dans une prépa paramédicale (environ 2000€ en moyenne l’année), ça fait cher payer pour peut-être se planter…
Personnellement, j’ai passé le concours en me préparant seule uniquement dans ma région – donc une seule école. En parallèle j’étais en cours de psychologie. Le temps d’avoir mon concours j’ai eu une licence, en redoublant une année… Disons que j’étais obstinée, et la sixième fois a été la bonne !
Le fait de prendre autant de temps pour avoir le concours et de le préparer seule a été difficile moralement et également au niveau du soutien de mes parents (mon père particulièrement), car il ne comprenait pas mon obstination pour ce métier : encore aujourd’hui j’entends parfois des remarques sur ce que mes études auraient pu être si j’avais été en prépa… »
Mona aussi a dû sacrément batailler pour faire ce qu’elle aime :
« J’ai toujours aimé manger des gâteaux et regarder ma mère, mes tantes et ma mamie les faire.
À la garderie en maternelle et en primaire on faisait quelques ateliers biscuits, et j’étais toujours présente pour participer (en tant que fan de nourriture c’est normal).
C’est à l’âge de 8 ans que je me suis dit : « Je veux être pâtissière ! », ou plutôt « Je veux faire des gâteaux pour les gens et ils vont bien aimer et tout ! ».
Je suivais des cours en primaire de cuisine-pâtisserie (orientale et occidentale) dans une association de ma ville créée par la mère de ma meilleure amie. J’adorais, et c’est principalement ces cours (que j’ai suivis jusqu’à la fin du collège) qui m’ont donné l’envie et la passion de confectionner des gâteaux.
La plus grosse désillusion et humiliation de ma vie a duré pendant tout mon collège. À chaque formulaire, à la question « Que souhaites-tu faire plus tard ? Des idées de métier, d’études ? » je répondais : « écrivain et pâtissière ».
Et à chaque conseil de classe, les professeurs se moquaient de moi. Ils me faisaient bien comprendre que c’était juste une envie passagère, que j’étais faite pour autre chose (les études générales et bac+254515648). Pourtant mes voeux n’ont pas changé de la sixième à la troisième.
Du coup en troisième j’ai voulu partir en contrat d’apprentissage. Mais personne n’était d’accord, mes parents et les professeurs étaient to-ta-le-ment contre ! Bah oui, une jeune fille qui a 17 de moyenne et a eu son brevet mention très bien n’est pas destinée à faire un CAP pâtisserie, non mais oh !
Je suis donc allée au lycée de ma ville en seconde générale, et j’ai fait quelque chose qui ressemblait beaucoup à une dépression.
Mes parents et surtout mon frère et ma soeur ont bien vu que je n’aimais pas, que je ne me sentais pas à ma place. On a finalement fait les démarches pour me trouver un employeur, sauf que ça n’a pas marché : ils ne prenaient pas les filles.
Là encore j’ai été déçue, et aujourd’hui encore je ne comprends pas le fait de pas prendre de filles en pâtisserie. On m’a dit que c’était un métier réservé aux hommes , que je serais entourée de plein de garçons, que je serais toute seule.
Mais je m’en fichais de tout ça ! Je voulais être pâtissière, et je ne comprenais pas pourquoi cela m’était impossible !
L’année de ma seconde générale a été parsemée de débats autour de mon orientation, d’engueulades et encore de disputes avec mes parents, qui me disaient :
– De toute façon tu ne seras jamais pâtissière ! -T’es bonne en anglais et en allemand, tu ne veux pas être interprète ?
J’ai vraiment eu un sentiment d’abandon de la part de mes parents. Mon père avait l’air d’avoir honte de moi.
Comme je n’ai pas trouvé d’employeurs j’ai envoyé mes voeux de fin d’année dans des lycées professionnels pour le bac boulangerie-pâtisserie. Et j’ai quand même dû mettre en troisième voeu une première littéraire. J’ai bien cru que j’allais rester dans ce lycée général deux années supplémentaires…
Heureusement pour moi, j’ai été prise dans un lycée à une heure de chez moi pour un bac-CAP boulangerie-pâtisserie qui me préparerait aux deux examens en trois ans.
J‘ai appris énormément de choses, surtout en stage, et quand mes parents ont vu ce que je savais faire ils ont été fiers et ont compris que j’étais faite pour ça. Je viens de finir mes épreuves et j’aurai les résultats en juillet.
Malgré le fait que la boulangerie ne me plaît pas (c’est très différent de la pâtisserie), et que le lycée professionnel n’est à priori pas la meilleure voie pour devenir pâtissière, j’ai aimé ce que j’ai fait. Et la moitié de ma classe est remplie de filles : dans vos faces les patrons sexistes !
Il vaut à priori mieux faire des contrats d’apprentissage pour ce genre de métier, mais avec du recul je ne sais pas si c’est une mauvaise chose d’avoir fait ma formation dans un lycée. J’ai connu les joies de l’internat et je me suis fait des amis plus que géniaux. Aujourd’hui je sais que je suis prête à aller travailler.
J’ai peut-être voulu aller trop vite en troisième en voulant faire un contrat d’apprentissage. »
Et faire le métier de ses rêves, c’est aussi confronter le rêve à la réalité – qui ne correspond pas toujours à nos attentes. Céline a pu le constater :
« Je rêve de faire un métier dans le domaine artistique depuis toute petite. J’ai pris des cours de dessin dès mes cinq ans, et je passais la majeure partie de mon temps libre à dessiner. Je ne me voyais pas faire autre chose dans ma vie. C’est naturel, voire vital pour moi de gribouiller partout.
Dans l’imaginaire collectif, on pense que les créatifs vivent d’amour et d’eau fraîche, que tout roule et que dessiner c’est facile, ce que j’ai longtemps cru moi aussi.
Quand je suis arrivée en école, j’ai été très surprise de la surcharge de travail (surtout après le bac) qui m’attendait tout au long de l’année. J’ai dû mettre de côté ma vie sociale, j’ai même dû rompre avec mon copain car je n’arrivais pas à joindre les deux bouts. Je sors très rarement, je travaille tous les jours jusqu’à très tard. En-dehors de mes parents, je ne vois presque pas ma famille, et je m’accorde une partie de jeux de rôle par mois.
Globalement, en France, nous avons une mauvaise image des créatifs. Plusieurs fois j’ai reçu des demandes de travail où les clients ne proposaient aucune rémunération, car pour eux dessiner c’est facile, ce n’est pas un vrai métier, c’est fait par passion donc il n’y a pas besoin de payer. »
Les doutes et les perturbations extérieures s’invitent aussi parfois dans le rêve ; le chemin a été ardu pour Camille qui voulait être enseignante :
« Une conseillère d’orientation m’a expliqué que pour être professeur des écoles, il fallait une licence pour accéder au master à l’IUFM. J’ai donc choisi une LLCE anglais. J’ai passé trois années à ne rien glander ; moi qui avais eu une attitude de bonne élève tout au long de ma scolarité, je me suis retrouvée à sécher les cours, à ne presque pas bosser.
Cette licence ne m’a pas du tout intéressé, j’ai failli arrêter plusieurs fois, mais j’ai tenu, sachant que j’avais besoin d’un bac+3 pour entrer à l’IUFM. Et je l’ai eue, cette licence !
Malheureusement, l’année suivante a été un peu chaotique. Mon copain m’a quittée à la fin de ma licence, et je me suis retrouvée sans motivation, sans projets, sans envie. Malgré l’obtention de ma licence, je ne me suis pas inscrite à l’IUFM.
J’ai fait une année de break un peu par dépit, mais aujourd’hui je ne la regrette pas. J’ai eu des petits boulots, et au fil des mois, j’ai remonté la pente post-rupture. À côté de ça, je continuais de voir celui qui était devenu mon ex, notre relation n’était pas réellement définie et j’ai eu envie de partir faire un tout autre master loin de ma région, loin de lui, pour tout recommencer à zéro.
Tout était prévu avec une amie, on devait partir loin, en coloc, pour un master en langue, culture et entreprise.
Et puis… le doute. Mince alors, est-ce que j’allais vraiment abandonner mes rêves d’enseignement ? Et puis est-ce que j’allais vraiment partir loin de lui, avec qui tout allait mieux ? J’ai donc tout annulé avec cette impression dégueulasse de trahir ma copine. Mais je me suis écoutée, je suis restée chez mes parents et je me suis inscrite à l’IUFM pour la rentrée d’après (et accessoirement mon couple s’est reformé).
C’était donc parti pour une reprise d’étude, et cette fois, avec beaucoup de plaisir. J’ai beaucoup bossé durant ma première année mais je me sentais déjà passionnée. J’ai validé ma première année de master et j’ai obtenu les écrits du CRPE, grâce auxquels j’ai pu exercer en tiers-temps en tant que contractuelle pendant mon M2.
Là, ça a été le moment de vérité. Pendant mon M1, j’avais participé à deux stages en pratique accompagnée, donc pas en classe toute seule. À partir du M2, j’ai été lancée dans le grand bain, seule face à une classe pendant trois semaines, remplaçant l’enseignant•e parti•e en stage.
Mon premier remplacement a été horrible. Vingt-neuf CE2-CM1 un peu affreux, mon autorité naissante mise à l’épreuve, je me suis posée beaucoup de questions : est-ce que j’allais vraiment me battre pour un concours qui m’amènerait peut-être face à des élèves insolents qui m’obligeraient à faire le gendarme à longueur de journée ? Non. J’ai déchanté.
J’étais démotivée, un peu déçue et déprimée. Je m’attendais à vivre une vraie révélation, un épanouissement professionnel et personnel, et à la place j’allais travailler la boule au ventre. »
Pour Anabelle, les doutes sur ses buts d’enseignement ont surtout été crées par les autres :
« Une fois le diplôme en poche, j’ai pensé qu’il était temps de prendre un peu de recul sur tout ça, faire le point sur ce que je voulais vraiment faire de ma vie. Maintenant que j’étais dans les études supérieures, je rencontrais beaucoup d’enseignants qui semblaient surpris, et presque désolés pour moi.
Certains me racontaient qu’ils étaient devenus enseignants parce que les études qu’ils avaient choisies ne pouvaient les mener nulle part ailleurs, d’autres me mettaient en garde (« ce métier, ça doit être une vocation, sinon tu ne tiendras pas le coup »).
Parfois, c’étaient des personnes de mon entourage qui, pour plaisanter, dénigraient ce métier en déterrant ces vieux clichés du prof toujours en vacances et qui ne travaille que 18h par semaine.
Et puis, il y a les médias qui ne montrent de l’école que les élèves irrespectueux, indisciplinés, même dangereux et les réformes qui s’enchaînent les unes après les autres…
C’est une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de partir en Irlande. Là-bas, j’étais assistante de français dans une école en pleine campagne, le combo parfait pour se perfectionner en anglais et s’approcher un peu du métier d’enseignant.
Bien sûr, comme partout, il y avait des élèves qui essayaient de déstabiliser la « petite nouvelle », qui bâillaient la bouche grande ouverte pour me faire comprendre qu’ils se fichaient complètement de ce que je racontais, qui vivaient leur vie comme si je n’existais pas.
Mais tout cela, ce n’était rien à côté de ceux qui me regardaient avec des étoiles dans les yeux, ceux qui me racontaient leurs vacances en France, et ceux qui m’envoyaient des cartes de voeux pour Noël alors que j’avais quitté l’école depuis quelques mois… »
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Les conditions d’accès au métier sont parfois extrêmement éprouvantes, et mettent à l’épreuve la motivation. Alixaalix raconte :
« J’ai commencé mes études de médecine l’an dernier. J’avais alors 19 ans. Car le métier qui paraissait le plus me correspondre, le plus me plaire et me motiver était celui de psychiatre ! En effet ma sœur et son conjoint sont infirmiers en psychiatrie, et nous avions eu de longues discussions sur ce domaine qui est pourtant si occulté.
Je trouvais la psychiatrie fascinante et je voulais faire partie des gens qui la ferait évoluer et qui la ferait être reconnue d’avantage. Fan de réflexion et du contact humain, mon désir ardent de « sauver le monde et les gens qui sont malheureux » m’a donc poussé à me jeter dans le gouffre des études de médecine. J’étais prête à tout pour y arriver.
Je vais actuellement passer en troisième année, donc je fais ces études depuis maintenant deux ans. J’ai réussi à faire ces études en « donnant mes tripes »… La première année se finit avec un redoutable concours qui en fait frémir plus d’un ; à la faculté où j’étudie, pour environ mille inscrits, quatre-vingt seulement sont admis en deuxième année, en comptant bien sur les doublants de l’année précédente qui ont de l’avance sur nous.
On peut donc parler d’un gigantesque obstacle et de moult difficultés morales, intellectuelles, psychologiques… C’est difficile de rentrer dans l’esprit de compétition ambiant, puis vient bien sûr la perte de confiance en soi, les questions existentielles, la perte des moments pour se détendre et faire ce qui nous fait du bien, le manque de vie sociale…
Et enfin l’énorme difficulté pour la mémoire d’emmagasiner une masse si importante de savoir. Enfin bref, on en prend un véritable coup !
Je ne peux pas dire que je ne m’y attendais pas avec tout le mythe autour de cette première année. Je savais que ce serait difficile. Mais on ne se rend jamais vraiment compte tant qu’on est pas dedans… Et si j’ai pris une véritable tarte au début de ma première année, je crois que le plus difficile a été de me relever. L’année qui a suivi, celle que je viens de vivre, a été une véritable reconstruction pour moi, qui n’est pas encore terminée.
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De plus, entrer dans ce domaine signifie se confronter à la mort et à la souffrance tout les jours ; pas facile pour un petit humain de vingt ans qui aimerait vivre dans le monde des petits poneys… Je n’ai par exemple pas vraiment supporté les séances de dissection et les vidéos d’autopsies auxquelles j’ai dû assister, et les cours te rappellent tout les jours que non, la vie ce n’est pas juste.
Mais j’aime mes études. Je ne me suis pas trompée concernant mon goûts pour les sciences médicales et j’aime le contact avec les patients, qui peuvent parfois être dans des situations très compliquées. J’aime mes études malgré mon petit cœur tout mou !
Cependant on confronte ses rêves à la réalité ; déjà je me suis rendu compte que durant nos études on allait pas mal galérer, que cela allait être réellement difficile encore, notamment pendant l’internat, et que j’étais loin d’en avoir terminé avec les remises en questions.
Puis on voit que les médecins ont un rythme intense, que la médecine n’a pas réponse à tout et qu’il faut parfois savoir dire aux patients « je ne sais pas ». On se rend compte qu’on peut échouer, et que malgré la responsabilité énorme qu’on porte sur le dos, on a très peu droit à l’erreur aux yeux des patients.
On voit que l’hôpital n’est pas un environnement de rêve, que notre métier peut réellement nous prendre la tête en dehors de vos heures de travail.
C’est le cas de nombreux métiers, mais la médecine est souvent l’objet de fantasme par le biais des séries télés par exemple, et on ne se rend pas vraiment compte de tout ça… »
Et quand le métier est peu connu et/ou particulièrement difficile d’accès, cela complique encore plus les choses. Clémence en a fait l’expérience :
« J’ai bientôt 20 ans et je souhaite être volcanologue depuis toujours, au moins depuis la maternelle du plus loin que je me souvienne. Les volcans étaient une réelle passion, alors autant en faire mon métier ! Surtout qu’être volcanologue fait voyager, une autre passion très forte pour moi.
Je n’ai jamais vraiment changé d’avis, et au moment de l’orientation en terminale S je n’ai mis qu’un choix : Licence Sciences de la Terre, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand (elle a le petit plus de proposer la spécialité « Magmas et Volcans » et de super sorties terrains).
Le moment venu j’ai donc fait les 700km nécessaires pour aller vivre et étudier là-bas malgré mon super petit copain et mes amis merveilleux que je laissais derrière : la distance et la mobilité ne m’ont jamais fait peur.
Beaucoup ont tenté et tentent encore de me décourager, je ne compte plus les :
-Tu vas faire des études très longues pour ne gagner presque rien et sûrement finir au chômage. -Vos notes sont bien trop moyennes pour espérer aller en master… -Tu ne trouveras jamais de travail en France, tu seras obligée de tout quitter, d’être loin de ta famille.
Pourtant ce genre de remarques est toujours bon à prendre (surtout qu’elles sont loin d’être fausses, même si ce ne sont pas non plus des vérités générales) ; elle me donnent personnellement encore plus envie de me surpasser.
Ça fait maintenant deux ans que je fais ces études, et en deux ans ma vision de ce métier a énormément changé. Avec l’âge nos attentes changent également, et il faut faire face à la réalité : ce n’est pas le métier de rêve que j’avais en tête quand j’étais petite, c’est tout un tas de physique et de maths, et c’est loin de faire parcourir le monde toute l’année.
Mais ce que ce métier apporte est déjà bien suffisant, et cela reste mon métier de rêve.
J’en suis exactement là où je voulais en être, et normalement l’année prochaine je ferai ma troisième année de licence en Islande. Le rêve continue, mais il reste du chemin à faire (master, doctorat, post-doctorat, trouver du boulot…). »
Et puis bien sûr, il y a la question de l’argent. Kiwi-kiwi a fait un bac littéraire, avant de se rendre compte qu’elle voulait travailler dans les sciences :
« Je suis technicienne supérieure de laboratoire, et ça n’a pas été facile tous les jours. Je partais avec un gros handicap puisque je n’avais pas le niveau en sciences ni en maths, et que je n’avais pas fait de biologie pendant deux ans. Il a fallu énormément de boulot, des kilomètres de fiches et de cours à apprendre par coeur.
En plus de ça, n’ayant plus de papa, seulement ma mère pour nous élever tous les trois, il a fallu qu’on se serre la ceinture pour payer la prépa et l’école. J’ai donc été caissière pendant toute la durée de mes études, jusqu’à cette licence bénie où je suis désormais en alternance et peux enfin travailler dans mon milieu.
Je me demande encore aujourd’hui comment j’ai pu tenir ces semaines de stage cumulées avec les horaires au magasin. J’en étais à soixante heures par semaine pendant deux mois.
Je ne regrette rien, ça m’a énormément appris, fait grandir et je suis plus mature. À force de te faire traiter comme une moins-que-rien dans un hypermarché, le monde du travail te parait être adorable dans n’importe quel autre milieu. Je suis vraiment fière d’avoir réussi, mais il faut l’avouer : si je ne m’étais pas sorti les bras du cul, je n’en serais pas là. »
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Faire ce qui nous plaît
Heureusement, vient après tout cela l’accomplissement, le métier de rêve au quotidien. Après toutes les difficultés rencontrées et ses doutes, Camille a fini par apprécier son rêve d’enseignement :
« Le deuxième remplacement est arrivé, et avec, la sensation magique que j’avais tant attendue. Face à ces petits CE1 si mignons, je me suis sentie à l’aise, et surtout, à ma place. Les deux autres remplacements et les avis positifs de ma tutrice ont confirmé mes impressions.
Et puis j’ai passé l’oral du CRPE, et je l’ai obtenu. Je suis donc, depuis septembre 2014, PES (professeur des écoles stagiaire), avec une classe de maternelle.
J’ai fait la rencontre de super collègues, j’ai découvert la vraie vie de professeur des écoles, ce qu’il y a à faire hors classe, le travail à temps plein avec des enfants, la fatigue aussi.
Mais une année entière avec une classe à soi, ça permet aussi de frissonner de plaisir et d’émotion quand un petit évolue, quand d’un coup, il compte, il reconnaît une lettre, s’ouvre et me parle.
Ce métier me comble réellement ; pour la première fois je ne travaille pas dans la contrainte mais bien par plaisir, et cela m’aide aussi personnellement dans les épreuves familiales que j’ai pu vivre.
J’ai récemment eu l’avis favorable de monsieur l’inspecteur pour ma titularisation, et ai reçu ses félicitations.
Maintenant, ce sont des années plus compliquées qui s’annoncent car être un·e jeune prof veut dire qu’on nous envoie sur des postes difficiles, lointains, spéciaux…
Je ne sais pas si je retrouverai cette sensation de plénitude, peut-être que le stress prendra le dessus, mais je sais désormais que c’est possible de faire le métier qui nous passionne et surtout, que l’on a toujours voulu faire. »
Et d’après cette madmoiZelle, les sacrifices pèsent peu par rapport au bonheur de faire ce que l’on aime :
« Depuis toute petite, mon rêve c’est le cinéma ! D’abord j’ai voulu être actrice, mais très vite vers 9-10 ans le métier de réalisatrice m’a fait rêver. Le cinéma me faisait rêver et c’est pour ça que je voulais en faire. Je voulais faire rêver les gens à mon tour ! Raconter des histoires, faire voyager et faire rêver.
Et puis il faut dire que c’est ce qui se rapproche le plus d’une machine à voyager dans le temps, ça joue aussi !
Cela fait maintenant un an et demi que j’ai terminé les études. J’ai 23 ans et assez peu de recul. Mais il y a quand même un constat que mes collègue de promo et moi-même avons fait : s’il y a énormément de vidéos aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de places en cinéma.
Mais ça, on le savait dès le départ. Alors petit à petit, on se fait à l’idée de faire des séries et pas du cinéma, ou des films d’entreprises, de la pub, etc.
Il y a tellement de demandes d’images aujourd’hui que finalement il y a du travail, même s’il est dur à trouver et qu’il faut s’accrocher. Mais devenir réalisateur de cinéma, c’est pire qu’un parcours du combattant.
Personnellement je me suis plus tournée vers la réalisation télé. C’est pour faire bouillir la marmite, mais ça ne m’empêche pas d’adorer !
t à côté j’écris mes scénarios, je fais des concours de court métrages et ça me fait plaisir. Finalement ce n’est pas grave si je ne vis pas du cinéma puisque j’ai découvert un autre métier que je ne connaissais pas avant et qui me plaît beaucoup ! »
Cela implique en effet parfois des sacrifices qu’on n’avait pas forcément anticipé, comme Marie (qui travaille aussi dans le cinéma) s’en est rendu compte cette année :
« Lorsque je me suis lancée dans cette branche je ne pensais jamais (jamais) être le genre de fille qui aurait, un jour, envie de se poser et de savoir un peu ce qu’elle va faire de sa vie. Mais c’est arrivé, et plus tôt que ce que j’aurais pu imaginer… Et c’était très dur.
Lorsque l’on vit en dehors des horaires et du monde, on ne fréquente que les gens qui font comme nous. Mais quand ces gens-là sont sur leurs propres projets, on se retrouve vite assez seul·e.
À l’extérieur, les gens ne ne comprennent pas toujours notre rythme et nos obligations ; ça nous coupe un peu du monde, et c’est assez compliqué au début.
Aujourd’hui, je suis un peu dans un dilemme. J’aime énormément ce que je fais, la réalisation, le montage, l’assistanat à la mise en scène sont des métiers formidables et je ne me vois pas faire autre chose. Cependant je ressens que j’ai profondément besoin de trouver un équilibre entre travail et vie privée, afin que l’un ne bouffe pas l’autre !
Ce boulot est exactement comme je l’imaginais : inattendu, imprévisible, et très, très, très passionnant, mais il est aussi épuisant et chronophage. Pourtant, je ne regrette rien. »
Et ces sacrifices peuvent aussi être aussi financiers ; ils demandent alors d’exercer le métier de nos rêves d’une façon particulière. Charlotte raconte :
« C’est en terminale que je me suis décidée à être traductrice.
Quand j’y ai pensé, c’était parfait : j’avais toujours aimé le français et les langues, c’était un travail où le sujet change tout le temps donc où l’on ne s’ennuie pas, avec possibilité de bosser depuis chez soi, et surtout avec des langues étrangères, dont j’allais découvrir la culture, et une formation assez bien réputée dans l’université la plus proche — ou plutôt la moins éloignée — de chez moi.
J’ai eu mon master l’été dernier, et depuis il y a eu des hauts et des bas. Le début a été difficile, car j’ai fait le choix d’exercer en freelance, à la fois parce que ça me plaît et parce que les emplois salariés sont très, très rares.
Les trois premiers mois, j’ai touché 0€, car mes contrats avaient un délai de paiement de soixante jours à compter de la fin du mois. J’ai tenu grâce à de maigres économies et à mes parents qui ont bien voulu m’aider quelques mois de plus.
Et en septembre, une ancienne camarade de promo a donné mon nom à la maison d’édition avec laquelle elle travaillait, qui cherchait une traductrice en urgence.
Après un test, me voilà partie pour traduire trois romans « new romance », ou « romantico-érotiques », avec quand même plus de sentimentalisme dégoulinant que d’érotisme.
Alors oui, c’est pas forcément bien écrit, c’est bourré de clichés, ça tombe dans le sexisme sans s’en rendre compte même quand ça veut bien faire, mais c’est toujours plus stimulant que des modes d’emploi d’aspirateur, et ça me permet de vivre confortablement pendant un an.
Depuis, j’ai d’autres pistes intéressantes même si rien n’est encore confirmé, et absolument toutes ces pistes m’ont été données par des amis, anciens camarades de master ou de licence. Ce qui marche, c’est le réseau. Ou alors on est juste une super bande de potes avec un taux de solidarité à 100 %. Oui, c’est surtout ça !
Actuellement, ma difficulté est de trouver une spécialisation. Car oui, en traduction, on ne traduit pas tout et n’importe quoi : il faut être expert·e dans un domaine, pour avoir la confiance des clients : finance, droit, production d’énergie, jonglage…
À peu près tous les domaines de la connaissance humaine sont envisageables, mais tous n’offrent pas les mêmes débouchés ! Bien que j’ai eu la chance de traduire des livres, ce n’est qu’une infime partie du marché de la traduction, et généralement il est très dur d’en vivre.
Évidemment les domaines qui m’intéressent le plus (la littérature, les arts graphiques, le sous-titrage…) sont ceux où il y a peu de travail, pour des tarifs pas folichons. Mais je ne perds pas espoir et je profite de la chance financière que j’ai en ce moment pour démarcher et essayer de travailler sur des projets qui m’enthousiasment.
Globalement, je sais que je n’ai pas choisi la facilité au sein même de ma spécialité. Mais si j’en ai vraiment besoin, je sais que je pourrai trouver un boulot quelque part, et c’est un luxe que je n’aurais jamais cru possible ! J’ai conscience de la chance que j’ai et je ne regrette pas un seul instant d’avoir suivi ce parcours. En plus, je peux bosser en pyjama !
Si j’avais des conseils à donner… De manière générale, je ne peux pas dire : « Si c’est ce que tu veux faire, vas-y, ne te pose pas de question ! », car nous avons tous des priorités différentes. Si la famille peut soutenir et financer le projet, alors oui, il faut foncer. Mais je suis bien placée pour savoir que ce n’est pas le cas de tout le monde.
Mais sachez que même en ne faisant pas exactement les études de vos rêves,« there’s more than one way to skin a cat » et en louvoyant un peu, vous pourrez trouver le job parfait. »
Yabou conseille quant à elle de bien se renseigner :
« N’hésitez pas à vous renseigner directement auprès de professionnels exerçant le métier, ils vous laisseront peut-être assister à quelques journées de travail pour vous donner une idée concrète de ce qui vous attend et pour ne pas vous engager dans quelque chose qui ne vous plaira pas (même si parfois ce n’est qu’en pratiquant concrètement qu’on s’en rend compte).
Et n’hésitez pas à croiser les avis en allant sur Internet, en traînant sur les forums dédiés à la profession.
Après, je dirais qu’il faut essayer de ne pas idéaliser la profession et bien se rendre compte des inconvénients qui peuvent exister : c’est comme pour tout, si on s’en fait une image trop belle on risque forcément d’avoir une désillusion. »
Car les réalités du métier ne sont pas toujours évidentes avant d’être vraiment dans le milieu. Emmanuelle, restauratrice d’oeuvres d’art, raconte :
« La réalité du métier est parfois dure. Venant d’une école privée et malgré un très bon enseignement, les préjugés en France sont tenaces et les institutions publiques ne veulent, en général, pas entendre parler des restaurateurs sortant de mon école (ils se sont bien gardés de m’avertir à mon inscription, les malins…).
J’ai alors pu découvrir la face cachée du métier (concurrence entre les écoles, procès entre professionnels, salariés sous-payés…) ; ça ne se passe pas toujours comme ça entre confrères, mais il faut savoir que ça existe et que la réalité n’est pas toujours toute rose. De plus, c’est un métier qui ne rapporte pas beaucoup, surtout quand on débute et que le contexte économique n’est pas glorieux.
Ce que je conseille à ceux qui aimeraient avoir un métier artistique, c’est d’avoir confiance en sa passion et de persévérer même si le chemin est long. La famille est aussi un paramètre important.
J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont soutenue sans difficultés, cependant si vos parents ne sont pas d’accord avec votre choix d’orientation, c’est à vous de tout faire pour les persuader que votre décision est la bonne, car rien ne remplace le soutien de sa famille.
Autre conseil : attention aux écoles privées ! Ces écoles sont très fortes pour se faire de la pub, chez eux tout est beau, tout est rose, mais une fois qu’on y est élève, la réalité est moins reluisante. On a souvent le sentiment de s’être fait avoir…
Cela ne vient pas des enseignants qui sont le plus souvent très compétents, mais de l’administration qui ne cherche qu’à faire du business avec notre argent. Donc renseignez-vous bien, rencontrez des anciens élèves, ne foncez pas tête baissée.
Pour en revenir à mon cas, j’apprends peu à peu à être chef d’entreprise. Ayant peu de moyens, j’ai installé mon atelier chez mes parents à la campagne. Je n’ai pour l’instant qu’un client qui m’a confié deux tableaux à restaurer. Le reste du temps, je le consacre à la création artistique en espérant exposer mon travail cet été. »
À lire aussi : J’ai testé pour vous… être restauratrice de tableaux
Élise, comédienne, est d’accord :
« Quand on parle de théâtre, on pense souvent au cinéma, aux acteurs, aux paillettes. Inversement, venant de ce milieu, tout le monde m’a répété mille fois les difficultés du métier.
La seule chose que je peux dire à mon petit niveau et à mon âge, c’est que la naïveté peut avoir un côté positif. Se servir de cette jeunesse, de cette détermination un peu naïve peut vraiment être un appui considérable pour avancer.
Oui, ce métier est difficile et comporte d’atroces désillusions, beaucoup d’incompréhension de la part de tes amis, de ta famille. Mais ce que j’ai retrouvé, toujours fidèle à mes rêves de petite fille, c’est ce plaisir de travailler, cette jouissance, le bonheur de pratiquer sa passion.
Ça peut sonner cliché, mais si ce plaisir est toujours présent et suffisamment fort, il peut consoler la dureté de l’exercice du métier.
Ce que je conseillerais, c’est de savoir où on met les pieds. C’est en se renseignant sur la réalité du travail qu’on peut prendre les décisions les plus folles en sachant ce qu’on risque. Mais surtout, en sachant ce qu’on aime.
Une fois cette conscience acquise, il faut un courage personnel que personne n’a le droit de revendiquer (ou non) pour vous. Être sûr·e de sa passion et de ses attentes est à mon avis le plus important. Le reste — les obstacles, la difficulté — ne sont que des barrières à franchir avec patience et passion, pour ne surtout pas avoir de regrets dans sa vie. »
En effet, toute la réalité du métier ne fait à priori pas forcément rêver :
« Je m’appelle Roxane, j’ai 24 ans et je suis pilote de ligne.
J’ai décidé que je voulais être pilote à 16 ans, lors d’un stage de planeur. J’ai découvert que j’adorais voler. Je connaissais bien la vie de pilote car ma maman est pilote de ligne elle aussi, et nous avons toujours beaucoup voyagé grâce à elle.
Je suis aujourd’hui copilote dans une compagnie du Golfe dont je ne peux malheureusement pas prononcer le nom. Le métier est encore mieux que ce que j’imaginais.
On voyage beaucoup mais on a aussi beaucoup de temps libre, on rencontre des gens nouveaux tout le temps, et décoller et faire atterrir un avion sont les meilleures sensations du monde (pour ceux qui aiment évidemment !).
On me demande souvent comment je suis reçue en tant que femme, et je dois avouer que dans ma compagnie aujourd’hui je suis presque toujours traitée comme les hommes (l’aviation est un secteur dans lequel les femmes sont payées exactement comme les hommes).
Mais lors de ma formation on me disait souvent que si je ratais, ce serait parce que j’étais une femme, et que si je réussissais, ce serait parce que j’avais dragué l’instructeur. On doit malheureusement toujours prouver qu’on mérite d’être là, et deux fois plus que les hommes.
Je rencontre beaucoup de gens qui me disent que c’est leur rêve et je leur dis toujours de tout faire pour y arriver. En France il faut avoir fait une prépa, mais en Belgique ce n’est pas obligatoire : la moitié de ma classe venait de France.
Il ne faut pas être super bon·ne en maths, juste avoir les bases et pouvoir résoudre une équation. Il faut être bon·ne en anglais par contre. Et surtout être super motivé·e ! »
Lis résume en soulignant une précaution importante :
« Si je peux donner un conseil à ceux et celles qui veulent faire de leur passion leur métier, c’est de prendre le temps de la réflexion. Car il y a un danger à choisir de faire de sa passion son métier : que la passion n’en soit plus une, gâchée par les obligations du travail et des personnes qui nous dirigent.
Une passion peut toujours être exercée sur son temps libre, et faire un métier alimentaire à côté n’est pas un mal, loin de là.
Pesez le pour et le contre, puis quand vous savez, lancez-vous, foncez et passez par dessus les obstacles ! Vous n’avez qu’une seule vie et elle vous appartient à vous seul·e ! »
Enfin, Manon, qui a fait Sciences Po et voulait « juste » être prof, raconte :
« Si j’ai tenu à partager mon témoignage, c’est pour encourager chacun à suivre sa voie. À la fois quand on vous décourage trop vite mais aussi, pour mon cas, quand on estime que ce n’est pas assez bien pour vous.
Il m’était arrivé la même chose lorsque j’avais choisi de faire L au lycée : pour mon prof de physique, j’allais littéralement gâcher mon avenir… Pourtant, je ne crois pas que faire Sciences Po soit synonyme d’avenir gâché.
Gardez des portes ouvertes mais restez aussi accrochés à vos convictions, tout en restant réalistes. J’ai fait un choix conscient et éclairé. J’aurais carrément pu faire un métier plus prestigieux et qui me ferait gagner plus d’argent, c’est vrai.
J’ai choisi de considérer que l’argent ne fait pas le bonheur (même si dans le cas où je serai agrégée on ne pourra pas dire que je gagne mal ma vie non plus) et je pense pas le regretter un jour. »
– Un immense merci à toutes les madZ pour leurs précieux témoignages !
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